Qui l’aurait cru ! George Bush se dit « ouvert » sur l’Irak. « Je suis ouvert à toute idée ou suggestion qui nous aidera à atteindre nos objectifs, à vaincre les terroristes et à assurer le succès du gouvernement démocratique de l’Irak ». Cette phrase était inimaginable il y a quelques années.

Entré en guerre en Irak contre le gré du Conseil de sécurité et de la communauté internationale dans sa grande majorité, Bush avait auparavant balayé du revers de la main toute autre vision que celle qu’il a conçue pour l’Irak. Il a réussi à convaincre la majorité des Américains lors de la campagne présidentielle de 2004 qui l’avait opposé au démocrate John Kerry. Ce dernier a soutenu que la guerre en Irak était « la mauvaise guerre au mauvais endroit et au mauvais moment et que le monde est plus dangereux aujourd’hui ».

Bush avait répondu : « Notre plan marche. Nous allons avoir des élections en Irak, elles seront libres et cela sera bénéfique pour les Etats-Unis. Saddam Hussein est aujourd’hui derrière les barreaux. L’Amérique et le monde sont aujourd’hui plus en sécurité ». Cette conception les Américains l’ont perdue et ils l’ont exprimée par les urnes. Bush l’a constatée. Ces compatriotes ont « marre » de la loi du Talion de Bush qui veut concilier vengeance et action préventive en Irak.
(La guerre a fait plus de 600 000 morts en Irak).

A l’issue des élections, ces démocrates comptent au moins 229 députés sur 435 à la chambre basse, 51 élus sur cent au Sénat et vingt-huit gouverneurs sur cinquante. Du coup, Bush a, lui-même crédibilisé sa défaite en nommant l’ancien directeur de la CIA Robert Gates en lieu et place de son « ex fidèle » secrétaire d’Etat, Donald Rumsfeld. Le scrutin a donc rééquilibré les pouvoirs.

Le législatif est désormais contrôlé par les démocrates et l’exécutif reste républicain. La majorité démocrate est beaucoup moins large au Sénat qu’à la Chambre mais cette victoire au Sénat rend le Parti démocrate plus puissant que s’il n’avait seulement gagné qu’à la Chambre. Un républicain voulait empêcher coûte que coûte cette situation.

Le sénateur George Allen voulait utiliser la stratégie de la contestation en Virginie (comme l’a fait Bush lors de son arrivée au pouvoir) pour empêcher la majorité démocrate au Sénat. Mais pressé par ses amis républicains qui ont refusé un autre imbroglio électoral semblable à celui de la Floride il y a six ans, M. Allen a donc abandonné tout recours au décompte des voix et a admis sa défaite.

Les conséquences de cette nouvelle donne sont immédiates pour les républicains. Bush s’est donc livré à une « course contre la montre » pour sauver ce qui reste en renvoyant par exemple au Sénat la nomination de John Bolton comme ambassadeur des Etats-Unis auprès des Nations unies. Cette attitude de Bush vise à positionner ce dernier avec le concours de la majorité républicaine au Sénat. Sinon, en janvier, avec le nouveau Sénat dominé par les démocrates, le néoconservateur John Bolton très critiqué risque de ne pas être admis.

Par ailleurs, Bush a rencontré les dirigeants démocrates Nancy Pelosi et Steny Hoyer pour améliorer les relations avec les démocrates. Car le président américain sait qu’il ne suffira plus de décider le vote de milliards de dollars pour la guerre en Irak pour que ce soit chose faite. (Par exemple, chaque année 100 milliards de dollars sont dépensés en Irak).

Les démocrates annoncent les couleurs

Pour cause, les démocrates ne sont pas prêts à abandonner les GI’S en Irak mais ils exerceront certainement plus de pressions sur le président pour qu’il ajuste sa politique dans le Golfe. Du reste, la commission de « sages » conduite par l’ex-secrétaire d’Etat républicain James Baker dans un plan de sortie de guerre en Irak devrait se prononcer pour un retrait progressif des 150 000 soldats américains qui sont dans ce pays.

Les démocrates au plan sécuritaire comptent renforcer la mise en œuvre des recommandations de la commission indépendante qui s’est penchée sur les attentats du fameux 11 septembre. Notamment celles liées au renforcement de la sécurité dans les transports publics.

Le département de la sécurité intérieure né dans la foulée des attentats devrait être l’objet d’une supervision plus stricte. Dans la même lancée, des enquêtes devraient également s’ouvrir sur les aspects liberticides de la guerre contre le terrorisme de Bush avec au menu le traitement des détenus soupçonnés de terrorisme, les programmes de surveillance intérieure ainsi que les pratiques décisionnelles de la Maison blanche.

Les démocrates comptent aussi améliorer le salaire des Américains. Le salaire minimum fédéral est actuellement de 5,15 dollars l’heure et les démocrates veulent le revaloriser en trois étapes pour qu’il atteigne finalement les 7,25 dollars l’heure. Selon Nanci Pelosi, la chef de file des démocrates à la Chambre des représentants (première femme à diriger le parlement américain) la revalorisation du salaire minimum sera l’une des premières mesures inscrites à l’ordre du jour de la nouvelle Chambre.

Elle devrait être examinée dans les cent premières heures de la législature.
La nouvelle majorité entend en plus baisser le taux d’intérêt des prêts étudiants. Au niveau des impôts, les sommes dues par les contribuables mais non perçues par l’Etat sont estimées à 345 milliards de dollars. Les démocrates veulent réduire ce « fossé fiscal » des diverses taxes que les entreprises et les particuliers oublient de payer. Dans le domaine de la santé, les démocrates veulent permettre au programme médicare (assurance-maladie pour les pauvres) de négocier directement avec les laboratoires pharmaceutiques pour faire baisser le prix des médicaments.

Ils entendent demander aux mutuelles de rembourser les traitements des maladies mentales à la même hauteur que les autres pathologies.

Les démocrates vont par ailleurs faire passer des lois pour assurer une plus grande indépendance énergétique en soutenant les biocarburants et en développant les énergies renouvelables (solaire, géothermique, éolienne).
Décidément le programme des démocrates met l’accent sur la politique intérieure dont on ignorait les problèmes tant l’administration Bush est plutôt portée sur son rôle de « gendarme du monde ».

Hamadou TOURE

Sidwaya