LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Elysée 2007 : La France traditionaliste sera-t-elle Royaliste

Publié le lundi 20 novembre 2006 à 07h51min

PARTAGER :                          

Il n’y aura donc pas de second tour le 23 novembre prochain à la primaire du parti socialiste français (PS). Ainsi en ont décidé les héritiers de Mitterand qui ont plébiscité le 16 novembre dernier Segolène Royal, laquelle a gagné par K.O. (60,70%) face à ses challengers que sont Laurent Fabius (18,73) et Dominique Strauss-Kahn (20,57%).

C’est désormais officiel donc, ce sera la compagne de François Hollande qui affrontera au compte de la gauche les autres candidats à la présidentielle des 22 avril et 6 mai 2007. "L’image" ou "la bulle" ou encore "le phénomène Segolène", ces quolibets qui faisaient tant jaser ses adversaires se sont estompés, ce jeudi 16 novembre. La voilà qui a émergé du lot comme on le dit, pour son ultime combat : la course à l’Elysée dans quelque six mois.

Et pourtant, rien ne semblait acquis d’avance pour l’ancienne énarque (promotion Voltaire, 1980). En effet, malgré sa retentissante victoire face à Raffarin aux régionales en 2004 et son entrée alors dans le "club", les hommes n’en ont pas moins continuer de multiplier les mots assassins à son endroit. Le summum de cette misogynie qui ne dit pas son nom sera atteint en septembre 2005 suite à une interview de Segolène, illustrée de photos familiales dans Paris Match. Dans cet entretien, la présidente du Conseil régional de Poitou-Charente déclara au sujet de l’échéance de 2007 : "Je me sens prête".

Il n’en fallut pas plus pour alimenter des amabilités généreusement distillées lors des journées parlementaires du PS à Nevers : "Plus on est de fous, plus on rit", se gausa Jean-Marc Ayraut, président du groupe parlementaire PS, ou encore : "Mais qui va garder les enfants ?", demanda Laurent Fabius himself.

A ces écueils que constituent les éléphants de son parti se sont ajoutées les prises de position de la chouchoute des sondages contre ce que les caciques du PS ont appelé les fondamentaux du parti. Ainsi a-t-elle désavoué les 35 heures et pris ses distances avec certaines forces sociales, vivier de l’électorat socialiste que sont les enseignants, "qui ne travaillent pas assez" selon elle. A telle enseigne que devant les sorties iconoclastes de l’ex-ministre de l’Environnement (salaires, retraités, droit syndical), certains analystes n’hésitaient pas à dire qu’une victoire de Segolène équivaudrait à bien des égards à un désaveu du PS.

Pour tout dire, l’intéressée aurait voulu se faire "hara-kiri" politique qu’elle ne s’y serait pas prise autrement. Avec cette victoire, la député PS des Deux-Sèvres prouve qu’il n’en est rien et confirme ce que, déjà, Olivier Duhamel, professeur à Sciences po, disait en 2004 : "Elle est une candidate possible en 2007".

Le même intellectuel déclarait au lendemain de son plébiscite qu’il s’agit d’un "acte historique, si elle parvient à se faire élire à l’Elysée... car avec cette victoire, il y a eu comme une mutation sociologique (jonction entre la démocrate d’opinion et la démocratie partisane), une mutation idéologique et enfin une mutation démocratique (volonté de renouvellement des hommes politiques et des enjeux" (1).

L’heure, de toutes les façons, n’est plus à ressasser ce qui fut, mais ce qui est à venir, c’est-à-dire la présidentielle. La passionnaria de Melle, qui a franchi ce premier pallier vers le château, va-t-elle transformer l’essai de l’Elysée ?

En politique comme en chimie, soudain, tout se cristallise, sans que l’on sache très bien quelle est la part du hasard et celle de la nécessité. Ce 16 novembre marque cet effet pour la candidate officielle du PS. Et en la matière, on ne peut que mettre dans la balance ses atouts ou plutôt ses chances et ses handicaps pour conjecturer au sujet de la grande échéance de 2007.

D’abord, Segolène Royal doit se convaincre que tout scrutin, a fortiori une élection présidentielle, n’est pas un sondage. Certes, elle surfe sur les hauteurs des baromètres de l’opinion, mais une confusion entre la simple expression des opinions (sondage) et celle des intérêts (élection) pourrait lui jouer un petit tout. Elle ne le sait que trop d’ailleurs. Ses chances d’être la première locatrice de l’Elysée sont aussi tributaires de la carrure de l’adversaire que le parti majoritaire actuel, à savoir l’UMP, se sera choisi pour l’affronter.

De ce point de vue, le spectre volontariste du baroudeur Nicolas Sarkozy s’impose d’office. Encore que de ce côté, il ne soit pas exclu qu’elle bénéficie secrètement de l’appui des antisarkozystes, tapis dans l’ombre et observant d’un mauvais œil le forcing du petit Nicolas. On pense à Chirac qui n’a pas dit son dernier mot et à tous ses amis, lesquels peuvent rééditer le double jeu qui avait permis en 1981 l’élection de Mitterrand (cf : les récents mémoires de Valérie Giscard D’Estaing).

Enfin, elle pourrait bénéficier de l’effet "mode" sur un double plan : d’abord en tant que femme (voyez Merkel en Allemagne, et peut-être bientôt Hillary Clinton aux USA), et ensuite parce qu’elle incarne ce qu’Olivier Duhamel a appelé le Badgodesberg (2) à la Française. Cependant, ce serait pêcher par naïveté politique que de croire que tout désormais pour "Sego" est du billard jusqu’à l’Elysée.

Primo, peut-elle être formellement assurée de la sincérité militante avec laquelle ses deux challengers, Strauss-Kahn et Fabius, se rallieront à sa candidature et se battront pour la conquête du fauteuil de Chirac ? La question mérite d’être posée, car pour peu qu’il reste à ces deux un brin d’ambition présidentielle, la victoire de Segolène pourrait aussi sceller leur propre destin.

Secondo, la gauche de la gauche, notamment le Parti Communiste Français (PCF) et la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), a clairement affiché son non-ralliement à Royal, l’accusant de "déviation droitière". Une façon pour l’extrême-gauche de s’inscrire en faux contre les modèles de Royal que sont les USA et ... Tony Blair. "Avec Segolène, les jeunes, les enseignants, les sans-papiers, les travailleurs et les classes populaires ont du souci à se faire", clame cette gauche antilibérale, qui ne se reconnaît pas en elle.

Tertio enfin, les non-dits de toute élection française, à savoir la position de la France des profondeurs, cette France traditionnelle si non traditionaliste qui reste engoncée dans certaines valeurs qu’on n’ose plus clamer tout haut, mais qui n’en demeurent pas moins présentes et présentes. Nous pensons ici à l’esprit de la loi salique, cette loi qui a toujours voulu à la tête du pays une personne du sexe masculin. Cette frange traditionaliste qui n’a cessé de rêver à la restauration du trône de France à travers le comte de Paris risque, pour une fois et sans abus de mots, de n’être pas Royaliste.

Autre pesanteur traditionaliste : il n’est pas sûr que les Française elles-mêmes, dans leur écrasante majorité, veuillent de l’une de leurs congénaires au sommet de l’Etat. Rien n’est donc encore joué pour elle, tout juste s’agit-il d’un "échauffement autour de la coruscante Segolène" selon le mot de Claude Imbert (3) et tout juste peut-on se permettre de rêver du retour des années roses de Mitterrand après celles, grises, de Jospin.

Notes (1) : Propos d’Olivier Duhamel à l’émission "politiquement show" sur la chaîne de LCI du 17 novembre 2006 ; (2) : Badgodesberg : mouvement européen des années 60 qui marquait la rupture avec les traditions étatiques, notamment le marxisme et la social-démocratie. (3) : Editorial du "Point" du 9 novembre 2006.

Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique