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Reconnaissance des crimes coloniaux français : Que celui n’a pas fauté jette la première pierre

Publié le lundi 27 novembre 2006 à 05h53min

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La colonisation, que des penseurs et théologiens ont drapé du manteau de la mission évangélisatrice, humanisatrice et civilisatrice de la France n’était qu’un moyen de prédation à l’échelle universelle imaginé par les puissances du moment pour les besoins de leur économie, de leur grandeur.

Persister à y voir un bienfait pour les peuples qui en ont été les victimes est d’un a apriorisme civilisationnel qui perpétue les conceptions sur l’inégalité des races et la vocation des peuples « supérieurs » à dominer les peuples « inférieurs » ; on peut considérer par conséquent comme une réparation tardive mais tout de même comme telle, le fait que de nos jours, les crimes coloniaux fassent l’actualité, que l’on en parle sous toutes les coutures et surtout qu’on vive une espèce de repentance générale de la part des anciennes puissances coloniales.

La conséquence de ce repentir global, c’est qu’ aux USA, au Canada, en Australie, en Nouvelle Zélande..., on indemnise et bichonne à tout va les victimes restantes de ces faits. Dans l’Hexagone, la résipiscence qui a retenti jusqu’au sein du Palais Bourbon a conduit à élever l’esclavage (produit de la colonisation) au rang de crime contre l’humanité et à impulser un mouvement de relecture de l’histoire du pays. Parmi les nations victimes de cette colonisation française, et qui crient le plus fort Justice, il y a incontestablement en ce moment comme leader, l’Algérie.

Le président Bouteflika, comme gagné par une inspiration soudaine, a engagé effectivement une croisade virulente, sans concession diplomatique, contre la colonisation française en Algérie, qui visiblement met mal à l’aise Paris qui a plus que jamais besoin de l’Algérie. Les responsables algériens n’en manquent pas une pour retourner le couteau dans la plaie et exiger de l’ancienne puissance colonisatrice qu’elle reconnaisse ici et maintenant ses crimes coloniaux, ce qui a la vertu d’exacerber une partie de l’opinion française qui refuse là ce qu’elle tient pour une auto flagellation déraisonnée et dont l’auteur Pascal Bruckner s’en fait l’écho dans son dernier livre « La tyrannie de la pénitence ».

Disons-le tout de go : en France, le mouvement de relecture de l’histoire, qui a été engagé, est bénéfique, il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout, jusqu’à la reconnaissance des crimes et à défaut de les compenser pécuniairement, au moins de procéder à leur réparation morale par des demandes de pardon. Par ailleurs, une telle attitude de contrition ne devrait pas s’accommoder de velléités de falsification de l’histoire ainsi que cela apparaît avec les relents d’instrumentalisation de la distinction nationale accordée par le Congo au colonisateur Pierre Savorgnan de Brazza, histoire de leur dire comme pour porter la contradiction aux Algériens, « vous voyez, il y en a qui reconnaissent qu’il y a eu du bon dans la colonisation ».

Mais retenons qu’un crime est un crime : il peut être volontaire comme involontaire et connaître conséquemment la sévérité ou la pondération dans la répression mais il n’en demeure pas moins un crime. Que la colonisation ait pu ici et là à l’occasion être moins négatrice de l’humanité du colonisé, c’est possible ; pour autant, ça n’en reste pas moins une voie de fait par excellence, un crime d’oppression, de néantisation d’un peuple par un autre peuple.

Mais au fond, aller comme on le demande jusqu’au bout de la relecture du passé, suppose aussi qu’en plus de l’offre de pardon, on relise cette histoire de façon globale, à charge et à décharge pour réconcilier au bout du compte l’humanité avec elle-même. Et si l’on procédait de la sorte, on serait obligé d’aller jusqu’aux origines. On verrait alors que la colonisation, l’occupation de terres par des peuplades venues d’ailleurs se confond avec l’origine de l’homme. Les anthropologues nous enseignent en effet qu’il a fallu que l’espèce humaine apparaisse en Afrique pour se répandre, à travers ses multiples évolutions, sur tous les continents. Voilà la première forme de colonisation, voilà le premier « crime contre l’humanité » car partout où ces peuplades arrivaient, ce n’était pas toujours en terrain vierge de toute occupation ; il y a souvent eu cohabitation de plusieurs espèces d’hominidés et souvent domination d’une espèce sur l’autre.
Ainsi, s’est finalement imposé l’homo sapiens dont nous descendons.

En découvrant les formes d’organisation collective pour s’assurer plus de sécurité, de gloire, de richesses, les hommes ont ainsi étendu partout dans le monde les guerres de conquête et de colonisation. Ainsi se sont constitués de grands royaumes, de grands empires. Et l’histoire de la Grèce antique (comme de la Rome antique) ne peut pas se lire sans les colonisations et leurs crimes.

Il en va de même de toute l’histoire de l’Europe du Haut et du Bas Moyen Age jusqu’aux guerres hitlériennes en passant par les guerres carolingiennes et napoléoniennes. Pareillement aux Amériques, l’histoire se conjugue avec les empires maya, aztèque, inca... qui ont figuré parmi les plus grands colonisateurs de l’humanité avant d’être eux-mêmes colonisés. Toute l’histoire de l’Asie depuis les Xia jusqu’aux Mings et Qing en passant par les Mongols est une perpétuelle colonisation avec tout ce que cela entraîne comme raffinement dans la violence.

En Afrique, l’ empire des Pharaons d’Egypte, celui du Mali, du Ghana, du Songhaï, des Mossi, du Congo, du Monomotapa, du Zoulouland, n’ont pu se constituer que par la colonisation de peuples par d’autres peuples par le fer et par le sang. Les Arabes, qui ont été arrêtés à Poitiers en 732, n’ont pas pu déferler autant en Europe et dans le monde qu’en colonisant d’autres peuples.

Aujourd’hui, ces formes de colonisation ont laissé des traces matérielles, biologiques, économiques.., notamment en Afrique et dans le Maghreb où des populations venues d’ailleurs, se sont greffées sur des populations autochtones (berbères, numides..) de façon hégémonique, quand elles ne se sont pas tout simplement substituées à elles.

Si l’on doit donc parler de crimes coloniaux au sens entier du terme, et en demander reconnaissance ou réparation, on voit bien que cela mènerait très loin, jusqu’à placer l’Algérie elle-même au rang d’accusé puisque la population qui y a pris souche, dont fait partie Abdelaziz Bouteflika, remonte à la conquête arabe conduite entre autres dès le 7ème siècle par les Omeyyades, les Abbassides, les Almoravides...

Ceci dit, les douleurs les plus vives étant les plus récentes, on comprend que le mal de la colonisation se fasse plus ressentir dans les pays qui en ont souffert dans un passé récent. Il faut donc comprendre et accepter que pour exorciser les relations internationales de tous les vieux démons que véhicule cette période, on puisse reconnaître au minimum ces crimes. Les reconnaître sans pour autant considérer que pour tous ceux qui ont été commis en amont, il y aurait prescription historique donc interdiction du devoir de mémoire universelle. Cette approche, surtout si elle intègre le rôle souvent déterminant joué par les royautés et les complicités locales africaines dans l’entreprise d’oppression coloniale, pourrait vraiment permettre de dépassionner un peu le débat, de l’enrichir d’un peu plus de nuances, d’humilité et d’objectivité.

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 27 novembre 2006 à 14:03, par Jamal En réponse à : > Reconnaissance des crimes coloniaux français : Que celui n’a pas fauté jette la première pierre

    Il y a malheureusement en France un mouvement du ’ca suffit la repentance’ en ce qui concerne la colonisation et l’esclavage où la construction de routes, d’écoles et de postes sanitaires relèvent de la colonisation. Si oui, on peut effectivement dire que la colonisation a eu des cotés positifs. Si elle n’en fait pas partie alors on devra revenir à une définition plus concise de ce terme. Je crois qu’il faut laisser le temps au temps. Juger la colonisation alors qu’elle est encore dans les mémoires de personnes bien vivantes est plutot prématuré. Je crois que la voie suivie par les dirigeants francais et africains concernant une vision patiente est la meilleure : garder un profil bas pour les responsables francais et éviter de crier vengeance pour les dirigeants africains.

    • Le 28 novembre 2006 à 07:04 En réponse à : > Reconnaissance des crimes coloniaux français : Que celui n’a pas fauté jette la première pierre

      Effectivement, Mr Jamal
      Nous sommes tellement patients en Afrique que nos frères (impatients) meurent au delà du détroit de Gilbratar car ils pensent ne plus avoir d’avenir sur le contient. Il nous faut donc sortir de la misère vite, ici et maintenant. Pour cela, nous pouvons par exemple arrêter de pleurnicher et jeter la premier pierre sur nos dirigeants, la seconde à nous autres intellectuels. Badnerr

      • Le 29 novembre 2006 à 14:51, par cyber gauloise En réponse à : > Reconnaissance des crimes coloniaux français : Que celui n’a pas fauté jette la première pierre

        ce dernier message est interessant et très sensé. je ne suis pas plus responsable que certainement les personnes qui écrivent sur ce site. moi j’espère que vous habitant du continent affricain vous regarderez vers l’avenir en ayant envie de construire. je dis toujours qu’après une grave maladie il y a deux réactions celle ou l"on se complait à ressasser sa maladie et celle ou l’on ou l’on va de l’avant en tournant la page il serait peut être temps que l’afrique prenne la deuxième solution

  • Le 28 novembre 2006 à 04:38, par BADNERR En réponse à : > Reconnaissance des crimes coloniaux français : Que celui n’a pas fauté jette la première pierre

    Tout est question de domination...

    1 Si on suit votre logique en remontant le temps, on finirait par reprocher à Dieu le fait qu’il ait créé la femme qui, domine (donc colonise en quelque sorte) l’homme même si on n’ose pas se l’avouer. Aussi, Dieu semble avoir fauté en créant le ciel qui domine (donc colonise) la terre. Je fais des amalgames peut être mais je pense que tout est une question de domination. Un monde où les relations internationales seraient exorcisées de tous les vieux démons... n’existerait donc pas sur cette terre à moins de se rendre au paradis... Le monde fonctionne par phare de civilisation. Ceux qui occupent le haut du pavé essaient toujours d’imposer leurs valeurs aux autres.

    2 Nous autres africains devrons finir de comprendre que les relations internationales s’inscrivent toujours dans une logique de domination. Et quand tu es dominé, c’est le dominateur qui écrit l’histoire (ta propre histoire) pour toi. Ce qui remet au goût du jour la question de la participation des locaux à l’exploitation de leurs frères. Elle est à relativiser (pour la période coloniale et l’esclavage) car est similaire à la situation actuelle où nous avons des collaborateurs Africains (élites surtout) qui sont aux antipodes des intérêts premiers de leurs peuples. Cela ne veut pas pour autant dire que c’est eux qui ont les manettes en mains et qui décident de tout.

    3 Il me semble qu’il ne faudrait pas se tromper d’époque ni de combat. Restons dans le contexte historique du moment et comprenons que nous avons hérité d’une logique coloniale qui jusqu’à présent, détermine notre politique, notre économie, et notre société. C’est cela le vrai crime colonial à mes yeux. Dommage que Le président Bouteflika ne soit pas soutenu par ces pairs surtout ceux au sud du sahara. Il faudra travailler pour se débarrasser du cordon ombilical de servitude qui nous lie toujours à la métropole et fonder un ordre nouveau qui sera assis sur nos propres échelles de valeurs et sur les aspirations profondes de nos peuples. Arrachons notre indépendance économique, notre patrimoine culturel et écrivons notre histoire la vraie pour nos enfants, et le reste coulera.

    Badnerr@yahoo.fr

  • Le 28 novembre 2006 à 21:41, par cybergauloise En réponse à : > Reconnaissance des crimes coloniaux français : Que celui n’a pas fauté jette la première pierre

    En tant que gauloise depuis la nuit des temps je suis à vos yeux coupable de crime. C’est vrai vous avez raison nous n’aurions pas dû vous apporter ce que nous pensions être pour votre bien : les hopitaux, les routes, les chemins de fer l’électricité etc..............

    Et maintenant je ne comprends absolument pourquoi tout en nous traitant d’ignobles individus vous venez en métropole comme si vous ne pouviez vous passer de notre compagnie. Personnellement les gens que je n’aime pas, que je m’éprise je ne vais pas chez eux et je ne les fréquente pas. Vous parlez des australiens, des néozélandais qui indemnisent mais à moins que je ne rêve complétement les colonnisateurs de ses pays sont toujours là bas. Est ce que par hasard que vous auriez préféré que nous restions et que nous vous donnions en plus de l’argent. Alors si c’est cela il fallait refléchir avant de nous mettre dehors. (ceci dit je n’ai jamais quitté mon coin de france, ni personne de ma famille n’est allé chez vous, sur votre continent. même pour des vacances)

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