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OGM : « L’introduction du coton transgénique au Burkina Faso est précipitée »

Publié le mercredi 22 novembre 2006 à 07h28min

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Pour une contribution au débat sur le coton transgénique, la Coalition des organisations de la société civile pour la protection du patrimoine génétique africain du Burkina (COPAGEN/Burkina) pense que l’introduction de cette variété au Burkina est « précipitée, simpliste et dénuée de tout réalisme ».

Nous, membres de la Coalition des organisations de la société civile pour la protection du patrimoine génétique africain du Burkina Faso (COPAGEN/Burkina), réaffirmons notre attachement à la sauvegarde du patrimoine génétique africain et exprimons notre étonnement et nos réelles inquiétudes face à la précipitation et à la tendance simpliste qui conduisent à un optimisme dénué de tout réalisme quant à l’introduction du coton transgénique au Burkina Faso.

En rappel,

- En juillet 2003, le Burkina Faso devient le premier pays d’Afrique de l’Ouest à expérimenter le coton transgénique, sans avoir défini au préalable un cadre réglementaire conséquent pour protéger les populations et l’environnement des risques liés aux Organismes génétiquement modifiés (OGM),

- Cette phase expérimentale s’est faite de façon opaque sans actions conséquentes pour informer/sensibiliser les populations sur le sujet, - En juin 2004, un début de régularisation avec la mise en place d’un cadre législatif par l’adoption de règles nationales en matière de sécurité en biotechnologie a été amorcé et pas encore finalisé.
- En mars 2006, une loi portant régime de sécurité en matière de biotechnologie, a été votée et des décrets d’application de cette loi sont toujours dans le circuit pour être examinés.
- A ce jour, seulement l’Agence nationale de biosécurité (ANB) a été mise en place. Il reste encore la mise en place d’un Comité scientifique national de biosécurité, d’un Observatoire national de biosurveillance, de comités scientifiques internes de biosécurité, comme le prescrit notre loi en son article 53.

Au regard de ce qui précède, il ressort clairement que l’optimisme de monsieur le Ministre se fonde malheureusement sur un paradoxe et un dysfonctionnement à trois niveaux :
Premièrement, le processus législatif est seulement amorcé au niveau du Burkina Faso et donc encore inopérationnel. S’il est opérationnel, quel est le niveau d’information des populations ?

Deuxièmement, si monsieur le Ministre démontre la rentabilité économique du coton Bt au niveau de la recherche technologique à la ferme SOFITEX de Bony (milieu expérimental avec toutes les conditions de recherche), quel est le niveau d’information, de formation et d’accompagnement des producteurs pour que ceux-ci maîtrisent cette nouvelle variété en milieu réel paysan avec la même rentabilité qu’en milieu expérimental ?
Troisièmement, la recherche a été faite probablement avec d’éminents chercheurs en matière de biotechnologie. Que monsieur le Ministre explique quel a été jusqu’à ce jour, le niveau d’implication du producteur dans le processus de recherche, d’élaboration de nouvelles générations de semences de coton Bt ?

Par ailleurs, nous nous démarquons nettement de certaines affirmations de monsieur le Ministre quant à la rentabilité économique, aux questions environnementales, à la garantie d’une fiabilité du coton Bt burkinabè, à la liberté de choix des variétés par les producteurs.

Parlant de la rentabilité économique du coton Bt au Burkina Faso, monsieur le Ministre affirme avec conviction que « pour avoir des gains, nous diminuons nos coûts de production à travers la stratégie du coton OGM ». Pourtant, des études indépendantes ont montré que pour des petits paysans comme ceux du Burkina Faso (avec Sha en moyenne), il existe très peu de différence entre les frais de production du coton Bt et ceux du coton conventionnel qui sont parfois plus rentables.

Si nous nous en tenons à ces études, l’affirmation du Ministre n’est valable que pour les promoteurs de l’agrobusiness qui transformeront les braves petits paysans et petites paysannes en ouvriers et ouvrières agricoles sur les terres de leurs ancêtres.
Le manque à gagner à travers l’utilisation des pesticides dont le Ministre fait l’éloge, n’est pas aussi considérable selon les études faites par Deccan Développement society (Inde).

C’est-à-dire que la réduction de l’investissement en pesticides avec le coton Bt reste infime par rapport au traitement du coton conventionnel. La tendance est même d’augmenter les investissements en pesticides avec le coton Bt car il est évident que certains insectes piqueurs-suceurs continueront à nuire aux plantes transgéniques en comparaison avec les variétés conventionnelles.

Selon Monsieur le Ministre, avec le coton Bt, l’utilisation de pesticides sera amoindrie par le fait que sur les six (6) ravageurs connus actuellement, seulement deux (2) resteront résistants. Si cela est avéré, comment nous expliquer le bilan critique de chercheurs au niveau international comme l’entomologiste Blake Lay ton de l’Université de Mississipi (USA) qui confirme que la nouvelle variété Mosanto, Bollgard II, ne peut contrôler complètement les chenilles de la capsule. Pour lui, « il est important de dire que sous forte pression, les chenilles peuvent se développer à des niveaux néfastes ».

Comment comprendre les conclusions de l’étude faite par le Nanjing Institute of Environmental Sciences (Chine) qui notifie que la susceptibilité des chenilles face au coton Bt a diminué de près de 30% après 17 générations. C’est dire que l’indice de résistance de la chenille augmente mille fois après 40 générations.

La 41ème génération est donc mille fois plus résistante que la première. Comment rester optimiste en introduisant la culture du coton Bt au Burkina Faso avec les conséquences d’une augmentation considérable de l’utilisation des engrais minéraux et des produits phytosanitaires ? Que dire des effets néfastes de cette augmentation d’utilisation sur la nappe phréatique des régions cotonnières et sur le bassin de la Volta ?

Que peut-on prévoir pour le Burkina Faso quand le rapport 2006 du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) fait ressortir clairement que l’augmentation de l’utilisation de ces produits dans la région du Mississipi (USA) a provoqué la destruction d’une grande partie des espèces aquatiques du Golfe de Mexique ?. Nous tirons donc notre chapeau déjà au Coton Bt made in Burkina si la recherche est capable de garantir que toutes ces inquiétudes ont été résolues et qu’en cas d’échec les producteurs seront indemnisés par l’Etat burkinabè, détenteur du brevet.

Les options actuelles du Ministre permettent-elles de laisser un libre choix au producteur burkinabè qui n’a d’ailleurs pas été consulté ? Si le Burkina Faso est détenteur du brevet, l’Etat peut-il garantir à moyen et long terme, la disponibilité des semences ? La culture du coton bio et du coton conventionnel est-elle désormais supprimée ?

Le débat est passionnant et âpre entre scientifiques, intellectuels, société civile et politiques. Mais la vraie question qui résume notre inquiétude et notre étonnement, est celle-ci :

Pour une décision aussi importante qui concerne à tous les niveaux le monde paysan, quelle est la place du producteur et de la productrice dans le débat ? Le producteur et la productrice ont-ils le moindre élément d’information et d’explication nécessaire pour oser entrer dans le débat ? Quelle place est accordée au consommateur burkinabè, les sous-produits du coton étant utilisés dans l’alimentation humaine ici au Burkina ?

Monsieur le Ministre fait aujourd’hui la promotion du coton Bt pour conquérir le marché mondial et surtout pour être en phase avec les avancées technologiques. Demain, l’option sera pour le Golden Rice et le Maïs Bt pour enfin embrasser Monsieur Bill Gates avec ses nouvelles variétés de mil et de sorgho Bt pour lutter contre « l’insécurité alimentaire » au détriment de notre souveraineté alimentaire. Nous dépendons déjà des denrées importées à outrance. Que représente la souveraineté d’une nation dite indépendante dont l’estomac des populations prend forme selon les humeurs et la volonté des firmes internationales ?

Les firmes qui encouragent ce jeu, gardons-le à l’esprit, sont toutes des firmes qui avaient dans le temps, produit les pesticides et les engrais de la révolution verte des années 70. Vu les résultats désastreux de leurs produits sur l’environnement et voyant que pesticides et engrais minéraux sont de plus en plus contestés dans le monde, elles se sont reconverties dans la production de semences et entendent gérer le monde par ce biais.

Tant qu’il s’agissait d’hybrides qui étaient mis au point cela pouvait encore être accepté mais à partir du moment où nous sommes passés dans la manipulation du vivant, nous ne pouvons plus rester les bras croisés parce que cela est contraire, non seulement à l’éthique africaine, mais surtout aux principes qui prônent le respect de l’ordre naturel !

Comme dit l’adage, c’est l’homme lui-même qui crée ses propres monstres !

Fort de tout ce qui précède et,

Dépendre de la nature, de sa richesse et de ses humeurs, ce n’est déjà pas une chose aisée. Mais la nature reste généreuse, respecte l’homme et sa liberté. Dépendre des intérêts économiques d’une firme dont le seul but est de faire du profit, c’est se laisser ligoter !

- Considérant que l’introduction des OGM dans nos pays pose la question centrale du contrôle politique de l’agriculture et de l’alimentation dans le contexte actuel de globalisation de l’économie ;
- Considérant que les OGM posent de sérieux problèmes environnementaux liés à l’agriculture, des problèmes d’ordre économique, politique, culturel, éthique et sanitaire tant pour les hommes que pour les animaux ;
- Considérant que l’imposition des OGM à l’agriculture africaine est contre les droits des communautés locales et contribue à une dépendance plus accrue des paysans et des paysannes vis-à-vis des semences transgéniques ;
- Considérant que l’introduction des OGM dans un pays de la sous-région entraîne des conséquences non seulement pour le pays en question, mais aussi pour les pays environnants ;
- Considérant la menace que représente leur diffusion sur le patrimoine génétique africain et burkinabè en particulier,

Nous, membres de la COPAGEN/Burkina, sommes particulièrement préoccupés au sujet de la situation qui prévaut au Burkina Faso en ce qui concerne l’introduction et les expérimentations en champ du coton Bt et maintenant l’engagement pour une production au plan national ;
Exprimons nos plus vives protestations face à la manière dont le coton Bt est introduit au Burkina Faso au mépris des engagements internationaux auxquels notre pays a souscrit, démarrant des expérimentations en champ de coton Bt, sans information publique suivie de débats contradictoires et avant d’avoir mis en place un cadre juridique de biosécurité conséquent dans le pays ; et déclarant sans avoir pris toutes les mesures de précaution nécessaire.

Soucieux de ne pas voir se reproduire la même situation dans les autres pays de la sous - région,
- appelons nos gouvernants au respect des engagements internationaux auxquels ils ont souscrit pour la protection de la biodiversité et la promotion de la biosécurité
- invitons les organisations de producteurs et productrices, les ONG en activités, les organisations de consommateurs à la vigilance permanente pour empêcher la prise en otage de l’agriculture africaine et burkinabè en particulier et partant, la réduction des paysans et paysannes à la pauvreté et à la misère.

Ensemble, forts de la conviction qui nous anime et confiants en la solidarité agissante chaque jour plus forte que nous tissons dans la sous-région, nous affirmons notre adhésion aux positions du Syndicat national des travailleurs de
l’agropastoral du Burkina (SYNTAP) et de la Coalition de Veille face aux OGM (CV-OGM).

En définitive, nous exigeons la prise en compte des intérêts des communautés locales et ne cesserons d’agir, tant que les Etats de la sous-région, soutenus par les multinationales propriétaires des variétés OGM, tenteront de les imposer à l’agriculture africaine et de contrevenir aux droits des communautés locales.

Ouagadougou le 03 novembre 2006
La COPAGEN/BURKINA

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 2 décembre 2006 à 13:41, par Babs En réponse à : > OGM : « L’introduction du coton transgénique au Burkina Faso est précipitée »

    Je voudrais savoir comment soutenir la COPAGEN, qui sont-ils, ont-ils un site ? Je leur souhaite un plein succès dans leur croisade ! Je souhaite que beaucoup de Burkinabè soient informés de ce nouveau problème et qu’il ne soit pas au dessus de leurs préoccupations..... Le Faso ne doit pas être envahi de ces trouvailles des pays industrialisés n’ayant de considération que pour les gains qu’ils vont accumuler et pas le développement du pays qu’ils envahissent !!!

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