LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Le SIAO : un salon professionnel et populaire

Publié le mercredi 15 novembre 2006 à 07h34min

PARTAGER :                          

Lundi 6 novembre aux environ dix sept heures. Le soleil a presque rejoint son lit. La nuit commence à tomber sur Ouagadougou, devenu en dix jours la capitale africaine de l’artisanat. Dans la cour du Salon, des artisans finissent de remballer leurs produits invendus. Ils sont Maliens, Sénégalais, Burkinabè, Guinéens et s’appellent Moctar, Camara, Doukouré, Jean Michel.

Par petits groupes, ils discutent, commentent la dixième édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) dont la clôture est intervenue la veille au Mess des officiers.

Présidée par l’épouse du Premier ministre, Kadiatou Yonli la cérémonie a été marquée par un défilé de mode des meilleurs stylistes africains, l’élection de Miss SIAO en la personne de Raïssa Zizien, 20 ans, élève de terminale dans un lycée de Ouagadougou et par la remise de prix aux artisans les plus méritants. Le Burkina se taille la part du lion en remportant 18 prix sur 27.

Détendus, ils ont le sourire facile. De rares clients rodent encore dans l’espoir de s’offrir des cadeaux à bon prix. Visiblement, la moisson n’a pas été mauvaise. Ont-ils fait de bonnes affaires ? La réponse qu’on attend franche tarde, puis tombe, elliptique : « Dieu merci, nous ne nous plaignons pas et nous ne regrettons pas d’être venus à Ouagadougou ». Contrairement à certains de leurs collègues qui ont rencontré des difficultés pour obtenir leurs stands, eux étaient prêts dès l’ouverture du Salon. Beaucoup d’artisans et la presse ont dénoncé la mauvaise gestion dans l’attribution des stands.

Des exposants qui avaient payé la location attendaient toujours de réceptionner leurs stands après l’ouverture du Salon. Selon le Commissariat général du SIAO, l’acheminement de matériaux en provenance de la France aurait accusé un incompréhensible retard, ce qui explique sans doute le fait que les stands du pavillon climatisé n’ont été installés que tard dans la nuit du 26 au 27 octobre.

Tout en assumant sa part de responsabilité dans les désagréments constatés au début du Salon, le Commissaire général, Jean-Claude Bouda a déploré le laxisme et l’indiscipline de certains exposants qui n’ont pas respecté les délais d’inscription. « Tous ceux qui se sont inscrits au plus tard le 31 août 2006, date de clôture des inscription, ont été satisfaits à temps » a t-il précisé.

Le gros des grognards étaient en fait des retardataires qui, argent en poche, faisaient le siège du bureau du Commissaire général la veille de l’ouverture du salon. C’est le cas d’artisans guinéens arrivés en retard à cause d’ennuis mécaniques rencontrés sur la route, tout comme les Congolais de Kinshasa et du Niger.

D’autres qui avaient effectivement payé ont fait preuve d’indiscipline en voulant choisir eux-mêmes leur emplacement. Sans succès. Ils ont alors eu recours à des occupations sauvages, après avoir arraché les affiches des stands déjà attribués. « Le salon est victime de son succès et nous n’avons pas su gérer une forte demande qui dépassait de loin l’offre » plaide Jean-Claude Bouda.

Malgré l’augmentation, du coût de la location qui est passé de 250 000 F CFA en 2004 à 300 000 F CFA cette année pour le stand de 10 m2, des stands ont été construits en urgence pour satisfaire la demande. Si cette forte demande peut constituer une source de revenus pour le SIAO, elle suscite aussi des questions sur les capacités d’accueil du site d’une surface de 9000 m2 manifestement insuffisante.

Que faire ? En l’état actuel, l’extension du site paraît improbable vu le coût que cela engendrerait et les limites financières du SIAO. Reste peut-être une piste à explorer avec courage : resserrer un peu plus les critères de sélection des exposants. Car si la vocation première du SIAO est de promouvoir l’artisanat africain, il est de fait devenu au fil du temps un marché où tout s’expose.

Des stands étaient ainsi occupés par des banques, des représentants de ports maritimes venus d’Abidjan, de Lomé, de Tèma et de Takoradi, mais aussi des débits de boissons et des restaurants à l’hygiène parfois douteuse. Au détour d’une allée, le visiteur pouvait même s’offrir des livres vantant « la religion, une nécessité pour l’humanité ».

On y trouvait également des guérisseurs venus du Togo et Bénin pour « montrer et faire découvrir toute la richesse et les vertus de la médecine traditionnelle ». Telle cette togolaise faisant la promotion d’un savon magique fruit de ses recherches, capable de guérir trente maladies en 30 jours ! Des maux de dents aux démangeaisons entre jambes en passant par les rhumatismes ou les angines, Mme Koffi vous convainc que ses « produits se sont révélés très efficaces chez beaucoup de patients » et qu’en les essayant « vous serez ébahis ».

Aux sceptiques, elle explique que ses recettes ont été testées dans un laboratoire européen dont elle refuse de communiquer l’adresse. Plus loin, Julien Sotchegbé, « spécialiste en médecine traditionnelle » depuis 10 ans propose des produits vendus sous forme de boulettes dans des flacons réputés aussi « très efficaces » capables de guérir pas moins de quatre-vingt maladies ! Présent pour la deuxième fois au SIAO, Julien Sotchegbé explique que les « tradipraticiens » travaillent en collaboration avec les autorités sanitaires béninoises.

Et le ministre de la Santé, parrain des associations des « tradipraticiens » s’est déplacé à Ouagadougou pour les encourager. Julien Sotchegbé jure que ses médicaments, faits à base de feuilles, de racines et d’écorce soignent aussi bien l’obésité, le diabète, la stérilité que l’hernie, la faiblesse sexuelle, les infections vaginales et l’éjaculation précoce.

Faire du Salon de Ouagadougou un rendez-vous strictement réservé aux artisans et acheteurs professionnels comme l’aurait suggéré l’ancien ambassadeur de France à Ouagadougou, Francis Blondet n’est sans doute pas envisageable. Cela amputerait le SIAO de sa dimension populaire et festive qui fait sa particularité et qui attire des milliers de visiteurs amateurs. Mais en ouvrant sans cesse le Salon à des activités commerciales sans liens avec l’artisanat, on court le risque de le transformer en un simple immense marché international où tout se vend et s’achète.

Car, depuis sa création en 1988, le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou a su offrir aux artisans de toutes les zones géographiques et culturelles du continent noir, l’occasion d’exprimer leurs talents au travers d’œuvres d’art d’une remarquable beauté esthétique exposées notamment dans le pavillon de la créativité et du design.

Plus d’une trentaine de pays étaient présents à la dixième édition et plus de 150 acheteurs professionnels venus d’Europe, d’Asie, d’Amérique et des Caraïbes ont effectué le déplacement de Ouagadougou, signe de l’intérêt que suscite chez eux l’artisanat africain.

Sans tomber dans une sorte de puritanisme, le SIAO devrait pouvoir, tout en restant fidèle à sa vocation première qui est la promotion de l’artisanat africain, rester aussi une fête populaire sans pour autant perdre son identité.
La prochaine édition du SIAO est prévue pour se tenir du 31 octobre au 9 novembre 2008.

Joachim Vokouma, envoyé spécial
Lefaso.net

P.-S.

Lire aussi :
SIAO 2006

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
L’artisanat congolais, un secteur en devenir
Le SIAO : un salon professionnel et populaire
SIAO 2006 : Soirée d’au revoir au Mess des officiers
SIAO 2006 : Entre mea culpa et satisfaction
Le CODEPA : grandes ambitions, peu de moyens !
SIAO 2006 : Le « Salon du dehors » en pleine effervescence
SIAO 2006 : Fenêtre sur l’Espace art et métier
Ouagadougou, capitale de l’artisanat africain