LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

R.D. Congo : Le poids maléfique des convoitises

Publié le vendredi 17 novembre 2006 à 07h48min

PARTAGER :                          

Les jeux sont faits désormais : selon les résultats provisoires de la Commission électorale indépendante, Kabila fils vient de remporter l’élection présidentielle en République démocratique du Congo, ex-Zaïre. Ces élections aideront-elles réellement le Congo à s’en sortir ?

A ce propos, osons paraphraser l’adage généralement utilisé après un décès : le plus difficile, c’est le lendemain des élections. Il faut, à tout prix, retrousser les manches pour aider le peuple congolais à panser ses blessures, à relever les défis de la démocratie et du développement dans la paix retrouvée. Tout le monde y gagnerait.

En effet, voilà de nombreuses années que les Congolais vivent dans une errance devenue presque congénitale. De l’ignoble assassinat de Patrice Lumumba à l’ère Kabila père en passant par le règne, burlesque et scandaleux, de Mobutu, rien, jusque-là, n’a vraiment réussi à ce peuple martyr. Martyr, il l’a été, et il l’est toujours. D’avoir, malgré lui, chanté et dansé pour des dirigeants qui n’avaient d’yeux que pour eux, leurs proches et leurs amis, engoncés à chaque fois dans leurs fauteuils, se mirant au-dessus des richesses et se détournant des misères de leurs peuples. Comme tous les malgouvernants de notre continent, qui s’abreuvent du sang des martyrs et gonflent leurs comptes dans les banques occidentales. Dans la certitude de l’impunité la plus totale. Mais aussi en attendant de rendre compte tôt ou tard, car le grondement sourd des peuples agacés se fait de plus en plus entendre.

Ces élections peuvent aider le Congo à sortir du trou, si un minimum de dispositions sont prises. Par les Congolais eux-mêmes, par l’Afrique ensuite, et enfin par la fameuse Communauté internationale qui semble vouloir désormais s’imposer à nous, en raison de la cupidité et de la démission de la plupart de nos dirigeants. Il apparaît urgent de rappeler à MM. Joseph Kabila et Jean Pierre Bemba, de même qu’à tous leurs supporters, que chacun s’était engagé à respecter la parole donnée. Certes, nous l’avons écrit ces derniers temps, les acteurs politiques, surtout en Afrique, ont perdu toute crédibilité, et le serment n’a plus aucune valeur pour les dirigeants de nos pays. Nous espérons que nos frères et sœurs du Congo sauront démontrer le contraire, et inviter ainsi la classe politique africaine à nous sortir du rang des primitifs du troisième millénaire. Il leur faut absolument travailler à empêcher tout débordement. Sévir dans son camp s’il le faut, pour discipliner les esprits et sauvegarder la paix.

Du côté de Kabila fils et de ses partisans, des efforts doivent être faits pour réconcilier non seulement les Congolais avec eux-mêmes, mais aussi avec les autres peuples africains, surtout les voisins. Cela suppose le règlement par des procédures et des textes consensuels de la brûlante question de la nationalité qui déchire nos peuples, victimes de la colonisation et de l’impérialisme.

Le camp présidentiel ne doit pas dormir sur ses lauriers car la tâche est immense, aujourd’hui et demain. Il faut, bien évidemment, parvenir à satisfaire ceux qui ont fait cause commune. Ce ne sera pas chose facile. Mais, il faut aussi penser à s’élever au-dessus du partisanisme le plus étroit. Peu de dirigeants africains ont jusque-là été capables de le faire. Joseph Kabila devra savoir intégrer les vaincus, les exclus et tous les marginaux dans le processus de reconquête des valeurs perdues et de reconstruction du Congo réellement nouveau. Il s’avère délicat et immense de prétendre rebâtir un pays détruit, d’en préserver l’unité et l’intégrité, de le réorganiser et de le relancer sur des bases saines, tout en combattant avec acharnement le tribalisme, la corruption, l’irresponsabilité et le clientélisme, entre autres.

Parce qu’il l’a révendiqué et obtenu par les urnes, le camp Kabila doit utiliser le pouvoir au profit exclusif du peuple congolais.

Quid de M. Bemba et des autres opposants, perdants d’hier et d’avant-hier ?

En ce qui le concerne, Jean Pierre Bemba doit faire la preuve qu’il n’appartient pas à ce groupe de pseudo intellectuels africains prêts à sacrifier les vies du peuple pour satisfaire des desseins inavoués. Bien au contraire, il lui faut montrer qu’il sait recourir effectivement à la légalité républicaine pour défendre ses droits. Ainsi, d’une manière ou d’une autre, il aura contribué tant soit peu à l’éducation politique, à la conscientisation des masses. Plutôt que de jeter de l’huile sur le feu, les opposants congolais, Jean Pierre Bemba en tête, doivent savoir prendre leur mal en patience. Ils doivent travailler d’arrache-pied pour convaincre l’électorat de voter pour eux lors des échéances à venir. Être opposant, c’est aussi accomplir une tâche noble : de leur vigilance, de leur pugnacité et surtout de leur loyauté envers les principes républicains dépendra l’avenir du Congo démocratique. Ils doivent y penser nuit et jour, pour avoir osé entrer un jour dans l’histoire de ce pays en marche. L’Afrique leur sera redevable.

Ensemble, toutes tendances confondues, la classe politique congolaise doit faire front commun face aux convoitises étrangères : des années Mobutu aux années Kabila, preuve a été donnée au Congo et à l’Afrique que seules nos richesses intéressent certains de nos amis. Pas la santé, l’éducation, bref l’intérêt réel de nos peuples. Kabila, Mbemba et les autres doivent stopper l’hémorragie des ressources naturelles au Congo. À eux de nous convaincre de leur détermination à défendre dans la cohésion les intérêts du peuple congolais.

Enfin, dans ce pays si vaste et où le syncrétisme religieux l’emporte de loin, il vaut mieux pour les hommes et femmes d’Eglise d’éviter les pièges de la division. Parce qu’un religieux est parvenu à conduire les élections à bon port, quels qu’en soient les résultats, on pourrait en déduire que c’est une forme de bénédiction pour le Congo. Et chacun doit saisir cette chance quelle que soit sa conviction religieuse. Les religieux congolais doivent faire la preuve qu’ils demeurent avant tout de véritables gardiens des valeurs morales et spirituelles, comme ailleurs.

La part de l’Afrique et de la Communauté internationale ? Sans doute faudra-t-il penser à réunir d’urgence l’Union africaine et les chefs d’Etat africains, surtout ceux de la région, pour tirer les leçons de ces élections et prendre des résolutions en conséquence. Le concours des Nations unies, de l’Union européenne et de la Francophonie au nombre des bailleurs incontournables, ne seront pas de trop dans cette perspective. En effet, étant donné les exemples d’hier partout sur le continent, il faudra à tout prix neutraliser les chefs de guerre potentiels afin d’éviter toute velléité de reprise des combats.

Finalement, le Congo, victime de l’énormité de ses richesses, doit travailler à consolider les acquis et à faire preuve d’apaisement. Les nouveaux dirigeants doivent veiller à soigner leur discours et leur image, moderniser le fichier électoral, rebâtir les infrastructures, redonner confiance au peuple et à ses amis. Les défis sont nombreux. Kabila et les siens sauront-ils combler les attentes ? Nous l’espérons. Mais nous ne voulons pas être dupes. Nous comptons beaucoup plus sur la vigilance du peuple congolais lui-même et, bien entendu, de tous les Africains.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique