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Hommage à Alassane Kogda Ouédraogo

Publié le vendredi 10 novembre 2006 à 00h00min

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Alassane Kogda Ouédraogo

Suite au décès de notre confrère Alassane Kogda Ouédraogo le 3 novembre 2006, plusieurs personnes ont rendu témoignage à celui qu’on appelait affectueusement « Le Doyen ». Voici là un hommage de P. Pierre-Claver Ouédraogo, journaliste, traducteur, directeur du Groupe Afrique Espoir.

Tel un couperet, la nouvelle de la disparition d’Alassane Kogda Ouédraogo (AKO) est tombée en début de semaine. Ainsi, « Le Doyen » , c’est ainsi que nous l’avions surnommé affectueusement n’est plus. Ainsi, nous ne le reverrons plus jamais sur cette terre du Burkina qu’il a tant aimée, servie avec amour, dévouement, abnégation et honnêteté. Ainsi, il n’est pas permis de rêver, tant les faits sont têtus, depuis le 3 novembre dernier, AKO a été rappelé à Dieu et conduit à sa dernière demeure. Il s’en est donc allé. Et avec lui, une somme incommensurable d’expériences, de talent et d’humilité. Quel gâchis !

Pour moi qui ne le savais pas malade, qui le croyais toujours solide comme un roc, le choc a sans doute été plus violent. Certes, je le savais mortel, à l’image de nous autres survivants. Comme vous et moi, je n’ignore pas non plus que la mort ne prévient jamais. Tout de même... Mais, pas parce que je ne puisse rien y faire...

Autant que je me souvienne, ma dernière rencontre avec « Le Doyen » remonte au mois de septembre dernier aux Editions Le Pays. C’était assez tôt dans la matinée, à l’issue d’une conférence de rédaction à laquelle il venait de participer. Comme à l’accoutumée, nous avions devisé, ce jour-là, sur tant et tant de choses. Comme à l’accoutumée, nous étions restés de longues heures, tantôt debout, tantôt accoudés aux tabourets des kiosques attenant à la façade principale des lieux, grillant au compte-gouttes, des bâtons de cigarette. Evoquant de vieux souvenirs et de petits projets d’avenir. Sans se douter le moins du monde que nous nous voyions pour la dernière fois !

L’Afrique perd une bibliothèque vivante

Journaliste dans l’âme, l’ancien secrétaire général de la Rédaction des Editions Le Pays fait partie de cette race de bibliothèques vivantes dont l’Afrique a grand besoin pour promouvoir son développement. D’un abord facile, toujours jovial et très confraternel, Alassane Kogda Ouédraogo était un communicateur hors pair qui avait choisi sa profession par vocation.

Sans calcul, sans arrière-pensée, sans autre ambition que celle de travailler à crédibiliser ce métier si noble et exaltant mais oh combien difficile et ingrat. Ainsi, il avait mis un point d’honneur à y incarner, de tout temps et en tout lieu, les vertus cardinales de l’espèce humaine, à savoir les sens de l’honneur et de la dignité. Pour AKO du reste, l’indépendance du journaliste n’avait pas de prix.

Et parce qu’à ses yeux, cette indépendance n’était pas marchandable, il prenait la liberté de dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas. Quoique cela eut pu lui coûter. Naturellement, il avait sa manière à lui d’exprimer les espoirs, les craintes et les angoisses des sans- voix, ceux-là pour qui il aura planché plusieurs décennies durant en tant que fonctionnaire de l’Etat burkinabè et aux Editions Le Pays, un groupe de presse qui protège jalousement son intégrité et son indépendance.

A tous points de vue donc, la disparition d’AKO constitue un vide immense pour notre corporation qui a plus que jamais besoin de bons repères comme lui pour s’assumer pleinement dans un village planétaire constamment fouetté par les effets pervers d’une mondialisation gloutonne et des appétits égoïstes. Ce village par trop globalisant et insécurisant aux multiples poches hostiles à la libre circulation de l’information, à la communication de masses latérale et au débat d’idées contradictoires et démocratiques. Alassane Kogda Ouédraogo a été fauché par la maladie, la plume à la main. Mais, osons paraphraser Birago Diop pour affirmer haut et fort qu’il n’est pas mort.

Il « est dans l’eau qui coule et dans l’eau qui dort ». Notamment pour avoir contribué à la formation de beaucoup de confrères d’ici et d’ailleurs, ainsi que pour être resté dans les sillons d’un journalisme vrai faisant fi de tout écrit sur commande et battant constamment en brèche tout esprit mercantile. Dont acte... Pétri d’un sens élevé de la responsabilité et de la répartie, »Le Doyen » analysait l’actualité à froid, question sans doute de ne se tromper que de bonne foi. La plume alerte, il entretenait les lecteurs du quotidien Le Pays de sujets tout aussi variés que complexes, allant de la politique internationale aux arts, en passant par la politique nationale, la science, la culture, l’économie et les faits de société.

Sa « Chronique du fou » était pour ainsi dire un melting-pot de sujets divers, analysés avec une verve sensuelle, sensitive et pathétique, sur fond d’humour interpellatif des lecteurs à une prise de conscience grandissante autour des phénomènes sociaux. Au propre comme au figuré, il n’appréciait guère la pléthore de partis politiques dans notre pays en raison notamment du fait que bon nombre d’entre eux se réclament de la même obédience et que ce faisant, ils auraient pu se regrouper par affinités pour être plus opérationnels sur le terrain.

Subséquemment, il fustigeait le nomadisme politique, conséquence directe, à ses yeux, d’un manque de conviction de cette frange de « militants en perpétuelle migration ». La corruption et l’impunité le chagrinaient et le révoltaient au plus haut point. L’indexation répétée, par le REN-LAC, de la presse burkinabè au rang des corporations corrompues, le mettait carrément hors de lui, parce qu’en tant que miroirs de la société, les hommes des médias doivent donner le bon exemple. Partout et en tout temps.

Au centre de ses préoccupations et dans un tout autre registre, figuraient également cette hégémonie incongrue des super puissances de ce monde, enclines comme jamais encore, à dicter leurs lois aux plus faibles, l’absence d’équitabilité dans le commerce international, l’impuissance de l’ONU à éteindre les nombreux foyers de tension sciemment allumés çà et là par les puissants du moment, la forte ingérence des « grands » dans les conflits des « petits », l’absence ou la mauvaise planification des programmes et projets de développement en Afrique, etc.

Si de son vivant, des réponses n’ont pu être apportées à l’une quelconque de ces questions brûlantes, il n’y est pour rien. Il peut et doit être fier cependant, d’avoir joué sa partition. Et d’avoir laissé à la postérité des écrits à charge de pérenniser son passage sur terre, que dis-je ?, de consacrer son... immortalité. Puisse Dieu le Miséricordieux accueillir dans son Royaume cet intrépide combattant de la liberté d’informer.

Pierre-Claver OUEDRAOGO
76 66 89 81
Directeur général du Groupe Afrique Espoir

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Vos commentaires

  • Le 10 novembre 2006 à 06:34, par drissa En réponse à : > Hommage à Alassane Kogda Ouédraogo

    oh ! c’etait donc ce monsieur qui écrivait la chronique du Fou dans le journal LE pays ?? c’etait ma chronique preferée !! C est domage. Qu il repose en paix.

    • Le 19 novembre 2006 à 01:12, par drissa En réponse à : > Hommage à Alassane Kogda Ouédraogo

      Il est quand meme deplorable que depuis pratiquement 2 semaines qu’est affiché le lien dédié au deces d’Alassane Kogda, qu’il y ait seulement 2 messages de condoléeances ! Ou sont donc les internautes ? Juste prêt à se précipiter pour laisser des messages de compasions suite au déces du chanteur ivoirien Saga, et meme pas capables d’en faire de même pour le grand frere Kogda. Honte à vous !!!!

  • Le 10 novembre 2006 à 08:36 En réponse à : > Hommage à Alassane Kogda Ouédraogo

    C’est avec un immense regret que j’ai appris le décès de M. Alassane K. Ouédraogo.

    J’appréciais particulièrement sa plume, fine et acerbe, qui dessinait regulièrement et à grands traits les grosses lacunes de notre Temps.

    De mon point de vue, les jeunes apprenants en journalisme trouveront dans ses écrits des modèles achevés de billets.

    Pour l’avoir rencontré, discuté avec lui, je garde enfin l’image d’un homme extrêmement modeste, quoi que habité par un immense talent.

    La douleur de sa famille et de ses collaboateurs est mienne. Puisse le Très-Haut l’accueillir auprès de Lui et protéger ici-bas ceux qui lui sont proches.

    M. Ouédraogo, je vous salue bien bas.

    Crépin Hilaire, à Bobo-Dioulasso. 7 Novembre 2006

  • Le 5 décembre 2006 à 08:50, par Malaika En réponse à : > Hommage à Alassane Kogda Ouédraogo

    J’aimais bien la chronique du fou qui n’etait pas si folle que ca (la chronique).
    Je suis desolee d’apprendre par cette mort qu’il en etait l’auteur.
    Je presente mes condoleances a sa famille ainsi qu’a la redaction du pays.
    Sa chronique nous manquera.

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