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Salif Diallo : "Je ne boxe pas en-dessous de la ceinture en politique"

Publié le lundi 6 novembre 2006 à 13h19min

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Un entretien avec Salif Diallo, ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, cela peut durer des heures, tant les sujets à aborder sont abondants. L’homme, en tant que l’un des fidèles de Blaise Compaoré, est très sollicité, respecté, craint ou descendu en flammes, c’est selon. Il est donc forcément intéressant.

Lorsque nous l’avons sollicité pour un entretien afin qu’il nous parle des ambitions de président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) parti au pouvoir ou de Premier ministre, qui lui sont prêtées, il a d’abord opposé un refus catégorique, parce que selon lui, ce ne sont que des "élucubrations d’individus très mal au fait de la chose politique" et qui ne connaissent pas bien sa personne. Par contre Salif Diallo, en tant que coordonnateur général du comité d’organisation du IIIe congrès ordinaire du CDP a accepté de se prononcer sur les enjeux de cette rencontre. Finalement le tabou a été levé sur les autres sujets et au fil de la discussion, notre interlocuteur a évoqué avec nous, le mardi 31 octobre 2006, dans une des salles de son cabinet, la lutte des clans au sein du parti au pouvoir, l’association des ABC (Amis de Blaise Compaoré), la saison agricole, la question épineuse du coton OGM et la vie tumultueuse du CDP.

"Le Pays" : Le 3e congrès ordinaire du CDP, c’est pour bientôt. Où en êtes-vous avec les préparatifs ?

Salif Diallo : Le CDP tient effectivement les 9, 10 et 11 novembre prochains son 3e congrès ordinaire dans l’optique de situer nos nombreux militants quant à la vie actuelle du parti et son avenir immédiat. Cette grande rencontre se prépare dans de bonnes conditions et dans la sérénité.

Y a-t-il péril en la demeure pour que le thème de ce congrès soit : "consolider l’unité et la cohésion du parti pour renforcer ses capacités à relever les défis à venir" ?

Non. Il n’y a pas de malaise au CDP. Il y a seulement que beaucoup d’adversaires du CDP rêvent d’implosion à notre niveau. Ce qui est loin d’être le cas. Il n’y a ni implosion, ni lutte de clans, de personnes ou de positionnement, comme le dépeignent certains qui sont des animateurs indécrottables de la rumeur. En réalité, le parti est devenu grand, avec à l’intérieur, beaucoup d’approches qui diffèrent les unes des autres quant au solutionnement des difficultés que le peuple vit. Le CDP est un parti multidimensionnel, tant du point de vue des hommes que celui des propositions programmatiques, même si aujourd’hui nous avons pour étoile du berger, un statut, un programme et un règlement intérieur. A travers ce congrès qui s’annonce, nous voulons simplement renforcer l’unité du parti pour préparer les futures victoires. Quelque part, nous avons de la chance, car au-delà de nos statuts et règlement intérieur, il y a le président Blaise Compaoré qui est le véritable fédérateur de ce parti. C’est grâce au président du Faso qu’il y a cette unité qui rassemble différents courants dans notre parti. Il y a une plate-forme minimale autour de laquelle nous nous retrouvons et à partir de laquelle nous agissons dans un cadre strictement démocratique et pour engranger des victoires.

Au niveau du CDP, êtes-vous satisfait des résultats auxquels vous êtes parvenus après les dernières municipales ?

C’est bien d’évoquer cette question, parce que avant les municipales, vous autres journalistes ne vendiez pas cher notre peau. Des hommes de presse et certains ont avancé que ce sera le "borry bana" (la fin, ndlr) du CDP. On disait et lisait partout que le CDP serait battu et même écrasé en certains endroits et que c’est la débandade.

Ceux qui parlaient ainsi n’avaient sans doute pas tort avec les malaises évidents qui ébranlaient et ébranlent toujours le CDP !

Les hommes de presse doivent aller plus loin que les rumeurs sur des bisbilles qu’il y aurait au CDP. Ils doivent se rendre sur le terrain pour constater la disposition des forces en présence. A ce niveau, nos militants ont relevé avec brio ce défi puisque sur environ 18 000 conseillers à élire, le CDP se retrouve avec plus de 13 000. C’est dire qu’environ 71% des élus municipaux viennent aujourd’hui de notre parti. C’est en même temps un autre défi qui est celui de faire de la décentralisation un succès, en lui conférant un contenu. La décentralisation ne se limite pas à la représentation. Ce n’est pas qu’être maire ou conseiller. C’est en plus de tout ça, le développement à la base. C’est faire en sorte que les femmes et les hommes du Burkina, dans nos villages et dans nos départements, puissent mieux vivre demain. Notre parti doit orienter et guider véritablement nos militants qui sont conseillers municipaux et maires, afin qu’ils soient aux côtés de nos populations pour des victoires éclatantes et des avancées dans le développement.

Le Burkina est à l’heure de la communalisation intégrale. Est-ce que les conseillers municipaux CDP sont prêts à suivre cette nouvelle dynamique ?

Oui. Nous avons tenu une convention nationale avec tous nos conseillers municipaux représentés à Ouagadougou et venant d’autres provinces. A l’occasion, nous avions établi un programme de travail. L’axe principal de travail est de faire en sorte que le programme pour lequel le président Blaise Compaoré a été élu soit appliqué dans toute sa rigueur. C’est donc faire en sorte que dans le plus petit hameau du Burkina jusqu’à la plus grande ville, nous puissions faire avancer le développement, de sorte que les progrès soient visibles. Même si toutes les questions ne sont pas solutionnées en même temps, il faut que le peuple sente le changement. Et c’est ça la première tâche de nos militants conseillers ou maires dans nos villes.

Il y a de plus en plus de blocages de certains conseils municipaux et l’exemple patent a été celui de Pô avec la dissolution de ce conseil municipal. Et la plupart du temps ces blocages ont été attribués aux conseillers municipaux CDP mécontents parce que n’ayant pas eu le "Tuk Guili" habituel.

Non. Chaque fois que dans une localité il y a des difficultés, on a vite fait de trouver un bouc émissaire, le CDP. C’est vrai, nous sommes le parti majoritaire mais ce n’est pas dans toutes les situations qu’il faut forcément voir la main du CDP. Prenons l’exemple que vous venez de citer, le cas de Pô. Dans cette commune, nous avons eu 35 conseillers, le PAI en a eu 13 et par des manoeuvres, finalement, c’est le camp qui a eu 13 conseillers qui prend la mairie. Donc c’est un putsch qui a été opéré contre notre parti à Pô. Disons les choses tel que cela s’est passé. C’est pourquoi nos militants, dans un sursaut d’orgueil, ont essayé de trouver une solution. Aujourd’hui à Dori également nous avons 96 conseillers mais nous avons perdu la mairie. Donc, c’est nous qui sommes victimes de certaines attitudes.

Mais faut-il vraiment parler de putsch quand la loi ne dit pas que c’est le parti qui a le plus de conseillers qui a systématiquement la mairie ?

Moi je parle en terme partisan. Aujourd’hui, c’est un scrutin proportionnel guidé par les partis politiques. Ce n’est pas un scrutin uninominal qui a présidé à ces élections. Ce sont des partis qui ont compéti. Donc ce faisant, la logique démocratique aurait voulu que le parti qui a obtenu plus de conseillers obtienne le fauteuil de maire .

Aujourd’hui, quelles sont les relations que le CDP entretient avec les autres partis de la mouvance présidentielle ?

Soyons clairs. Vous avez bien dit mouvance présidentielle. Nous avons créé autour du programme du président et autour de sa personne l’AMP, l’Alliance pour la mouvance présidentielle. Donc c’est une alliance circonstancielle dans le cadre du programme du président. Passée cette étape-là, pour les législatives, les municipales et pour bien d’autres élections, c’est la compétition même si à cet égard, on doit observer quand même une sorte de respect, de courtoisie politique entre nous. Les plates-formes en ce moment diffèrent. Et nous, au CDP, ne sommes pas dupes. Donc en ce moment, nous nous battons avec nos moyens.

Apparemment c’est une lutte sans merci avec le débauchage de certaines têtes fortes des autres partis ?

Nous on ne débauche personne. Si des militants citoyens de ce pays qui appartiennent à d’autres partis estiment qu’ils n’ont plus de raisons de rester dans telle ou telle structure, ils peuvent venir au CDP, bien que personnellement je pense que être militant d’un parti est différent d’être sympathisant ou un simple électeur qui peut changer d’opinion du jour au lendemain. La vérité, c’est que aujourd’hui, le phénomène partisan, que ce soit au CDP ou dans les autres partis, est fragilisé et il y a une sorte d’affaiblissement de l’idéal militant.

Les gens vont dans les partis pour beaucoup de raisons autres que l’idéal militant. Toutefois, il faut noter que ces voyages à travers des partis ne se passent pas seulement au Burkina ; c’est aujourd’hui un phénomène mondial. Cela est regrettable souvent, mais c’est comme ça. Le CDP ne travaille pas à débaucher les gens. Nous sommes conscients d’une chose. Nous sommes un parti au pouvoir et un parti au pouvoir agrège et rassemble beaucoup de gens pour des raisons évidentes d’intérêts. Mais ce n’est pas dit que ce rassemblement est solide du point de vue de la poursuite d’un idéal, etc. Et nous à la direction du CDP, nous y faisons attention.

Est-ce que ce n’est pas l’argent qui attire les gens au CDP ?

Non. Quand je parle d’intérêts, cela peut ne pas être l’argent seulement. Il y a plusieurs raisons. Je veux dire que quand on est un parti au pouvoir, nécessairement, et c’est connu partout, on entraîne avec soi beaucoup de personnes, pour des raisons diverses. Il faut reconnaître aussi que l’opposition est difficile à vivre.

L’opposition, c’est difficile. Mais est-ce que un jour, le CDP pourra accepter de se retrouver dans l’opposition ?

Au niveau de notre direction, nous l’accepterons. Nous sommes un parti démocratique et en tant que démocrates, nous acceptons l’idée de l’alternance. Notre parti peut se retrouver dans l’opposition. Et d’ailleurs ce n’est peut-être pas une très mauvaise chose. C’est pourquoi il faut éduquer nos militants à certaines luttes et à certaines façons de vivre la démocratie.

Parlant de défi à relever, comment le CDP compte-t-il aborder les législatives qui s’annoncent pour bientôt ?

C’est entre autres l’un des sujets qui seront traités au cours de ce congrès. Le CDP, pour ce qui est des consultations électorales, est bien organisé. Nous allons également, au cours de ce congrès évoquer les questions de stratégies pour les législatives à venir.

Au CDP, il y a une lutte des clans visible avec comme têtes de proue des personnes comme Salif Diallo, Roch Marc Christian Kaboré, François Compaoré le frère du président du Faso...

Je crois que ce sont les gens qui s’asseyent dans leurs salons et qui inventent des clans et dessinent des lignes de clivage entre nous. Au niveau de la direction, sur l’essentiel de ce que nous devons faire et de ce que nous avons à faire, nous sommes unis. Donc il n’y a pas de clivages. Je m’étonne souvent de l’ampleur que les gens veulent attribuer à tel ou tel phénomène résiduel dans notre parti. Nous pensons que nous avons une plate-forme. Nous avons le programme du président du Faso à mettre en oeuvre et nous sommes unis autour de cela. Mais les individus pris isolément ont leur façon d’aller vers l’accomplissement des tâches.

Même dans la vie courante, vous avez des gens qui sont plus alertes que d’autres, vous en avez qui sont plus agités que d’autres, et il y a ceux qui sont plus calmes que d’autres. Il ne faut pas voir autour de cela des clivages. Nous sommes quand même des grands garçons conscients que notre force réside dans notre unité. Et je crois que personne d’entre nous n’a des ambitions au-delà de ce qu’elle peut être. A ce niveau, j’ai la conviction que c’est souvent ceux du dehors qui essayent de faire passer cette vision afin de mettre le parti en difficulté.

On a l’impression que la réalité est tout le contraire de ce que vous dites, surtout certaines déclarations dans la presse, en témoigne l’affaire de Gourcy où l’on a parlé de clan Salif Diallo, d’une part, et de clan François Compaoré avec le député Tahéré Ouédraogo, d’autre part...

Ce sont encore des choses inexactes. A Gourcy, il n’y a pas de clan François Compaoré ou Salif Diallo, non. Moi, je suis responsable politique de la région du Nord. C’est ainsi que je supervise les structures du parti et leur réajustement dans le Nord. S’il y a des difficultés, c’est moi qui suis responsable devant la direction du parti. Si des gens s’organisent autrement et se réclament de x ou y, cela n’est pas opposable au parti. Je ne vois pas du tout François Compaoré aller s’investir à Gourcy. Pourquoi faire ? Il n’a aucune raison de le faire. Je pense qu’on lui attribue des choses qui ne sont pas les siennes.

Parlant de cette affaire de clans, les ABC sont souvent au centre des débats. A qui obéissent aujourd’hui les ABC ? A François Comporé ou à Salif Diallo ?

Les ABC forment une association. Les associations se constituent librement au Burkina Faso. Ce que vous ignorez peut-être, c’est que Salif Diallo est une des personnes qui sont à la base de la naissance des ABC en 1988-1989. Vous pouvez demander à Salif Dolbzanga le président des ABC, dans quel contexte est né et a évolué cette association. Ce n’est pas un parti politique, mais une association à laquelle les gens peuvent adhérer librement.

Je ne vois pas comment on peut attribuer aux ABC des ambitions de parti politique. Je crois qu’il faut laisser la liberté aux gens de s’organiser. Pourquoi voulez-vous empêcher les gens de s’organiser ? C’est tout à fait normal que des jeunes, des femmes, et bien d’autres s’organisent pour exprimer leur soutien à tel ou tel leader politique. Dans tous les pays démocratiques du monde, il y a des associations de soutien au chef de l’Etat et aux leaders politiques en place. Cela existe en France , aux Etats-Unis, partout où la démocratie et la liberté prévalent.

Les législatives sont pour bientôt, et l’on vient d’assister à l’installation de la CENI. Quelles sont vos impressions sur cette nouvelle équipe de la CENI avec Moussa Michel Tapsoba reconduit comme président de cette structure qui pendant longtemps a été décriée...

Si la CENI a été décriée, ce n’était pas par moi. Il y a eu des élections et des procédures qui ont été engagées pour aboutir à la mise en place de ce bureau, qui est, de mon point de vue, légal et en tant que tel, il doit être respecté. Effectivement, j’ai lu, à un moment donné, des écrits tendant à faire croire que j’ai soutenu Ousmane Nacro de la LIDEJEL. Ce qui n’est pas vrai. C’est un ami à moi et je lui avais, dans le cadre des élections à la CENI, donné des conseils. Je lui avais dit par exemple, de ne pas s’y aventurer et de s’en tenir à la défense des droits humains comme il le fait si bien. S’il avait suivi mes conseils, il ne se serait pas mêlé à cette lutte inutile.

Là aussi, il semble que derrière Ousmane Nacro se trouvait Salif Diallo et derrière Moussa Michel Tapsoba, François Compaoré. Finalement cette histoire de clans au CDP que vous refusez de reconnaître, n’empoisonne-t-elle pas quelque part la vie du parti, voire celle du pays ?

Personnellement, je suis du parti, mais ne vis pas cette situation. Je fréquente indifféremment François Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré, x ou y. On discute de dossiers précis et c’est tout. Je n’ai pas cette vision clanique des choses. Je suis avant tout un militant et en tant que militant je défends des principes. Ces principes peuvent effectivement être incompris ou compris. Mais je ne vois pas des problèmes en terme de clans.

Quand le Premier ministre prenait fonction pour la première fois, il était dit que c’était l’homme de Salif Diallo. L’est-il toujours ?

Ces genres d’élucubrations sont mauvaises. Nous sommes tous des hommes de Blaise Compaoré, que ce soit le Premier ministre, moi ou d’autres personnes. Je le disais tantôt, c’est Blaise Compaoré le fédérateur. J’ai appris par une certaine presse que j’organisais un lynchage médiatique contre le Premier ministre, cela m’a fait sourire. Ces écrits ont été produits à un moment où je n’étais pas sur place, et quand je suis revenu, j’ai évoqué la question avec l’intéressé.

J’ai eu à lui dire, en face, ce que je pensais de ces déclarations dans la presse. Le Premier ministre est un camarade, je n’ai donc pas besoin de recourir aux journaux pour lui dire ce que je pense. Si j’ai des divergences avec lui, je les lui fais savoir de façon amicale, mais ferme, sans trahir ce que je pense être mes convictions. Je ne suis pas du genre à boxer en-dessous de la ceinture en politique. Chacun est libre de dire ce qu’il veut à travers la presse et s’attendre aussi à des réactions diverses à travers la même presse.

Pour me résumer sur cette question, il faut que certaines personnes sachent que je me déploie au poste où le président du Faso et les autres me confient. Et je ne suis pas de ceux qui s’agrippent aux mamelles du pouvoir par tous les moyens, y compris la trahison des camarades.

Vos rapports avec Paramanga Ernest Yonli avant qu’il ne soit Premier ministre sont donc restés les mêmes jusqu’ à présent...

Le Premier ministère représente une institution. Pour ce faire, il faut la respecter, comme les autres institutions, à savoir le Conseil constitutionnel, l’Assemblée nationale, le Conseil supérieur de la communication, etc. En tant que républicain, l’on se doit de les respecter parce qu’elles assurent des fonctions de représentation. Ceci étant, sur un plan purement partisan, le Premier ministre est un camarade. Dès ce moment, on débat librement. On échange des points de vue, des fois, peut-être même, de façon acerbe. Je pense qu’avant d’être Premier ministre, il est un camarde. et de ce fait , je peux lui dire ce que je pense. Je n’ai vraiment aucun problème ni avec le Premier ministre ni avec qui que ce soit à la direction du parti. Je suis assez direct pour avoir le temps de cacher mes points de vue.

En tant que camarade de Yonli, pensez-vous, comme certains l’ont dit, que ses déclarations parues dans les colonnes d’un confrère international étaient maladroites ?

Ces déclarations ont fait l’objet d’écrits dans les journaux. J’ai donné mon point de vue au Premier ministre et je m’en tiens à ça.

Le 3e congrès va-t-il permettre d’extirper de vos rangs ceux qui sèment la zizanie ?

C’est la grande question, mais je puis assurer les uns et les autres que ce congrès est d’abord un congrès de la stabilité, de la maturité, de la cohésion et de l’unité d’action renforcée à la base. C’est dire qu’il n’y aura pas de bouleversement durant le congrès. Il n’y aura pas non plus, de mon point de vue, d’implosion. Les militants ont déjà reçu les documents de base et c’est vraiment en toute sérénité que ces questions sont déjà abordées à la base, parce que le congrès a déjà commencé à la base. Nous pensons qu’à l’issue de ce congrès le CDP sera plus fort que jamais pour aborder les échéances à venir.

Vous dites qu’il n’y aura pas de chamboulements, pourtant certains pensent qu’il y en aura, étant donné qu’ils estiment que vous nourrissez des ambitions de prendre la présidence du CDP.

Moi je ne vise rien du tout. Je vous ai dit que je ne suis pas candidat à quelque poste que ce soit. Je trouve que le président Roch Kaboré s’en sort bien à la tête du parti. Pourquoi faire maintenant des bouleversements alors que le président du parti se tire bien d’affaire ? Je pense que tout ça relève de combat d’arrière-garde. L’essentiel est que le CDP remporte des victoires et puisse construire le Burkina Faso. C’est ça le fond du débat.

Des bruits de remaniement ministériel courent de plus en plus. En tant que membre influent du parti, qu’est-ce qu’il en est ?

Il revient au Président du Faso et au Premier ministre de vous situer sur cette question.

La campagne agricole sera-t-elle bonne cette année ?

Nous avons, à l’heure ou nous parlons, des résultats prévisionnels que nous devons transmettre au Conseil des ministres. Mais je puis déjà vous dire que nous avons cette année un bon excédent céréalier.

Peut-on, face à ces bons résultats agricoles dus à une pluviométrie régulière, dire que le Programme Saaga (pluies provoquées) y a été pour quelque chose ?

Nous avons déjà procédé à des évaluations sommaires. Aussi sommaires soient-elles, ces évaluations montrent que le programme Saaga contribue à la bonne tenue de nos campagnes agricoles. Les poches de sécheresse sont souvent attaquées par le programme qui réduit le stress hydrique dans les provinces. La plupart des pays du Sahel aujourd’hui ont engagé des procédures pour se doter du même système. Notre programme est tellement pris au sérieux que l’Organisation mondiale de la météorologie (OMM) invite les pays africains à une réunion à Genève pour partager l’expérience du Burkina en la matière et voir dans quelles mesure nous pouvons créer, au niveau ouest-africain, un réseau de pluies provoquées.

Cela veut-il dire que le débat selon lequel le programme Saaga pourrait dérégler le cycle normal climatique est désuet ?

C’est effectivement désuet. Il y a un décalage de saisons dû au changement climatique au niveau mondial. Cela est connu. Ce n’est pas seulement une affaire du Burkina. Nous ne créons pas ex-nihilo la pluie. Nous augmentons le volume des précipitations. Si à Ouagadougou il doit pleuvoir, par exemple, 15mm en temps T, l’intervention des aéronefs peut permettre d’atteindre 30 à 40mm. L’eau recueillie dure plus longtemps. Le taux de remplissage de nos barrages et autres retenues d’eau est aujourd’hui d’une certaine importance. Depuis les 5 dernières années, nous avons toujours fait un excédent céréalier, ce qui fait que les stocks paysans sont plus importants. Nous sommes donc en train d’aller vers l’autosuffisance, il faut dire les choses par leur nom.

Le problème, c’est que les situations d’excédent céréalier entraînent un effondrement des avoirs des paysans avec la chute du prix d’achat des produits agricoles. Là aussi, nous faisons face à une difficulté. Il faut arriver à trouver une formule pour évacuer les excédents et maintenir, dans une certaine fourchette, les revenus des paysans pour qu’à chaque fois qu’il y a des excédents, la pauvreté ne s’accentue pas en milieu paysan.

A un moment donné, on vous qualifiait de défenseur des paysans et des pauvres dans certains milieux. Mais sur la question de la cherté de la vie aujourd’hui, qui touche aussi les paysans, on ne vous entend pas.

Nous nous occupons, au ministère de l’Agriculture, d’atténuer la pauvreté en milieu rural. Il y a eu bien sûr, ces derniers moments, beaucoup d’agitations syndicales, mais nos paysans n’étaient pas dans cette dynamique. Les paysans étaient aux champs à la recherche d’engrais ou autres pour augmenter la production.

Parlant de production, le Burkina s’installe de plus en plus dans la dynamique du coton OGM. Il y a des opposants farouches à cette nouvelle orientation cotonnière...

Je profite de vos colonnes pour relever certaines inepties distillées çà et là dans la presse. Nous avons depuis 2003 entamé un processus d’essai du coton OGM dit coton Bt. Nous avons, dans ce processus , pris le soin d’édicter des textes de loi, des décrets d’application, conformément à la convention de Cartagena, qui est une convention sur la biosécurité. Cette convention de Cartagena introduit le "principe de précaution". C’est-à-dire qu’avant de se lancer dans la production de coton OGM, il y a tout un ensemble de mesures et de mécanismes à mettre en oeuvre. D’abord, tester un certain nombre de gènes en milieu confiné, ensuite en milieu ouvert.

Nous avons réalisé tout ce processus avec les chercheurs de l’INERA, l’agence de biosécurité du ministère de l’Environnement et bien d’autres chercheurs. Nous avons mis en place, le 4 mai passé, un comité scientifique ad hoc pour analyser un certain nombre de requêtes et de phénomènes, pour savoir si on pouvait, à partir de recherches des trois dernières années, passer en milieu ouvert maintenant. Les scientifiques se sont réunis, ont fait leurs analyses et m’ont envoyé un premier rapport pour me dire que leurs essais étaient concluants en milieu ouvert.

Ce qui est curieux, c’est que des gens d’autres structures, comme la coalition de veille/OGM, ont assisté à la réunion du comité scientifique ad hoc qui m’a donné l’autorisation pour le travail en champ ouvert. Donc, nous sommes allé en champ ouvert, et ces mêmes scientifiques sont venus me rendre compte des résultats préliminaires. L’un des résultats les plus intéressants est que la contagion du pollen ne dépasse pas 15m. Ce qui autoriserait à vulgariser le coton BT sans grand risque de contagion.

L’autre conclusion que les chercheurs m’ont donnée, c’est la hausse du rendement de 29 à 35% par rapport à notre coton classique. Troisième conclusion : c’est qu’avec les firmes telles que Mossanto ou autres, nous sommes à même, avec la SOFITEX, de produire sur place nos propres semences. On envisage atteindre au plan mondial 20 milliards de dollars d’ici l’horizon 2020 dans les parts du marché des semences génétiques, et le Burkina ne peut pas rester en dehors de ce processus. Il y a donc un certain nombre de facteurs qui ont justifié ma démarche, fondée sur la décision des scientifiques.

S’il y avait danger pour notre agriculture, je serais le premier à bloquer ce processus. Je ne parle pas en l’air. Je parle adossé à des scientifiques de chez nous et qui d’ailleurs maîtrisent leur sujet. J’ai bien dit à ces chercheurs, à chaque fois que je les rencontrais, que le gouvernement, à travers le ministère de l’Agriculture, n’agirait que sur la base de leurs appréciations et décisions scientifiques. Donc, je n’ai pas agi au hasard.

J’ai agi selon une démarche scientifique et scientifiquement orchestrée par nos propres chercheurs. Maintenant, revenons sur l’opportunité du coton OGM. Disons-nous la vérité : notre filière coton connaît de graves difficultés. Les 3 sociétés cotonnières totalisaient, en 2005, 35 à 40 milliards de déficit. Le cours mondial ne cesse de baisser, l’offre dépassant la demande sur le marché. Ensuite, le Nord continue de subventionner ses producteurs, entraînant des distorsions sur le marché mondial. Le coton est dans une passe difficile. Que faut-il faire en pareilles situations ? Il nous faut changer d’option.

Première démarche : transformer notre coton sur place pour avoir une valeur ajoutée à l’exportation.

Deuxièmement, revoir notre système de production.

Cela signifie avoir une politique semencière, de production végétale autre que celle qu’on avait. C’est dans ce cadre que nous nous sommes orientés vers les OGM, qui vont nous permettre d’avoir des augmentations de productions de 29 à 35%. La tendance mondiale aujourd’hui est au coton OGM, que ce soit en Chine, aux Etats-Unis, au Brésil, etc.

En tout cas, si nous ne faisons rien dans ce sens, nous risquons de perdre notre filière coton. Donc voici le fondement de notre démarche en tant que ministère de l’Agriculture d’aller vers cette production OGM. Ce faisant, nous allons recevoir le rapport définitif des chercheurs parce que le volet scientifique est concluant, selon leur appréciation. Les volets économique et social doivent maintenant être analysés. C’est pourquoi je disais qu’il fallait dès l’année prochaine engager le processus de production de coton OGM et j’ai dit "qu’on était dedans".

C’est le sens de ma phrase. Il y a des gens qui ont voulu créer une polémique que j’ai qualifiée de stérile, parce que les réalités scientifiques et celles du terrain ne sont pas pareilles. Il faut dire que les OGM passionnent parce qu’il y a des enjeux économiques importants. Il ne faut pas se le cacher. Ceux qui sont pour les OGM ne vont pas nous créer gratuitement nos semences OGM. Ce sera payant.

Mais c’est à nous de trouver des formules pour que nous puissions tirer profit de ce commerce. Il nous faut, pour cela, créer nos propres semences pour nos producteurs et avoir ce qu’on appelle "les clés burkinabè de semence" pour être autonomes. L’autre dimension, c’est que ceux qui vendent les pesticides sont fâchés contre les OGM, ils ne veulent surtout pas entendre parler de la production de coton BT dans notre pays. Car, nous leur achetons des pesticides à coups de milliards de francs.

Si nous arrivons à produire du coton BT, ce qui élimine 4 prédateurs, nous leur faisons perdre de l’argent fou, que des contonculteurs du Burkina vont épargner. Il y a donc des enjeux économiques derrière ces débats, des enjeux politiques aussi. Pour l’instant, au point de vue rapports de force au plan international, ce sont les USA qui sont leaders dans les OGM, qu’on les aime ou pas. Or, il y a d’autres puissances qui souhaiteraient que l’Afrique soit une réserve, que l’Afrique attende de se développer avant de venir aux OGM. A l’ère de la mondialisation, nous devons aller là où nous avons des intérêts et non suivre aveuglément x ou y.

Vous avez, par moments, représenté le président Blaise Compaoré à certaines réunions entrant dans le cadre de la recherche de solutions à la crise ivoirienne. Le 31 octobre 2006 est passé et la situation a très peu changé. Etes-vous optimiste sur la situation en Côte d’Ivoire ?

Je crois qu’il appartient au peuple ivoirien de réaliser son histoire. Dans un sens ou dans un autre. Nous ne pouvons, en tant que Burkinabè, qu’être des observateurs, à la limite des frères et soeurs d’un pays voisin dont la mission est de prier à la préservation de la paix dans ce pays-là. Je vois qu’il faut s’abstenir de faire des incantations sur cette situation. Le dossier aujourd’hui est aux mains des instances onusiennes. Il appartient à ces instances, surtout au peuple ivoirien, de trouver des solutions à cette crise.

On pourrait facilement vous assimiler à quelqu’un d’inoxydable. Avez-vous un secret ?

Je crois que la petite personne ne compte pas. J’ai un idéal et je poursuis cet idéal qui est de donner ma petite contribution à l’édification d’un Burkina de progrès. Ceci étant, je me moque éperdument des attaques personnelles. Pour moi, ce qui compte, c’est les résultats et l’appréciation que le peuple porte sur ces résultats. Nous tous, nous n’avons de référentiel véritable que l’appréciation populaire.

Propos recueillis par Morin YAMONGBE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 7 novembre 2006 à 21:56 En réponse à : > Salif Diallo : "Je ne boxe pas en-dessous de la ceinture en politique"

    Quoi qu’on puisse penser de cet homme, on ne peut lui reprocher sa sincérité, sa bravoure et son intelligence. J’apprécie, énormément, sa méthode, sa démarche et son mode de fonctionnement. Pour ne pas être suspecté de lui demander quoi que ce soit, mon pseudonyme pour cette juste appréciation est "Le gandaogo". Il est regrettable qu’il n’existât pas plusieurs "Salif DIALLO" ou plusieurs "François COMPAORE" pour le Burkina Faso. Je pense que ces deux personnages importants de la République peuvent mieux incarner l’unité et la direction du CDP, beaucoup plus que Monsieur Christian Roch KABORE qui, le plus souvent, ne va jamais à la rivière avant de puiser l’eau. Et ceci est vrai car je n’ai aucun intérêt à dire ceci. Personnellement, même si cela paraît utopique et insencé, je proclamme et confirme que j’adhérerai au C.D.P. lorsque Salif DIALLO ou François COMPAORE prendra la direction politique de ce parti, car je pense, sincèrement, qu’ils sont, l’un et l’autre, véritablement, des hommes politiques de taille. François COMPAORE, travailleur acharné dans l’ombre et Salif DIALLO qui n’hésite pas à monter au créneau pour redresser la barre comme il l’a fait lors de cette interview. "Gandaogo", France

    • Le 8 novembre 2006 à 03:42, par patriote En réponse à : > Salif Diallo : "Je ne boxe pas en-dessous de la ceinture en politique"

      C’est de la politique tout ça ; les belles paroles, la réthorique, la langue de bois en fait. Il y’a les réalités qui sont là ; la vie chère, l’augmentation du nombre de mendiants est nettement visible au Faso. Le banditisme (aux cols noirs ou blancs) sous toutes ses formes est en développement exponentielle et je n’exagère rien.

      Je crois qu’il ne suffit pas de bien parler, il faut agir contre l’impunité, la corruption et tous ces maux qui riment avec démocratisation,mondialisation, privatisation, libéralisation et tous les autres mots (maux) en tion.

      • Le 12 novembre 2006 à 14:04 En réponse à : > Salif Diallo : "Je ne boxe pas en-dessous de la ceinture en politique"

        Il paraît que la mendicité est un système lié à la religion musulmane. En cela, et compte tenu de l’expansion de cette religion, il n’est pas étonnant qu’il y ait plus de mendients, comme au Sénégal. Pour le reste, je serai véritablement intéressé de savoir qu’est-ce que vous faites quel que soit votre niveau de pouvoir pour éradiquer tous ces maux en "tion". Personnellement, je préfère que ces mendients aillent creuser des trous pour avoir leur pitance au lieu de tenir une boîte de conserve en bandoulière. Mais je peux me tromper. le "gandaogo"

    • Le 8 novembre 2006 à 08:42, par moi-meme En réponse à : > Salif Diallo : "Je ne boxe pas en-dessous de la ceinture en politique"

      Tout a fait d’accord sur un point avec le "gandaogo" qui malgre son "nouveau" pseudonyme est tout de meme identifiable ! Salif est le prototype meme du gars qui apres avoir assurer ses arrieres, ne crayant personne ni rien( sauf peut etre que le ciel lui tombe sur la tete) et qui est respectueux de son amitie et complicite avec le president, fonce droit vers le but et dit ce qui est a dire. ! je suis un sympatisan de ce cdp ,et singulierement je suis de tres pres l’evolution de ces deux hommes ( malgre mon jeune age qui ne m’a pas permis de les connaitre auparavant je lis tout ce qui touche de pres a ces hommes et je collectionne mes coupures de journaux et autres analyses) qui savent ce qu’ils veulent ! je dirai meme plus que je vote toujours Blaise pas pour son programme mais parce que c’est celui a qui je veux ressembler( pensez ce que vous voulez mais je suis convaincu qu’ un homme c’est d’abord un model et la suite apres), et je pourrai adherer au cdp( ou a tout autre parti d’ailleurs !) parce que salif y est et que je sens qu’avec lui meme s’il y avait des imperfections je pourrai apporter ma contibution pour rectifier le tir ! De francois je ne sais rien et je n’ai pas encore eu a lire a travers ces gestes et actes !

      a bon entendeur .... moi-meme !

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