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Nouvelle carte nationale d’identité : où en est-on ?

Publié le lundi 27 novembre 2006 à 06h22min

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Amadou Dabo

Le député UNDD El Hadj Amadou Dabo a eu une excellente idée en souhaitant en savoir plus sur la nouvelle carte d’identité car c’est un des sujets dont l’évocation a la vertu de faire rentrer dans leurs gongs les Burkinabé. Pour l’Honorable, le coût de la nouvelle CIB est trop élevé et le délai de 10 ans pour refaire la carte plutôt court.

Mais il y a surtout à son sens, qu’ il manque sur le document un élément essentiel : la filiation et que les cartes déjà délivrées l’ont été avec des erreurs.... Le Député a donc posé une question orale avec débat, à l’Assemblée nationale, au Ministre de la Sécurité. La voici ainsi que la réponse du Ministre Bassolet, sans oublier les commentaires en réplique du député et ceux répercutés par l’opinion.

QUESTION DU DEPUTE

« La loi 005 du 16 mai 201 a institué une carte nationale d’identité burkinabé. Cette carte est individuelle et obligatoire pour tout Burkinabé âgé de 15 ans au moins.
La carte nationale d’identité instituée par ordonnance 84-046 CNR/PRES demeure en vigueur pour une période transitoire de 3 ans au plus.

Un service technique a été mis en place et a même commencé ses activités, mais depuis un certain temps, l’établissement de ce document se fait rare.
Monsieur le Ministre, peut-on savoir de façon exacte où est-ce que le gouvernement en est avec la mise en œuvre de cette opération qui a commencé avec des erreurs constatées sur des cartes déjà délivrées ?
Je vous remercie ».

REPONSE DU MINISTRE

C’est le vendredi 24 novembre que le ministre de la Sécurité, Djbril Bassolet, a répondu au Député. En substance, il a dit que l’objectif du gouvernement, à travers la loi votée en 2001, était d’avoir une carte d’identité plus fiable et plus crédible, bref une carte sécurisée. Mais cela s’avère une tâche lourde et compliquée car il faut entre autres recueillir les empreintes digitales , s’assurer que les données de la CIB et le passeport sont identiques.... Le Ministre a expliqué que ce sont ces considérations qui font que le projet accuse un retard d’exécution. Les difficultés sont telles que le gouvernement a été obligé de créer l’Office national d’identification (ONI) qui doit aussi sensibiliser le grand public autour de l’opération grâce à 45 Centres intermédiaires de traitement des données dans les 45 provinces, centres qui assureront notamment la mise en forme définitive des photos numériques, qui les graveront sur CD-ROM...

A l’heure d’aujourd’hui, le Ministre dira que 173 commissariats de police d’arrondissement et de départements ont fait « l’objet de reconnaissance » de l’ONI et du groupement de sociétés ES-Open System, société canadienne qui a décroché le marché.

Pour faire un tel travail, il est apparu, aux dires de Djibril Bassolé, indispensable au préalable de « réhabiliter les infrastructures existantes », ce qui a généré des surcoûts par rapport aux prévisions de 2005, soit 2 milliards 400 millions FCFA qui devaient en principe provenir du budget de 2006. Et au Ministre de reconnaître que les « besoins de l’ONI ont été pris dans le budget du Ministère de la Sécurité au titre des besoins supplémentaires ».

Djibril Bassolet précise que pour le projet, le gouvernement a bénéficié d’ une subvention des Pays-Bas d’un montant de 655 millions FCFA et d’ un prêt de la CNSS de plus d’un milliard cinq cent millions FCFA. Il a déclaré que le territoire sera bientôt couvert en CINB et en 9 mois à raison de 5 provinces par mois.

Enfin, le Ministre a montré en quoi, à son sens, les erreurs rencontrées lors de la confection des premières cartes étaient inéluctables avant de s’engager à les corriger.

LES SUITES DE CETTE QUESTION ORALE

- SENTIMENT DU DEPUTE

A San Finna, nous avons tenu, au sortir de la réunion, à contacter le député El Hadj Amadou Dabo, car lors de ladite réunion, il semblait loin d’être satisfait des réponses du ministre. Voici ce qu’il nous a dit.

« La réponse du Ministre ne m’a pas donné entière satisfaction. En effet, l’article 3 de la loi 005 du 16 mai 2001 précise bien que la CIB est un document d’identification exigible pour tous les actes de la vie civile. Si l’on se réfère à cette disposition, la nouvelle CIB, qui ne comporte pas la filiation (même si selon le Ministre, les éléments existent bel et bien mais sont cachés), ne pourra être utilisée pour les actes de la vie civile ».

- CE QU’ON PEUT EN DIRE

D’abord, il faut féliciter le Député de s’être intéressé à la question. Ses préoccupations reflètent les attentes populaires : que la CINB soit un document unique sécurisé avec filiation complète qui permette au citoyen de faire tous les actes de la vie civile, y compris voter sans carte d’électeur, que le prix de la CINB soit revu à la baisse et que le document soit valable plus longtemps. Sur ces deux derniers points, le Ministre a fait savoir que le prix est étudié au plus juste, qu’ailleurs il est bien supérieur, mais pour la durée de validité, il s’est montré ouvert aux propositions.

Le prolongement des débats dans l’opinion amène à bien de constatations et de questionnements.

Pour une opération qui devait s’achever au plus tard en 2005 puisqu’on l’avait promise pour les échéances des municipales, on constate un retard immense, difficilement justifiable quand on sait à quel point la CINB est nécessaire à la vie des citoyens. Le pouvoir a préféré se doter en équipements lourds -dont il a fait étalage au cours du défilé du 1er novembre- plutôt que d’aider les populations à avoir le précieux document d’identification ; c’est un choix sur lequel il faut espérer que les opposants se prononceront !

Mais les Burkinabé ne manqueront pas aussi de penser que si le pouvoir traîne des pieds, c’est que ça l’arrange que les Burkinabé ne soient pas dotés de la nouvelle carte, sinon frauder deviendra plus difficile au cours des consultations électorales, et mine de rien, bien de consultations sont ainsi passées à la trappe avec des documents non fiables, véritables passoires pour la fraude !

Maintenant, les questions.

Le travail de l’ONI sera-t-il achevé cette année 2007, autrement dit ce délai de 9 mois avancé pour couvrir tout le territoire en CINB court-il à partir de cette réponse du Ministre ou à partir du moment où l’ONI sera totalement opérationnelle ? On risquerait alors d’attendre 2009 voire 2010 pour avoir la nouvelle carte, qui sait, peut-être passer le cap de la prochaine présidentielle !

Les Pays-Bas vont-ils continuer à financer l’opération, eux qui avaient demandé que leur argent serve à l’acquisition de cartes pour les plus pauvres, au tarif préférentiel de 500 fcfa, et qui ne voient manifestement pas grand-chose venir ?

Pourquoi emprunter auprès de la CNSS plutôt qu’à une banque de la place ?

A quel taux le pouvoir a-t-il emprunté à la CNSS et à combien cela reviendra-t-il pour le contribuable burkinabé ?

La CNSS, sollicitée pour ce prêt, ne va-t-elle pas souffrir de ce manque d’argent, elle qui vient de sortir d’une mauvaise passe avec le fameux prêt accordé à un opérateur économique et qui a fait tant de vagues ?

Autres questions. Combien de cartes contenant des erreurs et inutilisables ont-elles été livrées au Faso ? Combien cela a-t-il coûté, à qui revient la faute et qui va en supporter les conséquences ?

En conclusion, voici une autre de ces affaires « revolving », qui a donc la vertu de faire couler l’argent, et qui manifestement ne sent pas du tout la prévision et la bonne gouvernance !

Y. Paré
L. Koné

San Finna

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