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Me Hermann Yaméogo :"Blaise n’est pas un chef d’Etat banal"

Publié le jeudi 9 novembre 2006 à 17h30min

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Hermann Yaméogo

Incontestablement, Me Hermann Yaméogo, le président de l’UNDD, est l’un des animateurs de la scène politique nationale à ne pas refuser à la presse, en règle générale, ce que celle-ci obtient difficillement auprès de certains : la lecture de l’actualité tant nationale qu’internationale.

C’est ainsi que le samedi 04 novembre 2006, celui qu’on n’a pas entendu depuis quelque temps nous a ouvert son salon où, durant plusieurs heures, il a donné sa lecture des faits saillants du moment : 46e anniversaire de notre armée, passage chez nous de Robert Ménard, SIAO et surtout... Résolution 1721 des Nations unies sur la Côte d’Ivoire entre autres.

Que pensez-vous de la célébration du 46e anniversaire de notre armée, le 1er novembre 2006 ?

• Le 1er novembre est une date de rupture historique parce qu’elle marque la volonté de notre pays d’avoir la pleine maîtrise de ses potentialités politiques, économiques, militaires... Mais cette date célèbre particulièrement notre décision de ne pas garder dans le pays de bases militaires françaises après l’indépendance.

Elle est aussi la conséquence logique du refus, à l’époque, du premier président du pays, de signer (à l’exemple du Niger, du Dahomey, de la Côte d’Ivoire..) des accords de coopération préférentiels et souvent monopolistiques avec la France. Le 1er novembre, à mon sens, devrait donc magnifier ce sentiment d’indépendance, de dignité et incidemment évoquer celui qui en a porté haut le symbole.

Vous estimez donc qu’on ne fait pas la place qu’il faut à feu le président Maurice Yaméogo dans la célébration du 1er novembre ?

• C’est le moins qu’on puisse dire. Je rends cependant grâce aux officiels qui, à chaque fois qu’ils célèbrent le 5 août ou l’anniversaire de la radio télévision nationale, n’omettent pas de parler du président Maurice Yaméogo.

C’est une marque de fidélité à l’histoire et c’est bien qu’il en soit ainsi. Ça devrait être la même chose pour le 1er-Novembre car s’il ne s’était pas trouvé un certain Maurice Yaméogo pour refuser de signer certains accords, on n’aurait pas aujourd’hui un 1er- Novembre empreint d’autant de symboles patriotiques et nationalistes.

Pour en revenir à cette célébration, je regrette donc qu’on ait eu tendance, petit à petit, à laisser tomber en désuétude cette journée ; car sa valeur mobilisatrice, fondatrice, aurait pu être mise à profit pour conforter la nationalisation du pouvoir et l’émergence d’une bonne éthique de travail.

Maintenant, qu’on veuille réhabiliter le 1er-Novembre, tant mieux, mais qu’on le fasse en évitant d’en dénaturer l’esprit en favorisant des réflexes militaristes de la part de jeunes ou en cherchant à récupérer, à des fins politiques, les paysans, les jeunes, les travailleurs... par le biais de leurs structures organisées.

Le Burkina Faso a plus besoin de moyens pour lutter contre la pauvreté, l’insécurité, le Sida.. , que pour se doter en orgues de Staline, en batteries aériennes, en Mi 24 et autres matériels lourds de destruction. Et s’il est vrai que nous sommes dans une démocratie bâtie sur le contrôle des politiques du gouvernement et de l’utilisation des ressources nationales, le financement hors budget de ces acquisitions, pour des montants qui pourraient avoisiner voire dépasser le budget national, doit être vigoureusement dénoncé, ce d’autant qu’en montrant ainsi des muscles alors que c’est nous qui passons pour des déstabilisateurs patentés, ce n’est pas fait pour rassurer !

A vous écouter, on ne devrait même pas équiper notre armée. Mais à quoi servirait une armée sans équipement ?

• L’équipement d’une armée, de mon point de vue, doit se faire en rapport avec les moyens et les priorités du pays. Il ne devrait jamais tendre à des provocations inutiles non plus qu’au déclenchement (dans un contexte aussi délétère et marqué par des suspicions légitimes à notre endroit) d’une course régionale aux armements.

Maintenant, si j’avais voix au chapitre, je mettrais d’abord l’accent sur le relèvement des conditions de vie des militaires, sur le paiement de tout ce que l’Etat leur doit au titre de missions officielles ou occultes à l’extérieur. Je travaillerais à ce qu’elle soit une armée beaucoup plus au service du développement, de la démocratie, de l’intégration, de la lutte contre les grandes endémies.

On assiste à la création de mouvements panafricanistes dont certains affichent leur soutien à Laurent Gbagbo. Cela doit vous satisfaire. N’y êtes-vous pas au fond pour quelque chose ?

• C’est vrai que depuis quelque temps, on assiste à la création de tels mouvements. Je serais vraiment hypocrite de vous dire que je ne m’en réjouis pas et que je ne les encourage pas. J’ai si souvent, sur ce registre, crié comme un loup dans le désert que ça fait chaud au cœur, ce renfort pour combattre la tendance à coller l’anathème d’apatridie à tous ceux qui dénoncent l’agression de la Côte d’Ivoire et se reconnaissent dans le combat patriotique et exemplaire que mène Laurent Gbagbo pour l’indépendance de son pays et du continent.

Cependant, on me prête trop d’initiatives dont je ne suis pas toujours le maître d’œuvre. Concernant par exemple la Confédération panafricaine de la jeunesse, j’entends, je lis, tout ce qui s’écrit, se dit et je décrypte tout ce qui se dit à demi-mot. Mais je n’ai, au moins ici, aucunement influencé ces jeunes. Je n’ai été ni de près ni de loin mêlé à la création de leur mouvement. Cependant, c’est mon droit le plus absolu de les appuyer pour leur courage qui donne un sens à mon propre combat. Voilà pourquoi, même si ces jeunes pourraient en prendre ombrage, j’assume comme un hommage l’accusation qu’on porte contre moi d’être à l’origine de leur création.

Comment entrevoyez-vous les élections législatives de 2007 au Burkina Faso ?

• Avec appréhension, et pour tout dire avec beaucoup de désolation. Je constate que nos dirigeants sont engagés à fond dans une entreprise de détricotage démocratique, contrairement aux attentes et au sentiment du peuple burkinabè qui, de manière renouvelée, a montré depuis l’époque coloniale, au moment de l’heureuse loi Gaston Deferre, ses préférences pour le pluralisme, pour la démocratie.

Nous assistons aujourd’hui à un verrouillage politique, économique sans pareil du pays qui nous ramène en fait dans un Etat d’exception avec cette différence que nous inclinons vers la fondation d’une monarchie républicaine. Nous subissons, comme jamais nous ne l’avons vu par le passé, une monopolisation des organes de l’Etat, des contre-pouvoirs de la société civile, des organisations coutumières et religieuses, des institutions électorales, de bon nombre de médias et même de partis d’opposition, qui entrave le processus démocratique.

La « perfection » de ce bouclage institutionnel réside dans le fait que le système s’est édifié (comme une entreprise industrielle reposant sur une chaîne de production intégrale) en protégeant son monopole sur la vie nationale par des protections médiatiques et diplomatiques. La conséquence aujourd’hui, c’est que tous ceux qui avaient investi leur activité politique dans le champ de la compétition pacifique pour la conquête du pouvoir, sont déçus et ont tendance à ne plus voir d’avenir dans la démocratie.

On avait cru que la démocratie décentralisée pourrait reprendre à la base le travail pour mieux inculturer les valeurs démocratiques et mieux partager le développement. C’est fort compromis parce que, là aussi, la corruption, la fraude, la violence, l’impréparation, le manque de respect des vrais critères qui fondent la décentralisation, ont essaimé des vers dans le fruit. Les blocages, les difficultés multiples que connaissent déjà les conseils municipaux sitôt élus (dans les conditions qu’on sait !) en sont les alertes visibles.

Est-ce à dire que vous en êtes à espérer un changement de type non républicain ?

• C’est vrai qu’il y a bien de facteurs qui tuent l’espérance démocratique : le refus de l’alternance, les violations de la Constitution, la corruption, la privatisation de la justice, la légitimation des rébellions au plan international. Regardez comme ils sont reçus, « starisés » ces rebelles de Côte d’Ivoire, du Congo

•Cela ne ravale-t-il pas les hommes politiques traditionnels au rang de chiffes molles, de leaders incapables de faire rêver la jeunesse ?

Mais pour autant, ne me faites surtout pas dire ce que je n’ai pas dit : je ne souhaite pas de changement, comme vous dites, hors normes républicaines, connaissant les incertitudes liées à de telles ruptures institutionnelles, même si quand je me rase le matin (1), à l’insu de mon plein gré, la pensée me traverse parfois l’esprit. Qu’y puis-je ? Nulle personne, de surcroît dépitée, ne contrôle ses pensées !

Mais si vous semblez désespérer de la démocratie, n’est-ce pas d’abord et surtout la faute à vous, les opposants ?

• C’est l’idée qu’on s’efforce de faire partager aux partenaires techniques et financiers, à l’opinion nationale et internationale, notamment par ces médias militants interposés. Mais dans cette affaire, tout le monde est responsable.A commencer d’abord par le pouvoir auquel incombe en priorité la responsabilité première de construire la démocratie, d’engager le pays dans la voie d’une gouvernance durable au sens politique et économique du terme.

Si le pouvoir avait accepté les règles du jeu établies par la Constitution et les lois de la République, s’il avait répondu aux multiples demandes de l’opposition, la démocratie aurait pris un autre cours. Les 3/4 de la responsabilité, pour moi, reviennent donc au pouvoir en place qui a construit une démocratie conflictuelle dont seul Dieu sait où elle nous mènera !

Le reste de la responsabilité est à partager entre les opposants, les PTF, les coutumiers, les religieux, les médias, les syndicats, les intellectuels.. qui, tous autant qu’ils sont, ont laissé faire ou n’ont pas assez lutté pour empêcher que nous nous retrouvions au point où nous sommes rendus aujourd’hui. Mais il est une chose qui pointe comme une lueur : c’est la prise de conscience de plus en plus démonstrative de certains partenaires techniques et financiers sur l’absence de justice, la mauvaise gouvernance constitutive de cette démocratie cagoulée qui a si longtemps fait illusion.

Vous restez toujours convaincu que les médias sont à la base de la construction d’une démocratie d’opinion, qui nuit à la démocratie ?

• Tout à fait. Le 4e pouvoir, contrairement aux autres pouvoirs, s’est développé sans contrepoids. Il a doucement, pour son propre compte ou pour ceux des puissances politiques ou d’argent, rompu avec l’obligation de gestion équilibrée des opinions, aspirant même par le formatage de l’opinion, à se substituer à l’électeur, à subtiliser au peuple son monopole de légitimation. N’étant pas arrêté par un contre-pouvoir, il a naturellement été sollicité par cette démesure, par cet enrôlement partisan.

A cet égard, l’engagement ouvert ou souterrain de nombre de médias nationaux vis-à-vis du pouvoir et vis-à-vis particulièrement des thèses qu’il défend dans la crise ivoirienne, est un signe caractéristique. Cette situation concourt à standardiser l’opinion, à développer la pensée unique, ce qui sape les bases de la démocratie concurrentielle, surtout que le principe du dialogue démocratique n’est pas appliqué au Burkina Faso par les organes de l’Etat.

Par ailleurs, a-t-on souvent vu la presse interpeller les partis d’opposition pour recueillir leurs points de vue ? L’a-t-elle fait, par exemple, pour l’affaire dite des 50 millions, l’affaire Issaka Korgo, l’insécurité galopante, l’achat des armes sans passer par l’Assemblée, les OGM ou encore le passage de Guillaume Soro à la TNB comme sur la Résolution 1721 ou sur l’emprisonnement des infirmières bulgares en Libye... ? A ma connaissance, non !

Mais là où les ravages se font le plus sentir, c’est au niveau des médias d’Etat et particulièrement au niveau de la TNB. Elle s’est muée en un organe de propagande et de faire-valoir du régime et il ne s’en trouve même pas parmi nos chers amis à l’extérieur, si amoureux des droits de l’homme et de la liberté des médias, pour s’en émouvoir et dire « ça suffit ! ». C’est désespérant. Tout est fait pour ne laisser aux Burkinabè que deux possibilités : courber l’échine ou se révolter.

Visiblement, vous en avez gros sur le cœur contre certains médias partisans ou militant comme vous dites. Selon vous, San Finna est-il oui ou non un organe partisan et militant ?

A ce que je sache, San Finna, que vous citez en particulier, ne fait pas au moins mystère de son option de jouer un rôle de contre-pouvoir au rang de l’opposition. Ce qui, soit dit en passant, n’est pas unique en son genre au Burkina Faso, en Afrique et dans le monde. Les presses d’opinion, il en existe chez nous comme dans le monde entier, et cela est tout à fait conforme au pluralisme qui doit également dominer dans le monde médiatique. Je regrette seulement que beaucoup, contrairement à cet hebdomadaire et à d’autres qui jouent leur rôle dans les rangs de la mouvance présidentielle à visage découvert, n’aient pas le courage et l’honnêteté vis-à-vis du lectorat, d’assumer leurs prises de position.

Le passage de Robert Ménard à Ouaga a fait du bruit et continue d’en faire... En tant qu’avocat, que pensez-vous des charges nouvelles qu’il dit avoir apportées pour la réouverture du dossier Norbert ?

• Je pense simplement que le Parquet n’aurait pas dû réagir au débotté, du « tac au tac » comme on dit. Il aurait dû se donner le temps d’étudier ces éléments nouveaux. Il aurait même dû prendre sur lui, comme il en a le droit, d’investiguer plus en avant pour voir s’il y a des possibilités de réunir, au vu notamment des déclarations contradictoires, des éléments pour rouvrir ce dossier que, dans son immense majorité, le peuple veut voir réglé.

Je le pense d’autant plus que la jurisprudence admet, comme possibilité de réouverture d’un dossier de non-lieu, la constatation de contradictions relevées dans les témoignages, et nous sommes en plein dans ce cas de figure.

Sinon, pour moi, Robert Ménard fait bien son travail de défenseur de la profession de journaliste et des journalistes, et il serait bien condamnable de s’aligner derrière ceux qui n’ont de travail que de sceller la dalle sur ce dossier Norbert Zongo.

C’est contre justement ces gens de la profession, il ne faut pas l’oublier, que l’illustre sacrifié avait dit, au temps où il se battait seul contre les dérives du pouvoir, que « Le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens bien ».

Pour les raisons qu’on sait, vous n’avez pas participé à l’élection présidentielle du 13 novembre 2005. Avec le recul, vous ne regrettez pas un peu ?

•Pas du tout ! Mais en cette matière, chacun est libre. Je ne conteste pas le droit, pour tous ceux qui y sont allés, d’y être allés. Même ceux qui, après avoir contesté le droit à Blaise Compaoré de se présenter et qui, voyant qu’il se présentait, ont maintenu leurs candidatures et n’ont pas rejeté les résultats de l’élection ont droit au respect de leur choix !

Mais je voudrais qu’on respecte aussi le mien et celui exprimé officiellement par mon parti. Peut-être, de mon vivant, on n’en verra pas l’importance, quoi que les esprits s’y éveillent déjà, mais ce cas intéressera les étudiants, les professionnels du droit et, pour l’Histoire, j’en suis persuadé, cette position vaudra son pesant d’or !

Me, même si vous ne voulez pas en parler, ne souffririez-vous pas, par hasard, de la dégradation de vos relations avec certains de vos frères et sœurs à cause de la politique ?

• Le plus important, ce n’est pas ce que moi je peux ressentir, c’est ce que la famille lato sensu, nos pères et mères, outre-tombe, peuvent ressentir. Mais comme vous dites, je ne veux pas en parler parce que je suis de ceux qui estiment que, vis-à-vis de la politique, la famille a aussi ses droits.

Une autre question, monsieur le président : quel est le problème entre Blaise Compaoré et vous ?

• Je vous étonnerais comme j’étonnerais peut-être beaucoup de Burkinabè, mais pour avoir côtoyé Blaise Compaoré, observé, étudié l’homme, je peux vous dire avec ma petite expérience qu’il n’est pas un banal chef d’Etat. Malheureusement, à mon sens, il a plutôt manqué de confiance en pensant que, pour assurer sa sécurité et protéger son pouvoir, il devait choisir une voie non démocratique de gestion du Burkina Faso. Cela a expliqué les nombreuses dérives, mais je veux toujours espérer qu’il saura jusqu’où ne pas aller, jusqu’où ne pas se laisser piéger par le cercle infernal, quand tout se redessine au plan national et international, faisant maintenant peser des hypothèques sur la voie qu’il a choisie.

Où en sont les rapports de l’UNDD, depuis le renouvellement de la CENI, avec tous ces regroupements : COB, Alternance 2005, Groupe d’initiative ?

• Nous restons toujours persuadés, au parti, des nécessités qui ont conduit à la création de tous ces groupes. Je suis convaincu qu’à terme, nous finirons, avec les partis de l’opposition déterminés, par harmoniser nos actions sur la nécessaire décantation de l’ opposition, sur la refonte indispensable des instruments électoraux comme la CENI et sur la pause urgente pour revoir de fond en comble nos institutions et le fonctionnement de la vie politique.

Ce faisant, nous nous attellerons, dans une meilleure synergie au travail, au relèvement de la démocratie. En attendant, à l’UNDD, nous faisons le boulot dans la voie que nous avons choisie envers et contre tout : celle de l’opposition véritable.

Et le congrès du parti ?

• Nous le préparons activement, mettant tout un chacun en face des exigences qu’il faudra supporter en militant à l’UNDD et en faisant partie de ses organes dirigeants : nous sommes un parti d’opposition qui assume pleinement les conséquences de ce positionnement.

Tous ceux qui font le choix d’adhérer à ce parti, et qui acceptent de faire partie de ses organes dirigeants, tous ceux qui vont postuler à des mandats au titre du parti, doivent assumer pleinement les prises de position de l’UNDD, qu’il s’agisse des institutions d’une manière générale, de la vie politique nationale et internationale. Mais nous ne manquerons pas, en temps opportun, de vous en dire plus sur le congrès à venir.

Le débat sur la culture du coton B.T. fait rage depuis quelque temps. Rappelez-nous la position de l’UNDD sur le sujet.

• Nous ne faisons pas un blocage total par rapport aux biotechnologies. S’il n’y avait pas d’applications technologiques des découvertes scientifiques, le monde serait toujours à l’âge de la pierre taillée. Les techno-sciences font progresser l’humanité et aident à éradiquer certains maux comme la pauvreté, les maladies..., mais les biotechnologies sont comme la langue d’Esope, capables du meilleur comme du pire.

On l’a vu en ce qui concerne les manipulations génétiques sur l’homme de même que sur les animaux. Les scientifiques sont même depuis longtemps arrivés au constat qu’il fallait entourer ces manipulations d’un code d’éthique très rigoureux parce qu’elles pouvaient conduire à des dérives menaçant le règne du vivant.

Les mêmes craintes et les mêmes appels à la prudence existent au sujet des manipulations génétiques sur le végétal. C’est pour cela que la communauté scientifique reste, à l’heure qu’il est, toujours très divisée (au plan international comme national) par rapport à ce type de manipulations.

Les craintes ont été suffisamment expliquées à ce sujet pour qu’on s’y appesantisse. Il aurait fallu obtenir un consensus au niveau de la communauté scientifique et de la communauté nationale. C’est comme ça qu’on procède habituellement en démocratie pour des questions ultra sensibles qui touchent aux intérêts vitaux du peuple.

C’est à peine si vous ne demandez pas l’organisation d’un référendum sur la question. Est-ce à dire que nos gouvernants ne savent pas où se trouvent les intérêts que chacun prétend défendre ?

Je réaffirme qu’il est des questions pour lesquelles il vaut mieux, surtout lorsqu’elles sont vitales pour la nation, travailler à obtenir un consensus pour leur mise en œuvre. C’est le cas des OGM pour lesquels la division de la communauté scientifique mondiale suggère que l’on recoure à des moratoires et même à des référendum tant ce qui est en jeu ici, ce sont les intérêts des peuples et même de l’humanité.

C’est pourquoi je pense qu’au Burkina Faso, il faut être très prudent dans leur expérimentation et plus encore dans leur généralisation. Il n’y a pas de gouvernants omniscients. C’est pour cela du reste que les principes participatifs deviennent de plus en plus la règle de bien de ces gouvernants et que des techniques comme le référendum ont été instituées. Pourquoi, au Faso, ne pourrait-on pas, par ces techniques, recueillir le point de vue des populations si le souci est vraiment la défense de leurs intérêts ? En tout cas, l’article 49 de notre Constitution est là qui l’autorise.

Le 10e SIAO vient de clore ses portes. Quelle est votre appréciation sur cette manifestation ?

• Comme beaucoup de Burkinabè et d’aficionados, je m’en réjouis et je considère qu’à l’exemple du FESPACO, du Tour du Faso, nous avons là des manifestations de portée internationale qui font l’honneur du Burkina Faso et qui promeuvent le pays comme un centre de rayonnement culturel, sportif voire même commercial. Je souhaite que les petites imperfections qui persistent se corrigent rapidement pour que le SIAO creuse davantage son sillon.

Parlons maintenant politique internationale : que pensez-vous de la Résolution 1721 des Nations Unies sur la Côte d’Ivoire ?

• Les opinions sont partagées par rapport à cette résolution comme, d’une manière générale, par rapport aux déterminants de la crise ivoirienne et aux moyens de la résoudre.

Au Burkina Faso, si la position officielle, qui colle à celle de la France, est certes partagée par une partie de l’opinion burkinabè, elle est loin de faire consensus. Je suis en effet de ceux, de plus en plus nombreux, qui ont dessus un regard tout à fait différent.

J’estime que l’intention de la résolution première était de mettre la Constitution hors jeu de même que le président ivoirien. Le monde entier a suivi l’opposition manifestée par les poids lourds du Conseil de Sécurité (USA, Chine, Russie) et par la Tanzanie.

En un mot comme en cent, ils ont rejeté cette volonté de subordonner la Constitution ivoirienne à la décision de toute organisation internationale, même universelle comme les Nations unies et, partant, de créer unilatéralement, à la faveur de la crise ivoirienne, un droit supranational que, depuis leur création, les Nations unies n’ont pas réussi à obtenir. C’est ça qu’il faut retenir et qui donne raison à ceux qui soutiennent que ces pays ont fait échec à une mise sous tutelle de la Côte d’Ivoire.

Maintenant, que dans le corps de la résolution, il y ait des ambiguïtés, des « déchets », ils ne sauraient prévaloir sur le principal. Actuellement, ceux qui estiment que la résolution a donné des pleins pouvoirs au Premier ministre et même vis-à-vis de l’armée, se trompent totalement du point de vue du droit.

En effet, un recours en interprétation de la Résolution marquée par une rigueur juridique (et qui se baserait sur le climat des travaux préparatoires comme sur les raisons de l’omission, dans le texte, des prétentions originelles de la France), ferait ressortir que l’accessoire -en l’occurrence les ambiguïtés- ne saurait tenir en l’état, le principal en la circonstance le primat de la constitution ivoirienne. C’est ça l’essentiel, tout le reste n’est que bavardage !

Pour terminer, s’il faut s’en prendre à une instance dans les jours qui viennent à cause de palabres au sujet de l’application de la résolution, c’est bien au seul Conseil de Sécurité saisi en ultime recours, qui a préservé l’essentiel sans pour autant en tirer pleinement toutes les conséquences.

Pensez-vous que cette résolution pourrait amener la Côte d’Ivoire à une paix définitive ?

• En fonction de ce que je viens de vous dire, je suis inquiet. Je me pose des questions. Comment, après avoir défendu bec et ongles la souveraineté de la Côte d’Ivoire, après avoir affirmé le principe de la primauté des constitutions sur les décisions onusiennes, finir par miner la résolution de contradictions ?

Comment, après avoir confirmé Laurent Gbagbo aux commandes, l’affliger d’un Premier ministre hyper omnipotent et d’un médiateur imposé en la personne de Gérard Stoudman, « seule autorité habilitée à rendre les arbitrages nécessaires pour résoudre d’éventuels contentieux » ?

Serait-ce le fruit d’un calcul savant qui préserve la Constitution tout en incitant le président à l’utiliser pour donner satisfaction, à travers le Premier ministre, à ses opposants ? Ce serait là une décision à la Salomon , faisant appel aux capacités de sublimation de ces deux hommes.

Mais il faut craindre aussi, que de guerre lasse et se ralliant à une certaine opinion, la communauté internationale ait finalement décidé de laisser les protagonistes en découdre. Je ne voudrais pas pour ma part donner foi à cette analyse ni penser que des « mines » anti-Gbagbo auraient été posées à dessein, par esprit de vengeance ou pour provoquer une confrontation qui ferait certes le bonheur des marchands d’armes mais en retour le malheur de toute la sous-région.

Mais comme il vaut mieux prévenir que guérir, au cas où, je voudrais dès à présent et parce que ça ne coûte rien, en appeler préventivement - au moment où ici et là on semble s’armer à mort- aux religieux, aux coutumiers, aux intellectuels, aux patriotes, aux médias, aux démocrates burkinabè, civils comme militaires, aux ONG et PTF, pour qu’ils commencent à en appeler d’une même voix à la raison, à la nécessité de privilégier le règlement pacifique du conflit au règlement par la confrontation.

Nous avons, à notre niveau, ne l’oublions pas, déjà fait l’expérience de deux guerres des pauvres : ça nous a menés nulle part. Nous sommes toujours pauvres ; une troisième guerre ne nous servirait pas davantage sinon évidemment qu’à occulter provisoirement, pour les besoins de la cause, des problèmes nationaux visibles en obligeant à un devoir de patriotisme factice !

On dit que vous êtes anti-Français...

• C’est une accusation tout à fait injuste, et si elle a pu être formulée, rappelez-vous, c’est seulement à l’occasion de la crise qui frappe notre voisin ivoirien. En fonction des convictions que j’ai pu me faire dès l’origine de la crise à travers des confidences, des échanges, des relations et enquêtes médiatiques comme au vu de mes propres constatations, il m’est apparu (comme à bien d’autres) que le pouvoir français ne pouvait pas être étranger à ce qui se passe en terre éburnéenne.

Lorsque les événements se sont produits, je m’en suis même ouvert à quelques relations nationales et internationales pour suggérer, puisque le mal était déjà fait, un repliement total des assaillants et que, surtout, on n’aille pas jusqu’à une sécession de fait.

Un peu naïvement, je pensais qu’un transport de la médiation à l’extérieur du continent, afin d’engager des discussions sur les raisons économiques, sociales et démographiques de la crise, pouvait déboucher à son règlement pacifique en satisfaisant en priorité les vraies victimes que sont les populations immigrées.

J’ai multiplié interviews, colloques à cet effet. Aujourd’hui, j’en suis revenu, et je crois que c’est Mamadou Koulibaly qui, dans son analyse des causes de cette guerre imposée à la Côte d’Ivoire, était et reste dans le vrai. Ce n’est pas être anti-français que de le reconnaître surtout lorsque, à la faveur du temps, les évidences s’imposent de plus en plus malgré les montages forcenés d’alibis médiatiques et diplomatiques permanents.

Vis-à-vis de la France , cependant, je me reconnais comme une filiation intellectuelle, sentimentale, charnelle ainsi que j’aime à le dire. Et aujourd’hui, il me peine, comme il peine à beaucoup de membres de ma famille qui sont Français, de voir les dirigeants de ce grand pays persister à s’envaser dans ce conflit, au point de donner une image peu amène de la France et de favoriser justement aux yeux de ceux qui ne savent pas faire la différence entre le peuple de France et ses gouvernants, un sentiment anti-français.

Pour préserver l’essentiel, à mon sens, on devrait aider les dirigeants français à conclure une sorte de paix des braves, à se retirer de ce bourbier ivoirien, comme le demande l’homme de Droite, l’ancien Gouverneur de la Colonie de Côte d’Ivoire et ancien Premier ministre Pierre Messmer. Ils en sortiraient grandis surtout si, dans la foulée, ils enclenchaient une dynamique de relecture de la politique africaine de la France.

Pour la présidentielle de 2007 en France, pour qui votre cœur bat-il ?

• Pour dire vrai, je n’ai pas de préférence affichée, bien que Ségolène Royal, parce qu’elle est femme et parce qu’elle a bien des idées dans lesquelles je me reconnais, me solliciterait et que de l’autre côté, Nicolas Sarkozy, avec sa politique de rupture annoncée par rapport à la Françafrique, au charcutage des constitutions..., bref par rapport à la politique africaine de la France, me séduirait tout autant. Si jusqu’ici mon cœur balance, je sais que la décision au final ira vers le candidat ou la candidate qui, sur ce point précis de la politique africaine de la France, sera le plus tranchant (ou la plus tranchante) et apportera des gages qu’une fois élu les promesses seront tenues.

O. Sidpawalemdé
L’Observateur

Note : (1) : Allussion à Nicolas Sarkozy qui avoue penser à l’Elysée quand il se rase le matin.

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