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Tripatouillage des constitutions : Wade aussi !

Publié le lundi 6 novembre 2006 à 13h18min

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Abdoulaye Wade

Sur la base de nouvelles fraîches, portées par les vents qui nous parviennent du Sénégal, on est porté à croire que le président Abdoulaye Wade est épouvanté par l’idée d’une coalition de l’opposition, qui pourrait se créer en cas de second tour.

Qu’il craint de ne pas passer dès le premier tour de la présidentielle 2007 pour laquelle il serait candidat ; et que, plus que soucieux de la conservation de son pouvoir, il ne lésinera sur aucun moyen de rester en place. Pourrait être de ces moyens, la récente proposition du pouvoir - validée par l’Assemblée nationale - de réviser la Loi fondamentale sénégalaise pour une suppression du "quart bloquant" que l’opposition a vite interprétée à tort ou à raison comme une volonté du camp d’en face de se passer du second tour.

On peut, en effet, s’interroger sur les motivations réelles d’un tel "traficotage" de la Loi fondamentale. Est-ce encore une stratégie du Parti démocratique sénégalais (PDS) pour ouvrir à son candidat, les larges boulevards d’une seconde mandature ? Toujours est-il que l’opposition sénégalaise crie déjà à la manœuvre, et n’a pas tardé à manifester indignation, désapprobation et colère. C’est visiblement la goutte d’eau de plus, qui pourrait faire déborder le vase, si ce n’est déjà fait. Et ce n’est pas tout ! A quatre mois des scrutins de février 2007, le gouvernement du Sénégal s’est déjà engagé dans une série de modifications importantes de la Constitution, lesquelles mesures constituent de violents coups de hache qui entaillent l’arbre démocratique sénégalais et avilissent considérablement le jeu politique.

Le Sénégal et son président qui revendiquent un certain leadership démocratique au niveau sous-régional, voire continental, peuvent-ils se permettre autant de coups de canif dans la Loi fondamentale sénégalaise ? Certains chefs d’Etat se seraient permis des coups de marteau dans le semblant d’édifice démocratique de leur Etat que cela n’aurait surpris personne. Mais tout de même, pas Wade !

Ce chantre de l’alternance, élu triomphalement en 2000 grâce à une coalition de partis d’opposition, qui ne manque pas, à l’occasion, de rappeler qu’il est arrivé au pouvoir sous la bannière triomphale de la démocratie, à trop prendre goût aux délices du pouvoir, s’est-il finalement mué en véritable barrière contre l’alternance démocratique ? Dans tous les cas, l’on a comme l’impression qu’une fois l’heure de gloire sonnée, bien des opposants africains qui portaient tous les espoirs de tout un peuple en mal d’espérance, font finalement moins que leurs devanciers, si ce n’est pire.

Vite oubliées les promesses tenues, jetés aux orties les idéaux et remis en cause certains acquis démocratiques et dispositions qu’ils ont eux-mêmes sécrétés, dès lors qu’il est question pour eux de passer au statut de l’arroseur arrosé.

Cela dit, comment faire pour que la bombe de Me Wade, incarnée par un scrutin à un tour, se retourne contre lui ? Ce pourrait, en effet, être un couteau à double tranchant, à condition, bien sûr, que l’opposition ne commette pas la grossière erreur d’aller en rangs dispersés en 2007.

Me Wade est décidément un personnage déroutant et imprévisible ! En 2001, les Etats de la CEDEAO prenaient l’engagement de ne toucher ni à leurs constitutions respectives ni à leurs lois électorales, six mois avant un scrutin. Le protocole a été signé... à Dakar, sous l’égide du président sénégalais himself. Cinq ans plus tard et contre toute attente, c’est le pays de la Téranga qui se met en porte-à-faux avec cette même disposition communautaire.

L’organisation d’un référendum aurait-elle mis fin au débat sur l’opportunité d’un tel amendement constitutionnel ? Certainement pas, la grande majorité des électeurs africains n’ayant pas le niveau de compréhension requis pour décider de façon claire et consciente. Sans oublier les fraudes, les achats de conscience, etc., qui jettent généralement une grosse ombre au tableau de la qualité des élections.

A propos de citoyens mal éclairés et à qui il est permis volontiers de voter, il est heureux de constater que le Bénin a de fortes chances de terrasser le taureau de l’obscurantisme, le pays ayant déjà rendu la scolarité dans le primaire, gratuite. C’est assurément un pas décisif, qui plus, est un choix stratégique qui, à long terme, aura certainement un impact sur le niveau de conscientisation du peuple béninois, et donc sur la qualité des élections.

Quelle est la part de responsabilité de l’opposition et de la société civile dans les dérives démocratiques des pouvoirs africains ? Bien souvent, leur marge de manoeuvre (opposition et société civile) est contrée par le boulet de l’infiltration et de la trahison.

Et puis, il y a la complicité des Occidentaux, en général, et des bailleurs de fonds, en particulier. Devant l’inconnu, tout ce qui compte pour eux, c’est d’être assurés de la préservation de leurs intérêts. Ce que les dirigeants africains font de leur peuple, la qualité de la démocratie, cela importe peu !

Alors, un mécanisme sous-régional qui fédère des intellectuels africains triés sur la base de critères d’intégrité et de probité, qui soit impartial, indépendant vis-à-vis des pouvoirs africains en place, et en mesure de mettre la pression sur les dirigeants afin qu’ils respectent les normes démocratiques et leurs engagements ? L’idée ne paraît pas saugrenue. Reste que, comme on peut déjà l’imaginer, l’on criera tout de suite au non-respect du principe de souveraineté nationale. Faut-il finalement désespérer de l’Afrique ? Il est en tout cas certain que sans une population nantie d’une claire conscience citoyenne, sans la bonne foi et la volonté des classes politiques dirigeantes africaines de pousser la démocratie vers le haut, le tracé des sillons de l’avenir démocratique sur le continent, aura toujours des contours flous.

Le Pays

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