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Joseph Paré ; “Il y a un besoin de réforme du système éducatif”

Publié le vendredi 10 novembre 2006 à 00h16min

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Joseph Paré

Professeur titulaire de sémiotique, Joseph PARE officiait comme président de l’Université de Ouagadougou lorsqu’il a été appelé en janvier dernier à la tête du « gros » département des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique (MESSRS).

L’homme qui vient de connaître à son nouveau poste une rentrée scolaire et académique plutôt bien réussie, comblé mais réaliste, livre dans cet entretien les défis à relever par son département et éclaire l’opinion publique sur un certain nombre d’« idées préconçues » véhiculées à tort sur son ministère.

Monsieur le ministre, vous êtes à la tête du ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique depuis janvier 2006. Comment avez-vous abordé ces débuts de rentrée scolaire et universitaire ?

Pr. Joseph PARE (Pr.JP) : Je voudrais d’abord vous remercier pour cet entretien qui nous permet de dire un peu ce que nous faisons au niveau de ce département. Comme vous le savez c’est un département qui a la charge à la fois de l’Enseignement secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique. Bien évidemment pour la rentrée, il y a des aspects matériels, d’ordre technique et humain. Nous avons essayé de faire au mieux pour que tout cela se fasse dans les meilleures conditions. Le 15 septembre dernier, nous étions à Ouahigouya pour la rentrée administrative. Nous avons fait la rentrée pédagogique à Fada le 2 octobre.

C’est donc dire que présentement la rentrée est effective notamment au niveau du cycle secondaire et dans un certain nombre d’établissements au niveau du supérieur.
Je dois féliciter l’ensemble des acteurs qui ont permis une rentrée dans la sérénité.

Vous avez présidé la conférence des chefs d’établissements qui s’est tenue en août dernier. Quel bilan faites-vous de cette rencontre ?

Pr.JP : Il faut dire que la conférence des chefs d’établissements, que nous appelons la CPDLC (NDLR, conférence des proviseurs et directeurs des lycées et collèges), a fait partie de l’une de nos activités. Elle permet aux acteurs du système de pouvoir se rencontrer et d’échanger. Pour cette année, nous étions beaucoup plus intéressés par une gestion plus rationnelle des ressources au niveau de nos établissements parce qu’il est évident que dans un pays comme le nôtre où les ressources ne sont pas abondantes, il est important que nous puissions les gérer avec beaucoup plus d’efficacité.

C’est ce qui a motivé cette CPDLC. Et je pense que l’ensemble des acteurs a eu un certain nombre d’informations, des recommandations ont été prises afin qu’il y ait une meilleure gestion de nos établissements. Nous espérons en tout cas que les conclusions de cette rencontre vont permettre aux responsables des établissements de les gérer avec beaucoup plus de rationalité.

Certains auraient souhaité que l’accès aux postes de chefs d’établissement, notamment les fonctions de proviseurs des lycées et directeurs de collèges, se fasse par voie de concours. Quelle est votre appréciation de la question.

(Pr.JP) : Je pense que nous sommes dans un système où pour le moment, ces postes sont confiés en fonction d’un certain nombre de critères. Je ne pense pas pour le moment, qu’il soit nécessaire que nous venions à un concours pour nommer des directeurs. Peut-être que cela pourrait se faire ; peut-être que cela obéit à une certaine logique. Mais pour le moment au niveau de l’administration, nous pensons que nous continuerons à nommer les différents proviseurs des établissements.

Vous êtes généralement confrontés à des problèmes de places et les effectifs sont souvent pléthoriques. Quelle est la situation, cette année ?

Pr.JP : Nous ne sommes pas étrangers à cette situation. Il faut comprendre que les effectifs pléthoriques viennent du fait que nous avons une forte demande qui vient de l’Enseignement de base. Je crois que notre action comme je l’ai dit vise à accroître les capacités d’accueil. C’est dans ce sens que je disais dans le discours de rentrée que nous allons, dans les trois années à venir, construire environ 100 CEG sans compter un nombre de lycées que nous allons construire grâce à la coopération internationale. Je pense donc que nous allons petit à petit résoudre ce problème.

Mais, il faut le résoudre en l’accompagnant aussi du personnel. C’est pourquoi nous avons multiplié les possibilités que nous avons. Et cette fois-ci, contrairement au années précédentes, nous avons pu affecter dans chaque direction au moins dix nouveaux enseignants. Ce qui est totalement nouveau. Et ce rythme va s’accélérer avec les différentes possibilités que nous avons désormais à savoir les recrutements pour former des gens à l’IDS (Institut de Sciences), des recrutements directs, mais aussi par l’intermédiaire de l’Ecole Normale Supérieure de Koudougou. Nous allons donc accélérer cela afin que le travail qui est mené en vue de combler le manque de CEG puisse également s’accompagner d’une mise à disposition du personnel.

A propos des élèves-professeurs de l’IDS. Quel sera leur statut ?

Pr.JP : Dans le texte que nous avons adopté, il s’est agi de définir les emplois. Avec les organisations syndicales et l’ensemble des acteurs, nous avons trouvé une solution qui devrait permettre à ceux qui sortent de l’IDS d’avoir un statut cohérent au niveau de la Fonction publique. C’est une question qui trouve donc sa solution dans le cadre du texte que nous avons adopté et dans la procédure de cheminement de ces élèves.

Et la question du personnel enseignant de l’Education physique et sportive (EPS) ; ce personnel relève-t-il de votre ministère ou de celui des Sports et Loisirs ?

Pr.JP : Nous sommes en train de discuter avec le ministre de Sports et Loisirs afin de régler cette question. Il est évident que ce personnel relève pratiquement des deux ministères. Du fait que ce sont des praticiens du sport, ils se réclament pour un certain nombre, du ministère des Sports et Loisirs et nous, nous les utilisons également comme personnel d’encadrement dans nos établissements. Il est évident que de nos jours, au rythme où nous avons des gens qui sortent, il y a des insuffisances. Lorsque j’ai organisé la sortie sur le terrain avant la rentrée, j’ai constaté que dans certaines directions régionales, il y avait un manque assez important d’enseignants. Nous sommes en train de voir comment nous allons également essayer de résorber cela en faisant en sorte que nous puissions trouver le personnel qu’il faut dans les différentes provinces. Mais là encore il faut les former et cette formation prend du temps et des moyens.

Où en est-on, Monsieur le ministre, avec la question du rattachement du premier cycle de l’enseignement secondaire au ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation ?

Pr.JP : La question n’est pas simplement un rattachement. Lorsque nous avons été appelés au gouvernement, dans la lettre de mission, il nous a été indiqué clairement que nous devrions travailler à la réforme du système éducatif. Qui dit réforme du système éducatif dit également qu’il faut que cette réforme s’appuie sur un projet de société cohérent. Et dans la politique mise en œuvre notamment à partir du programme quinquennal du chef de l’Etat, il y a des objectifs clairs qui sont des objectifs sociétaux. A partir de là, nous devons produire un système de formation qui soit en adéquation avec l’idéal social visé dans ce projet.

Nous avons déjà terminé le projet et des voix plus autorisées que la mienne pourraient le dire. Nous sommes dans la phase où le projet doit être débattu par les acteurs à la base. Comme je l’ai toujours dit, il ne s’agit pas d’élaborer dans le secret d’un cabinet un projet de réforme du système qui ne prenne pas en compte les objectifs ou la vision que les acteurs à la base en ont. Donc, nous sommes en ce moment non seulement avec les autres ministres en charge du systèmes éducatif mais aussi d’autres ministres intéressés par la question par exemple le ministère de l’Emploi et de la Jeunesse.

Tous les ministères qui sont intéressés vont à la suite de cela faire une synthèse générale qui permettra de faire une réforme adéquate. Dans cette réforme effectivement, il y a des aménagements qui sont faits pour respecter ce qu’on a introduit dans la loi d’orientation de l’éducation comme les cycles terminaux et les passerelles pour passer d’un niveau à un autre. Mais ce que je dois vous dire, c’est que le projet privilégie la pré-professionnalisation et la professionnalisation dans le cadre de la formation des jeunes.

L’un des faits majeurs cette année, c’est l’augmentation du paiement de l’heure de vacation. Qu’est-ce qui a motivé un tel réaménagement ?

Pr.JP : Lorsque nous sommes arrivés au Cabinet, nous avons trouvé que cette question avait été déjà discutée par les syndicats. Et il y avait eu un accord de principe. A partir de ce moment, c’est une décision qui existait déjà. Il y avait eu des accords sur d’autres points, mais ce point précis avait fait l’objet d’une discussion avec les syndicats parce que ça faisait plus de dix ans que le taux de vacation était resté au même niveau. Nous avons donc simplement mis en œuvre cet accord qui était survenu entre l’administration et les syndicats.

Ce qui a été un des motifs pour les fondateurs d’établissements de l’enseignement privé d’augmenter les frais de scolarité. Toutefois, le gouvernement leur a octroyé une subvention pour fléchir ces augmentations. Cela a-t-il eu un impact ?

Pr.JP : Il faut dire que dès le départ les augmentations prévues par le privé allaient de 5 000F CFA jusqu’à 35 000F CFA dans certains établissements.
C’est vrai que le gouvernement encourage l’initiative mais tout en restant quand même attentif à un certain nombre de préoccupations des populations. Etant entendu que nous devons œuvrer à faire en sorte que la majorité des familles burkinabè puissent scolariser leurs enfants, au niveau du gouvernement, il a été retenu d’accorder une subvention à l’Union nationale des promoteurs d’établissements d’enseignement laïc (UNPEL). Toute chose qui existe déjà. Au niveau de certaines structures, il y a déjà des subventions qui sont accordées.

Ce qui nous a permis au lieu d’avoir une hausse qui se situe entre 5 000 et 20 000 FCFA d’avoir une hausse contenue entre 5 000 et 10 000 FCFA. C’est cela qui a motivé le gouvernement et nous devons finaliser tout cela à travers une convention qui va permettre de mieux apporter notre soutien à l’enseignement privé, qui, il faut le dire, apporte également sa contribution pour la scolarisation et la formation des enfants au Burkina Faso.

A propos de l’enseignement supérieur, l’université est rentrée dans un processus de réforme depuis l’année 2000 et de nouvelles filières notamment professionnalisantes ont vu le jour. Quel bilan faites-vous de cette réforme ?

Pr.JP : En 2000 lorsque nous étions arrivés à la situation qu’on a connue, dans le cadre des réformes qui ont été proposées, il y avait bien d’autres dimensions comme par exemple la transformation des facultés en UFR. Je crois que de nos jours, nous ne pouvons pas nous contenter de donner une formation généraliste aux étudiants.
Il faut faire en sorte que la formation puisse permettre à l’individu de sortir avec un certain nombre de compétences qu’il peut exploiter dans différents domaines d’activités. C’est de la filière professionnalisante.

On n’a pas dit des filières professionnelles. Les filières professionnalisantes donnent un ensemble de compétences à celui qui sort pour pouvoir agir. Bien évidemment, nous avons commencé la réforme en 2000, peut-être que ce sont les premiers produits de la réforme que nous avons aujourd’hui sur le marché de l’emploi. Je dois dire qu’il nous reviendra après de faire le bilan pour voir ce qui a marché, ce qui a moins bien marché ; là où il faut apporter des corrections. Cela va se faire par l’ensemble des acteurs.

Il ne s’agira pas pour l’administration de s’asseoir pour faire le bilan. Il s’agira d’amener l’ensemble des acteurs à réfléchir pour voir si la professionnalisation telle que nous l’avons engagée est bien partie et quelles en sont les insuffisances. Je dois vous dire que la nouvelle mouture de l’enseignement supérieur aujourd’hui au plan international, renvoie à cette dimension. Dans le système Licence - Master - Doctorat (LMD) qui est en train de prendre forme on met l’accès sur ce qu’on appelle la professionnalisation des filières de formation.

Mais il faut que cela s’appuie sur les besoins du tissu économique. Il ne faut pas professionnaliser pour professionnaliser mais en tenant compte du vivier d’emploi qu’il y a. Si aujourd’hui on se mettait par exemple, à ouvrir certaines filières dans nos universités, c’est que les gens dans ce domaine auraient plus de difficultés en sortant pour trouver un emploi parce que le tissu économique lui-même n’a pas encore développé ce genre d’activités.

Monsieur le ministre, des diplômes sont délivrés notamment par les écoles supérieures privées dont le DTS (Diplôme de Technicien Supérieur), le DUT (Diplôme Universitaire de Technologie). Quels sont les critères d’octroi et les mécanismes mis en place pour attester leur crédibilité ?

(Pr.JP) : Pour délivrer un diplôme, il faut que le dossier passe devant le Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (CAMES) qui tient des sessions chaque année pour examiner les enseignements qui sont proposés dans les établissements d’enseignement supérieur. Ce que l’on confond justement, c’est souvent attestation et diplôme. Dans certains domaines, on délivre beaucoup plus des attestations que des diplômes. Ceux qui peuvent délivrer des diplômes, ce sont ceux-là dont la formation a été agréée par le CAMES. C’est le cas par exemple dans nos universités et de certaines formations dans certains établissements privés d’enseignement supérieur qui sont passés effectivement devant le CAMES et qui a reconnu les caractères scientifiques de leurs formations. Et il leur a délivré une attestation ayant la possibilité de délivrer les diplômes. Autrement dans beaucoup de cas, ce sont des attestations que les gens prennent souvent pour les diplômes.

Le DUT est tout à fait différent. C’est un diplôme universitaire de technologie qui est délivré après une formation qui dure habituellement deux ans à l’université. Et à ma connaissance, c’est surtout après avoir constaté qu’il y avait des cadres moyens qui manquaient dans certains domaines qu’on a créé ce système dans le système universitaire de type français que nous appliquons chez nous.

Est-ce que l’université ne pouvait pas coordonner l’organisation de ces différents diplômes : le DUT, le DTS et le BTS, au niveau des instituts privés ?

(Pr.JP) : L’université n’a pas cette vocation. Mais il existe au niveau du ministère une structure qui en a la charge. C’est cette structure qui, au regard d’un certain nombre de paramètres dont les enseignements, le profil des enseignants, valide ces diplômes.

Monsieur le ministre, de plus en plus l’opinion se plaint du fait qu’il y ait beaucoup d’établissements privés d’enseignement supérieur qui promettent monts et merveilles mais leurs étudiants une fois sortis sont confrontés souvent à un problème de reconnaissance même de leurs diplômes. Qu’est-ce que vous faites dans ce sens ?

Pr.JP : Nous avons été saisis à différents moments de cette question. Lorsqu’un promoteur vient nous voir pour avoir une quelconque filière de formation, nous lui demandons un certain nombre de documents, la qualification, le personnel etc. Nous lui délivrons une autorisation d’ouverture sur la base de la qualification.
Mais cette autorisation ne signifie pas qu’il faut faire n’importe quoi. Il est arrivé quelquefois que nous ayons à rappeler à l’ordre un certain nombre de personnes. Cette année encore nous sommes sur le terrain pour voir si effectivement les différentes structures assurent la formation telle qu’elles l’ont fait savoir.

Maintenant n’allez pas demander au ministère de jouer au gendarme par rapport à un certain nombre de choses. Notre rôle est essentiellement de contrôler, d’attirer l’attention des fondateurs sur leurs activités et de faire en sorte que celles-ci cadrent avec l’autorisation qui a été donnée.
Si nous constatons un certain nombre de failles, nous pouvons encore attirer l’attention et faire en sorte que la formation proposée soit en adéquation. Bien évidemment il est arrivé des fois où nous prenons nos responsabilités par rapport à un certain nombre d’aspects.

On constate qu’il y a de plus en plus d’« étrangers » de la sous-région qui viennent pour leurs études supérieures au Burkina Faso que ce soit à l’université de Ouagadougou ou dans les instituts privés dont on vient de parler. Qu’est-ce qui peut expliquer cela ?

Pr.JP : Cela tient tout simplement du fait qu’au-delà des difficultés qui existent dans notre pays, les acteurs ont su mettre l’intérêt général au-devant des choses. A savoir que nous n’avons aucun intérêt pour des raisons qui nous sont quelquefois personnelles à faire en sorte que nos enfants ne terminent pas leur année. Il y a eu de la part de tous les acteurs que je dois féliciter en passant une réelle volonté de faire en sorte que nous n’ayons pas des blocages inutiles. Que ce soit les enseignants, que ce soit au niveau des étudiants, ou des corporations, nous savons que chacun fait un effort malgré les problèmes, pour qu’on puisse avancer.

Il y a la situation politique aussi. Dans un Etat où il y a la stabilité, il est évident que vous y avez la possibilité de faire une formation. Et nous souhaitons que ce dialogue qui nous permet chaque fois de pouvoir faire face aux difficultés perdure. Le ministère pour sa part s’y emploie et s’y emploiera afin que, de part et d’autre, nous puissions toujours sauvegarder l’essentiel. C’est ce qui explique aujourd’hui qu’il y a beaucoup de gens qui viennent. Mais il y a aussi la qualité de la formation. L’un des baromètres c’est le grand succès de nos enseignants au niveau du CAMES.

Que ce soit au niveau des universités et autres, quand nos enseignants se présentent, nous avons les taux de succès quelquefois qui dépassent la moyenne du CAMES. Ce phénomène s’explique donc par la qualité de l’enseignement et le sérieux dans lequel les gens mettent la formation.

Mais Monsieur le ministre, il y a que nombre d’étudiants nationaux ou non nationaux, malgré leurs ambitions pour un troisième cycle à l’université de Ouagadougou, se disent empêchés par le prix à payer.
Que répondez-vous ?

Pr.JP : En fait, le problème du troisième cycle est réel. Il faut que nous puissions trouver des solutions parce que l’existence d’un troisième cycle constitue en réalité un vivier. C’est là que nous pouvons avoir les futurs enseignants qui vont pouvoir remplacer ceux-là qui sont près de la retraite ou qui sont à un certain niveau. Je pense aussi que nous avons besoin au regard du nombre de plus en plus élevé de nos étudiants, de plus d’encadrement et à ce titre, le gouvernement a décidé cette année de recruter environ 90 enseignants pour le supérieur.
Bien entendu, nous sommes en train de voir également comment nous allons accroître les possibilités d’études de troisième cycle dans nos universités que ce soit par le biais de la coopération multilatérale et même au niveau national parce que nous sommes en train de voir avec un certain nombre d’acteurs comment on peut obtenir des bourses de formation.

Cela va venir élargir sans aucun doute les possibilités. Mais c’est un processus qui demande de choses.
Toutefois si nous voulons vraiment aller de l’avant, il faut que nous mettions l’accent sur ce volet même si les coûts sont élevés ; j’ai été à l’université, j’en sais quelque chose. Nous essayons de trouver des voies et moyens pour permettre aux étudiants de faire quand même le troisième cycle.

A quand alors l’application des textes de l’UEMOA sur l’harmonisation des frais d’études supérieures par les pays membres ?

(Pr.JP) : A ma connaissance, jusqu’à présent, il n’y a pas de texte. Il y a eu certes des échanges sur l’harmonisation, mais aucun texte n’existe pour le moment.

Il y a une volonté de décentraliser les filières de formation de l’université de Ouagadougou. L’Unité de formation et de recherche en science économique est depuis 2005 à Koudougou. On annonce celles des Lettres, Art et Communication (LAC) et Sciences humaines (SH) cette rentrée. Quelles sont les mesures d’accompagnement surtout sociales à l’endroit des étudiants et du personnel enseignant ?

Pr.JP : Je dois vous dire que si on prend simplement le cas de Koudougou, nous avons décidé de trouver des chambres pour les étudiants. C’est ainsi que la capacité d’hébergement a été largement augmentée.

Nous avons construit de nouveaux bâtiments pendant les vacances. Nous avons également pu avoir des locaux au niveau de l’ancienne cité Faso Fani qui seront transformés en lieu d’hébergement des étudiants. L’un dans l’autre, c’est un accroissement de près de 50% des capacités d’accueil d’hébergement qui existaient déjà. Je crois que cela va aider les étudiants à trouver un logement décent une fois qu’ils vont à Koudougou. C’est vrai que ça ne résoudra pas tous les problèmes mais, il faut reconnaître qu’il y a déjà un effort qui est fait et va se poursuivre parce que le gouvernement donne les moyens pour que nous puissions aller dans ce sens.

Il reste que de façon générale, la question du logement des étudiants est un souci permanent pour nombre d’entre eux. Quelle politique envisagez-vous pour loger le plus grand nombre ?

Pr.JP : Je crois que le CENOU a organisé au cours de l’année une politique de logement. Il faut voir sur le long terme. Dans d’autres pays, il y a des expériences qui ont été tentées en associant le secteur privé. Il ne s’agit pas de rendre mercantile cela. Parce que l’accompagnement social est une des dimensions de l’enseignement supérieur sinon de l’enseignement tout court. A partir de ce moment, je crois qu’il y a lieu de voir dans quelle mesure nous pouvons apporter un certain soutien aux étudiants afin qu’ils puissent travailler dans les meilleures conditions.

L’Etat fait des efforts immenses. Tout dernièrement, ce sont des sommes importantes qui ont été débloquées pour permettre de construire des amphis aussi bien à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso que Koudougou, des bibliothèques, acheter des bus pour pouvoir transporter les étudiants de Bobo et Koudougou. Les étudiants de Bobo par exemple doivent être transportés jusqu’au site de Nasso.
Ainsi, l’Etat a mobilisé environ 5 milliards mis à la disposition des universités pour permettre d’améliorer les conditions d’accueil. De la même manière, au niveau d’autres types ou formes d’appui que ce soit par exemple le FONER, il y a des dispositions qui sont prises afin que ces moyens qui sont sans doute modestes soient mis à la disposition des étudiants afin qu’ils puissent travailler dans des conditions assez décentes.

A propos justement du FONER, on trouve que les critères d’obtention deviennent de plus en plus très sélectifs.
Pr.JP : Vous savez, à chaque rentrée, il y a une réunion du comité directeur du FONER. Ce comité directeur est composé des enseignants, des représentants des organisations représentatives des étudiants, des représentants du ministère des Finances et du Budget. C’est tout ce monde qui se réunit pour voir quelles sont les conditions pour octroyer le FONER aux étudiants tout en tenant compte d’un certain nombre de leurs revendications. Il y a tous ces critères qui rentrent en ligne de compte.

Et moi je pense que de nos jours, l’effort fait par l’Etat au niveau du FONER doit être apprécié positivement. On doit certes essayer d’avancer en améliorant le système, mais il faut reconnaître qu’aujourd’hui l’effort qui est fait est assez important. Parce que ce sont des sommes assez énormes déployées. Rien que pour la première session de l’aide ou du prêt, nous devons disposer de 800 millions environ pour pouvoir prendre en charge des étudiants. C’est dire que le gouvernement déploie des efforts énormes.

Il est évident que le FONER a été créé pour soutenir les étudiants à étudier. Mais il faut quand même se dire qu’on ne peut pas donner un appui ou une aide sans condition. Cela est très difficile et difficilement réalisable. Il faut qu’un minimum de conditions existent. Ce minimum répond à l’esprit même de création du FONER. Il faut donc qu’il y ait un minimum de conditions pour que nous puissions fonctionner. Sinon on ne pourra pas aboutir à l’objectif qui est de soutenir ceux-là qui sont dans les difficultés et qui veulent quand même étudier.

Monsieur le ministre, la bourse d’étude se fait rare et ses conditions d’octroi, paraît-il, se corsent davantage. Certains vont même jusqu’à dire que ce sont les enfants des nantis qui ne peuvent que l’avoir pendant que ceux auxquels elle est destinée en premier lieu à savoir les enfants des paysans n’auraient plus la capacité d’avoir cette bourse.
Que répondez-vous.

Pr.JP : Je pense que là aussi, c’est peut-être parce que les gens n’ont pas l’information selon laquelle ce n’est pas le ministre qui dans le secret de son cabinet octroie les bourses. A l’évidence, il y a une commission nationale qui se réunit. Commission dans laquelle siégent les étudiants. Et nous avons environ une enveloppe de 500 bourses qui sont octroyées. Quand on n’était que 300 chaque année à avoir le bac, on n’avait pas besoin de concours. On octroyait la bourse à chacun. Mais de nos jours le nombre de bacheliers augmente considérablement.

Au moment où tout le monde avait par exemple la bourse, le FONER n’existait pas. A partir du moment où l’enveloppe des bourses est assez limitée, l’Etat a jugé utile de créer le FONER comme accompagnement à cette situation.
Lorsque la commission se réunit, elle définit les critères avec des moyennes bien précises, mais aussi elle prend en compte un certain nombre de paramètres tel que la situation des parents. C’est donc dire que ce n’est pas totalement exact que les enfants des pauvres ne peuvent plus avoir la bourse d’autant qu’il y a le critère de revenus des parents qui est pris en considération pendant l’octroi des bourses.

Concernant les moyennes, est-ce qu’il ne faudrait pas tenir compte de l’origine des élèves parce que ceux qui sont en ville ont des meilleures conditions d’étude. Ils sont donc plus prédisposés à avoir la bourse par rapport à ceux des campagnes qui, étudiant souvent dans des conditions difficiles, pourraient avoir des moyennes moins intéressantes ?

Pr.JP : Justement ce n’est pas vérifié. Quand nous organisons par exemple les olympiades, la plupart des meilleurs ne venaient pas forcément des grandes villes. C’est vrai que les conditions d’origine peuvent être regardées ; elles sont même forcément regardées. Mais il y a des critères consensuels qui sont arrêtés permettant d’octroyer la bourse dans des conditions de transparence. Dans notre pays, la bourse est octroyée avec des critères clairs d’autant qu’il faut que l’ensemble de ceux qui siègent, signent d’abord le procès verbal avant que le ministre proclame l’attribution des bourses.

Un autre volet de votre ministère, c’est la recherche scientifique. Il paraît que nos chercheurs cherchent et trouvent mais on ne voit pas l’impact. Est-ce que le domaine de la recherche n’est pas laissé pour compte ?

Pr.JP : Non je ne pense pas que le domaine de la recherche soit marginalisé en tant que tel. Peut-être que la recherche a besoin de se faire connaître. Là je salue des initiatives qui ont été prises récemment d’organiser des journées portes ouvertes pour montrer aux gens ce que nous trouvons. L’organisation prochaine du FRSIT (Forum national de la recherche scientifique et des innovations technologiques) rentre dans cette dynamique. Mais il faut également se poser la question suivante : à quel stade sommes-nous aujourd’hui dans notre recherche ? C’est de là qu’on peut trouver la solution. Je pense qu’on est arrivé au stade où la recherche pour être plus visible doit forcément se mettre au service de la communauté.

C’est ce qui manque bien souvent de constater que le chercheur trouve des choses mais elles ne sont pas suffisamment intégrées dans le tissu économique. Et pour faire face à cela nous avons proposé aux chercheurs de réfléchir pour la mise en place des journées des groupements d’intérêts économiques. C’est pour permettre que, lorsqu’un chercheur trouve une application dans son laboratoire qui peut être vulgarisée et qui peut résoudre un certain nombre de problèmes, on puisse trouver quelqu’un qui a les moyens financiers de pouvoir faire la vulgarisation de cette recherche.

L’Etat, à son niveau, fait l’effort d’amener le chercheur a trouvé. Il faut désormais que les autres acteurs économiques s’impliquent afin que les résultats de la recherche puissent être vulgarisés et être disponibles par l’ensemble des acteurs du développement. C’est peut-être ce lien qu’il faut effectuer et qui va rendre plus visible la recherche. C’est ce qui s’est passé dans un certain nombre de pays où la recherche a permis de faire des bonds qualitatifs au niveau du développement. A un moment donné, les laboratoires ont rejoint ceux qui sont capables de financer. Je crois que c’est ce bond qu’il nous faut faire. Là encore, il faudrait que la recherche que nous produisons soit effectivement rentable.

Au Burkina Faso, nous avons des chercheurs qui ont découvert des choses assez intéressantes. C’est l’exemple du produit FACA contre la drépanocytose qui a même été reconnu par l’OMS. Il faut passer alors aujourd’hui du stade de la découverte au stade de la vulgarisation puisqu’on a fait tous les tests qui ont prouvé que ce produit est bon et peut être utilisé par l’humain.
Aujourd’hui, il y a des chercheurs qui ont découvert qu’à partir des plantes au Burkina on peut détecter la présence du plasmodium à partir simplement de la salive. La prise du sang n’est donc plus utile. Il y en a qui ont découvert des molécules qui permettent de lutter contre le cancer chez la femme.

Actuellement à l’université de Ouagadougou, nous avons une chambre blanche où nous pouvons produire des médicaments. Au CNRST, notamment au niveau de l’INERA, nous sommes à l’étape où nous arrivons à produire des semences de pomme de terre. Il s’agit donc d’accélérer tout cela. Dans le cadre de la réflexion en cours au niveau du CNRST, il y a cette dynamique qui se met en place et nous souhaitons qu’elle s’accélère pour que justement notre recherche soit plus visible et qu’elle soit un catalyseur du développement.

Parlant toujours de recherche. On constate que les universitaires ne participent pas beaucoup aux débats politiques sur les questions d’orientation économique ou sociétale. Vous ne trouvez pas cela comme une faiblesse. Si oui, qu’est-ce qu’on peut faire pour intéresser ce monde à ce débat qui permet d’avancer sur le plan politique et social ?

Pr.JP : Je crois qu’il y a peut-être certaines situations qui font que l’universitaire souvent ne s’exprime pas. Mais je crois aussi que l’espace démocratique est assez ouvert dans notre pays. Je pense que tous ceux qui veulent intervenir dans le débat politique le font, qu’ils soient universitaires ou pas. Je pense que le rôle de l’intellectuel même c’est de participer à ce débat. Peut-être qu’il faut les encourager davantage à y aller. L’espace démocratique existe.

Monsieur le ministre, les plates-formes revendicatives des syndicats d’étudiants suscitent régulièrement des ébullitions sociales notamment au sein du campus de Ouagadougou. Avec votre expérience d’ancien président de l’université, doit-on s’attendre à une année académique plutôt calme ?
Pr.JP : Je ne peux pas être devin pour vous dire qu’on aura une année académique calme. Ce que je peux vous dire, je travaille pour ça. Mais je ne peux pas vous dire d’office qu’on aura une année académique calme parce que je ne regarde pas dans une boule de cristal. Je crois que de façon générale, que ce soit à l’université ou au niveau du ministère, il faut que l’ensemble des acteurs soit intéressé, qu’on écoute les occupations de chacun des acteurs. A mon humble avis, rien ne peut se faire sans qu’il y ait ce dialogue qui permet d’écouter l’autre, de savoir quelles sont ses préoccupations et de mettre sur la table ce que nous pouvons mettre sur la table. Si cela se fait dans un esprit constructif, nous pouvons aboutir à quelque chose. Je pense qu’habituellement nous avons eu en face de nous des acteurs qui ont toujours essayé de nous comprendre.
Il faut garder ce climat de dialogue et de concertation permanente qui nous permet de faire certes de petites avancées mais d’avancer quand même. Et nous en tant que ministre, devons avoir l’humilité de reconnaître que nous ne disposons pas de la vérité. Moi, je ne détiens pas la vérité infuse.

Les autres acteurs détiennent une part de vérité. Et c’est en mettant ensemble ces éléments que nous pouvons arriver à quelque chose. Cela n’est possible que si l’autre est considéré comme un acteur crédible avec lequel on peut discuter.

C’est ce que j’ai toujours demandé qu’on fasse. J’ai toujours fait en sorte que par le dialogue et la concertation nous puissions arriver à des consensus. Je ne m’attends pas à ce qu’il y ait une unanimité. Cela est impossible. Mais au moins, on peut faire le consensus sur les questions essentielles pour avancer. Cela ne se fait que par le dialogue parce qu’il faut avoir l’humilité chaque fois de se dire que l’autre en face de moi est aussi un être pensant. Et que cet être pensant a des ambitions et des visions.

Un dernier mot qui vous reste sur le cœur Monsieur le ministre ?

Pr.JP : Ce que je voudrais surtout dire, nous rentrons dans une année où nous allons avoir des défis énormes à relever. Ces défis concernent autant notre système éducatif qu’un certain nombre de questions. Je voudrais donc que dans une espèce d’union sacrée, nous puissions y aller et qu’aucun acteur ne se mette de côté. Le chef de l’Etat lui-même l’a dit, pour pouvoir aller vers le développement, personne ne doit être mis sur le bas-côté du chemin. Nous au niveau du ministère, nous en faisons un credo en disant qu’aucun acteur n’est mis sur le côté. Chacun doit formuler ses avis et le point de vue qui va nous permettre d’avancer sera celui qui nous permettra d’atteindre nos objectifs.

Je dois surtout dire qu’en dépit des difficultés que nous avons découvertes en allant dans les provinces rencontrer nos collègues enseignants, il faut toujours avoir à l’idée que ce que nous faisons est pour le devenir de notre nation. Et, pour ce devenir, aucun sacrifice n’est inutile. Je pense que chacun à son niveau de façon assez humble devrait pouvoir apporter ce qu’il peut apporter comme pierre pour une édification de la nation. Je souhaite que dans le dialogue et la concertation, nous puissions avancer dans les grands chantiers.

Comme je l’ai souvent dit, ce qui nous lie est certainement plus fort que ce qui nous sépare. Et si ce qui nous lie est plus fort que ce qui nous sépare, il nous revient forcément de nous asseoir pour nous entendre et pour avancer.

Interview réalisée par Drissa TRAORE

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 14 novembre 2006 à 20:19 En réponse à : > Joseph Paré ; “Il y a un besoin de réforme du système éducatif”

    Monsieur Le Ministre, et Cher Professeur,
    Je suis, après les enseignements en littérature française, reçus de votre part, à mon tour, professeur de Droit Commercial à l’Université Raymond POINCARE à Nancy I. En dépit de la charge de travail de mon Cabinet, j’éprouve un réel plaisir à intervenir dans cette formation car les jeunes de cette formation suivent les enseignements théoriques en alternance avec un stage obligatoire en entreprise pour l’acquisition de la double compétence en licence professionnelle. Il s’agit d’une formation "diplômante" où tous les étudiants sont embauchés directement à la sortie de la licence. Ce qui prouve que, dès que la formation professionnelle répond aux besoins de l’entreprise, l’embauche devient une évidence pour le chef d’entreprise. Pour ma modeste contribution, je propose que toutes les formations théoriques, même à l’université puissent être orientées vers l’entreprise publique ou privée. Par exemple, que ceux qui se prédestinent aux professions d’inspecteur des impôts ou du trésor puissent, dès la licence suivre une formation à la préparation de ce concours. Il est curieux, qu’en France, ce système ne soit pas généralisé pour l’enseignement général théorique. Le Burkina faso pourrait servir d’exemple en expérimentant cette méthode de formation "diplômante". Qu’en pensez-vous ? Je me tiens parfaitement à votre disposition pour fournir la documentation sur cette formation "diplômante". Me Paul Kéré, Avocat au Barreau de Nancy

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