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Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

Publié le lundi 27 novembre 2006 à 05h58min

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Dominique Decherf, ambassadeur de France au Rwanda

Paul Kagamé a donc fini par franchir le Rubicon. Les relations franco-rwandaises, qui n’ont jamais été franchement bonnes - et c’est un euphémisme - depuis l’arrivée au pouvoir du FPR, dans les circonstances qu’on sait, se sont considérablement et durablement dégradées depuis vendredi dernier.

Rappel de son ambassadeur à Paris ; expulsion du chef de la représentation diplomatique française, sommé de quitter le pays sous 24 heures (il est effectivement rentré samedi au bercail) et de son personnel ; fermeture de l’ambassade de France et de toutes les institutions françaises au pays des milles collines (centre culturel, écoles, etc.)... telles sont en effet les oukases pris vendredi par Kigali. La Belgique, l’ancienne puissance coloniale, qui a d’ailleurs contribué au délitement de ce qui était jadis le Rwanda-Urundi, s’occupera, en attendant, des intérêts de son voisin européen.

A l’origine de ce nouveau coup de froid entre les deux capitales, la recommandation faite par le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière de poursuivre Kagamé devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour sa participation présumée à l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, considéré comme l’élément déclencheur du génocide.

Dans la foulée, neuf mandats d’arrêt internationaux contre des proches de Kagamé et de hauts responsables rwandais dont James Kabarebe, le chef d’état-major de l’APR, ont été lancés. C’était plus que ne pouvait supporter "l’homme mince" de Kigali. "La France tente de détruire notre gouvernement ; nous ne voyons aucune nécessité de garder des relations avec un pays hostile", a martelé Charles Murigandé, le ministre rwandais des Affaires étrangères, pour qui toute cette affaire est politique alors que Paris s’abrite derrière le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs pour ne pas commenter une décision de Justice.

Bien sûr, le maître du Rwanda, qui est arrivé au pouvoir les armes à la main et qui ne s’est pas encore véritablement converti au culte démocratique avec son corollaire de respects des droits de l’homme et des libertés, d’indépendance de la justice, etc., ne peut pas comprendre qu’un petit juge ait l’outrecuidance de l’importuner s’il n’a pas l’onction élyséenne et sans que Jacques Chirac ne puisse y faire grand-chose.

Nous disons bien grand-chose, car partout, sur les bords de la Seine comme au pays des mille collines, la politique n’est jamais très loin du prétoire, quitte à ce que la justice en sorte dès qu’elle y entre. De ce point de vue, il n’est pas interdit de penser que derrière l’agitation juridico-médiatique d’un magistrat en mal de publicité peuvent se cacher des desseins politiques inavoués.

Ce nouveau pavé dans les Grands Lacs intervient, ne l’oublions pas, au moment où une commission d’enquête kagaméenne mène des investigations sur le rôle de l’Hexagone avant, pendant et après la folie meurtrière d’avril-juillet 1994. Cette structure doit en principe reprendre ses audiences publiques le 11 décembre 2006 pour éventuellement déboucher sur une procédure devant la Cour internationale de Justice (CIJ) contre la France accusée d’avoir entraîné et armé les génocidaires. La sortie du juge Bruguière peut de ce fait procéder d’un plan pare-feu du "Je te tiens, tu me tiens par la barbichette".

Si Paris a toujours nié toute implication dans les massacres, son rôle a été on ne peut plus trouble, ne serait-ce que parce qu’elle a porté à bout de bras le régime autocratique et ethniciste d’Habyarimana (comme du reste elle a souvent soutenu contre le bon sens de nombreux autres despostes africains) et qu’elle a forcément vu s’accumuler, au fil des mois, tous les ingrédients de la tragédie. Radio mille collines, de sinistre mémoire, tonnait déjà et les machettes était entreposées dans l’indifférence quasi générale de la communauté internationale, particulièrement de la France qui ne peut donc s’en laver totalement les mains.

Mais il a fallu, c’est bien connu, que le Falcon présidentiel dont la boite noire, soit dit en passant, dort quelque part dans un tiroir de l’immeuble des Nations unies à New York, soit abattu pour que le génocide des Tutsis et le massacre des Hutus modérés commence. Certes, cette histoire écrite en lettres de sang n’a pas encore dévoilé tous ses secrets et éclairci tous ses mystères, mais le coup du Falcon peut très bien, n’en déplaise à Kagamé, avoir été fait par ses éléments même si, en draguant la poubelle où étaient endormis une armée de scorpions, ils ne pouvaient pas s’imaginer que les tueries auraient cette ampleur (entre 800 000 et 1 millions de morts). Il peut toujours jouer à la vierge effarouchée, au vertueux outragé, il n’est certainement pas l’ange qu’il veut faire croire. D’ailleurs, sa frilosité toutes les fois qu’on parle de sa participation présumée à l’attentat du 6 avril est très suspecte.

Pourquoi d’ailleurs Kagamé peut-il, lui, instruire un procès, uniquement à charge, contre la France et pousser de l’urticaire quand cette même France s’intéresse à son implication supposée ou réelle dans la pulvérisation du Falcon où trois ressortissants français ont péri ? En vérité, chacune des parties doit avoir quelque chose à se reprocher. C’est vrai, il n’est jamais aisé de parler du Rwanda qui a souffert le martyre, de sorte que la moindre critique peut paraître déplacée.

Pour autant, il faut prendre garde à ce qu’il ne devienne pas, comme nous l’avons écrit dans notre précédente édition, l’Israël des Grands Lacs, c’est-à-dire un pays intouchable parce qu’il a vécu l’innommable, mais qui peut se permettre tout et son contraire, déstabiliser par exemple une région entière pour, dit-on, assurer sa propre sécurité, sans qu’on puisse émettre le moindre reproche sur ses dirigeants sous peine d’être traité de révisionniste. Car, ce pourrait être la porte ouverte et le prétexte à tous les abus.

Cela dit, le Rwanda, libre de droit et indépendant de fait, a toute la lattitude de couper les ponts avec qui il veut, notamment les Français, jugés arrogants, exploiteurs et responsables de tous nos malheurs, ce qui ne nous empêche pourtant pas de continuer de cheminer avec eux.

De ce point de vue, Kagamé l’anglophone est, si on ose dire, à la hauteur de ses péchés et il faut à tout le moins saluer le courage dont il fait montre en coupant le cordon ombilical qui le reliait à la France. Ça doit être vécu par certains comme une nouvelle décolonisation et ça ne doit pas déplaire du côté d’Abidjan et dans de nombreux milieux intellectuels africains. Du reste, ce qui doit importer aux yeux des autorités rwandaises, c’est moins cette orageuse relation avec la France que le développement du Rwanda (qui peut se faire sans Paris) et la réconciliation nationale.

C’est penser les bleus de l’âme, cicatriser les blessures, dissiper les rancœurs douze ans après le génocide et former, enfin, une vraie nation sur cette terre qui était un havre de paix avant que les Blancs viennent y tremper leur nez.

Une légende locale raconte d’ailleurs que jadis, chaque jour, quand bon Dieu avait fini de faire le tour quotidien de son domaine planétaire, c’est au Rwanda, dans ces monts et ces vaux où coulent le miel et le lait, qu’il venait toujours se reposer le soir venu parce que ces contrées étaient tout simplement paradisiaques.

Puisse seulement ces milles collines redevenir cet Eden qu’elles avaient toujours été et qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être. Avec ou sans la France.

Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 27 novembre 2006 à 08:46 En réponse à : > Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

    Il faut arrêter de faire du cinema. Quand le génocide à commencé, tous les pays européen ont abbandonné le Rwanda à leur propre sort et maintenant que les choses recommences à être normales, les Français veulent une fois de plus detruire ce pays.

    Nous africains, nous soutenons le Président KAGAME et lui demandons d’aller de l’avant et à la France, nous leur demandons de demander les excuses au peuple Rwanda pour avoir favoriser l’horreur.

    merci

    • Le 27 novembre 2006 à 11:16, par bitugangando En réponse à : > Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

      Nous les africains nous voulons que la justice soit faite. les Rwandais ont besoin de la paix et de respect. Si nous les africains voulons aller de l’ avant, écartons d’abord les dictateurs et les criminels comme Kagamé.

      Merci

    • Le 27 novembre 2006 à 14:00, par rara En réponse à : > Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

      Pour réconcilier les rwandais il faut la justice pour tous ! D’abord, le planificateur Kagame, qui seule savais que s’il tue le Président en place à ce moment, la guerre civile écraterait ! Et qu’il recolterait le pouvoir grâce au sang du peuple rwandais. Ce Kagame, il est maudit, il a fait massacré ses congénaires, à son tour il massacrés les 3/4 du peuple Hutu, il a massacré 10 Evêques en même temps. C’est un fou furieux !
      Ma seule question "comment les américains ont pu signé un pacte avec ce diable" ?

    • Le 27 novembre 2006 à 14:01, par rara En réponse à : > Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

      Pour réconcilier les rwandais il faut la justice pour tous ! D’abord, le planificateur Kagame, qui seule savais que s’il tue le Président en place à ce moment, la guerre civile écraterait ! Et qu’il recolterait le pouvoir grâce au sang du peuple rwandais. Ce Kagame, il est maudit, il a fait massacré ses congénaires, à son tour il massacrés les 3/4 du peuple Hutu, il a massacré 10 Evêques en même temps. C’est un fou furieux !
      Ma seule question "comment les américains ont pu signé un pacte avec ce diable" ?

    • Le 27 novembre 2006 à 17:57, par Elena En réponse à : > Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

      Le juge Bruguière est avant tout un juge anti-terroriste et son rapport est très pertinent. Son dossier ne parle pas des rapports qu’entretiennent la France et certains pays européens car cela est un autre sujet...
      Ce juge est un brave homme, qui met en évidence le caractère sanguinaire de KAGAME et apporte des preuves sur ce que le peuple rwandais, les politiciens aussi bien européens que américains connaissent déjà : Kagame est bien l’auteur de l’attentat terroriste du 6 Avril 1994 qui je précise a tué deux présidents et pire encore cet acte est le déclencheur des massacres du Rwanda. KAGAME a les mains couvertes de sangs et il est grand temps que l’opinion publique connaisse la vérité.
      Au nom des millions de morts rwandais et plus de cinq millions de morts congolais dont il est coupable, il est logique que KAGAME réponde à SES CRIMES CONTRE L’HUMANITE
      Pour plus d’information, je vous recommande le livre « les secrets de la justice internationale » par Charles Onana, un journaliste d’investigation.
      Ce livre vous éclairera sur les points qui semblent vous échapper !!!
      Arrêtez de croire que le Rwanda commence à se reconstruire, car on ne se reconstruit pas dans le mensonge. On ne peut pas parler de paix alors qu’une majorité de la population rwandaise continue à subir des nombreuses injustices, des arrestations arbitraires, des enlèvements,des meurtres cachés,etc
      Kagame n’est pas contre la France mais contre la VERITE et la JUSTICE.

      • Le 2 décembre 2006 à 01:33 En réponse à : > Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

        Si on arrive à faire payer Kagame et ses proches de ce qu’ils ont fait ceci servira de leçon à certains criminels qui se croient au dessus de lois et surtout c’est une une grande contribution pour décourager les criminels quels qu’ils soient

        Les pays qui continuent à le soutenir aveuglement verront plutard qu’ils ont noué avec la diable.

  • Le 27 novembre 2006 à 17:44, par Elena En réponse à : > Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

    Paul Kagame a toujours nié la vérité et la justice ; C’est un home qui pratique l’illégalité. Il travaille dans la terreur et le mensonge. Ses mains sont empreintes de sangs des millions d’innocents. Son hostilité au gouvernement français est nourrie par le refus de vérité. Pourquoi a-t-il peur de la justice s’il n’a rien à craindre ?????
    En plus des inculpations du juge Bruguière, je rajouterai qu’il est aussi responsable des milliers de morts de la préfecture de Byumba au Rwanda (octobre 1990 jusqu’ au jour d’aujourd’hui). C’est un président sanguinaire et comme disent certains c’est le HITLER d’ AFRIQUE !!!
    Kagame doit être poursuivi pour tous les crimes commis, il est responsable du génocide (1994) qui a fait plus de 800 000 morts tutsi et hutu confondus.
    Même si on n’en parle pas beaucoup, n’oubliez pas que Kagame est aussi responsable de la guerre qui a ravagé la RDC causant plus de 4 millions de morts, soit la plus grande guerre meurtrière depuis la seconde guerre mondiale !!!

  • Le 28 novembre 2006 à 01:28, par Frederic En réponse à : Rwanda : la france

    Je suis francais et je suis degoute par l action de la france au Rwanda. Notre attitude montre que nous sommes vraiment l’enemi des victimes du genocide : Avant, pendant et apres le genocide , la france maintien une meme ligne a la limite de la negation du genocide. Moi citoyen francais je demande qu’une enquete impartiale soit faite en france sur cet horreur pour juger les responsables francais de la collusion entre la france et un parti extremiste Hutu qui a conduit au genocide. Que les responsables s’expliquent sur les accusations tres graves lancees par de nombreuses victimes.

  • Le 29 novembre 2006 à 10:17, par muhabura prime En réponse à : > Rupture des relations franco-rwandaises : La nouvelle décolonisation de Kagamé

    Une légende locale raconte d’ailleurs que jadis, chaque jour, quand bon Dieu avait fini de faire le tour quotidien de son domaine planétaire, c’est au Rwanda, dans ces monts et ces vaux où coulent le miel et le lait, qu’il venait toujours se reposer le soir venu parce que ces contrées étaient tout simplement paradisiaques.
    Puisse seulement ces milles collines redevenir cet Eden qu’elles avaient toujours été et qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être. Avec ou sans la France.
    Observateur Paalga.

    Merci pour ton voeu dont la réalisation commence avec la rupture diplomatique avec la France.

    Sache, Monsieur Paalga, vicieux observateur que le Président Kagame est un grand libérateur qui a un rôle bien précis :
    Décoloniser l’Afrique à travers l’exemple du Rwanda. Rien d’étonant alors que la France politique ne l’aime pas car bientôt elle n’aura plus d’assimilés qui n’ont d’autres rêves que "voir Paris et puis mourir" mais de vrais patriotes prêts à mourir pour recouvrer leur dignité.
    La colonisation a aliéné tant de peuples, dont celui du Rwanda. La décolonisation va émanciper les mêmes peuples à commencer par celui du Rwanda.

    Le déclin sonne le glas à l’impérialisme français et de Muhabura* on entend les cloches.
    La France a dressé une armée de scorpions (pour emprunter votre expression) laquelle a semé la désolation au pays des milles collines, laquelle fait honte à l’humanité toute entière pour le génocide commis de conivence avec certains militaires et politiciens français qui seront bientôt traduits en justice. Ce sont ceux-là qui prennent les devant pour projetter leurs forfaits sur le brave des braves. Celui qui fait la fierté de tout un continent. Le Président KAGAME n’est pas aimé par certains politiciens français parce qu’il a mis en déroute cette armée qui servait les intérêts d’une France devenue au fil des temps comme une sangsue géante qui suce le sang d’une Afrique meurtrie par les affres d’une colonisation sauvage. Que la France pleure le président Habyarimana au lieu d’un million de victimes innocentes emportées par le génocide est une preuve de sa complicité avec les forces du mal mais qu’elle sache désormais que quand des millions de personnes font une même profession de foi, l’histoire nous apprend qu’elle leur fait gain de cause.

    Muhabura* est un volcan éteint au nord du Rwanda.

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