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Résolution onusienne sur la crise ivoirienne : Si j’étais un expert commis à l’étude du projet...

Publié le lundi 30 octobre 2006 à 06h47min

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Gbagbo et Annan

Alors qu’aux quatre coins du monde l’on attend impatiemment la dernière trouvaille de l’ONU pour sortir la Côte d’Ivoire de la crise qui n’a que trop duré, l’auteur dont on lira ci-après le point de vue invite les experts à la prudence et à une certaine lucidité. Car, estime-t-il, la France qui a conçu et soumis pour appréciation la résolution de sortie de crise n’est nullement exempte de tout reproche.

Le Conseil de sécurité, comme convenu, est en train de plancher sur une nouvelle résolution à propos de la Côte d’Ivoire.

Le texte, présenté encore une fois par la France ( !) et soumis à une commission d’experts, est contesté par les autorités légales ivoiriennes. Il ne fait pas dans la dentelle. Il fonce, prend en compte les demandes du GTI, des chefs d’Etat critiqués pour leur soutien à la rébellion, mais surtout il fait amplement droit aux demandes de ceux qui (contre la loi fondamentale ivoirienne, les traités de la CEDEAO, de l’Union africaine et des Nations unies), ont pris les armes pour renverser le régime légal, et qui une fois cette tentative échouée, se sont lancés dans l’aventure de la partition de fait du Pays.

Le texte français pour tout dire, va jusqu’à demander le transfert de tout le pouvoir exécutif au Premier ministre puisqu’il pourra agir dorénavant par ordonnance, promulguer la loi, prendre des décrets..., qu’il le fera notamment en matière de désarmement, d’identification et qu’il aura un pouvoir de commandement (en lieu et place du chef des armées qu’est le chef de l’Etat) sur les FDS (Forces de défense et de sécurité).

Là, je dirais « Danger extrême », car l’armée ivoirienne est une armée républicaine, patriotique et qui se reconnaît en un chef vis-à-vis duquel elle a au surplus, eu raison des circonstances particulières, du sentiment. Elle n’acceptera pas de fouler aux pieds la Constitution et de désobéir au président de la République. Mais « allons-y, allons-on », le texte - pour ne pas faire les choses à moitié - demande, entre autres, que l’ONUCI et la Force Licorne soient les responsables de la refonte de l’armée et de son unification, et prévoit des prérogatives en ce sens.

Si j’étais membre de la Commission d’experts

Si je faisais partie des experts chargés de travailler le texte français, je recommanderais sincèrement de faire très attention. Ce projet, qui se targue de secouer le cocotier et de prescrire le remède de cheval qui a toujours fait défaut pour sortir de la crise, peut se muer en une thérapeutique criminelle parce que reposant sur un diagnostic criminel.

En effet, je demanderais à mes collègues hommes de l’art, d’adopter la rigueur scientifique consistant à diagnostiquer d’abord les causes du mal avant de prescrire la médication. J’insisterais donc sur la nécessité et l’honnêteté de reconnaître les soutiens accordés par des pays étrangers à des mercenaires et à des militaires ivoiriens en rupture de ban avec la légalité républicaine de leur pays pour attaquer un gouvernement qui, quoiqu’élu dans les conditions qu’on sait, n’en est pas moins légal et légitime. Je demanderais en conséquence, par respect de la constitution ivoirienne et des textes internationaux, une condamnation ferme de cette tentative.

Après quoi, je rappellerais qu’il est du devoir de la communauté internationale de s’assurer d’abord du rétablissement de l’équilibre institutionnel et de l’homogénéité du territoire ivoirien. Et comme l’ancien ministre togolais de la Communication et de la Culture, Atsutsé Kokouvi Agbobli, l’a fait en rappelant à ce sujet que les USA ont armé le gouvernement légal de Croatie pour écraser la rébellion, j’ajouterais que des Etats africains sont intervenus (comme à Sao Tomé et Principe) pour protéger des régimes légaux et que la France a dernièrement aidé le gouvernement légal tchadien contre les rebelles qui s’apprêtaient à faire tomber comme un fruit mûr, N’Djamena.

Je poursuivrais pour demander, toujours dans l’esprit d’aider à ce que le droit fasse toujours la loi, que le désarmement soit la deuxième de ces recommandations. Ensuite, et ensuite seulement, je proposerais que l’on puisse exhorter le chef de l’Etat ivoirien, qui a été demandeur de l’intervention de la Force Licorne et de l’ONUCI (ne l’oublions pas), qu’il consente à transférer des pouvoirs spécifiques au Premier ministre afin d’accélérer le désarmement, l’identification, pour préparer les élections transparentes et équitables, encore qu’il puisse, et c’est son droit, préférer d’autres voies de règlement sans cette présence étrangère en Côte d’Ivoire.

En tant qu’expert approché, j’insisterais sur le danger qu’une méconnaissance de la primauté de la Constitution ivoirienne pourrait avoir dans le glissement du pays vers une guerre totale qui n’épargnerait pas la sous-région. A ce sujet, je demanderais d’écouter très attentivement les bruits de botte qu’on entend déjà en terre éburnéenne au nord comme au sud - mais aussi dans les pays alentour.

Ce que je ne recommanderais pas

Ce que je ne recommanderais pas, mais alors pas du tout, c’est que, par des arguties, par de faux stratagèmes, on prenne des « oukases » internationaux, suivant ainsi moutonnement la rébellion, pour mettre l’Etat souverain de Côte d’Ivoire, sous tutelle. Si à Dieu ne plaise, les Nations unies le faisaient, elles violeraient leurs propres textes et donneraient là un exemple très négatif à l’Afrique et au monde entier en convertissant une tentative de coup d’Etat muée en rébellion, en coup d’Etat onusien !

Dans un contexte africain, dominé par l’amertume des citoyens qui subissent la férule des dictateurs qui s’accrochent désespérément au pouvoir, glissant vers l’Etat de non-droit, cela renforcerait la fâcheuse tendance à opter pour la voie des rébellions et autres coups d’Etat afin de réaliser l’alternance au pouvoir.

Si tous les experts ne sont pas compromis dans le jeu des alliances politiques et s’ils restent conformes à une certaine éthique, ils refuseraient de vendre si peu cher la fausse idée selon laquelle les traités priment obligatoirement sur les Constitutions ; pour que cela soit, il faut encore et d’abord que les Etats les aient signés et qu’ils les aient ratifiés, encore que dans ce cas, il existe des Etats qui ratifient des traités et qui ne les appliquent pas, laissant la Communauté internationale (qui n’a pas de force exécutoire) impuissante.

Le droit international est encore loin d’être un droit supranational régissant un ordre mondial institutionnalisé et il ne faudrait pas forcer les choses jusqu’à établir un droit international à deux vitesses, où l’on pourrait toucher à la souveraineté des pays pauvres, mais pas à celle des pays riches. Je rappellerais justement à cet égard que les USA et certains pays n’ont pas ratifié le Traité de Genève ni celui de Kyoto et qu’on ne peut pas imaginer que le droit international, en ce cas, puisse primer sur leurs Constitutions.

Exhortation à la France chiraquienne

Voilà quelle pourrait être ma contribution. Je sais que dans le rapport de forces international actuel comme dans le partage du monde qui en résulte, il ne sera pas facile d’obtenir que la France soit déchargée du dossier ivoirien, mais je demanderais d’inscrire cette mention, car c’est d’une nécessité évidente.

Pourquoi ? Parce que tant que la France sera la Médiatrice en chef dans ce dossier pour ne pas dire le meneur de jeu (alors qu’elle est clairement suspectée de parti pris pour la rébellion), il n’y aura jamais de confiance et de sécurité, pour travailler à une véritable sortie de crise. C’est cette recherche d’équilibre qui a amené à écarter Thabo M’béki parce que la partie rebelle ne le voulait plus comme médiateur.

Pourquoi alors faire deux poids deux mesures, quand ont sait que la partie gouvernementale ne veut plus que la France s’immisce dans les affaires de la Côte d’Ivoire ? Rien ne peut justifier cette position dominante et directrice de la France, même pas (et surtout pas) les antécédents historiques qui éveillent dans l’esprit des anciens colonisés, des suspicions et rancoeurs plus que légitimes et qui insupportent tant, que même, non-Africain, le Français Sylvain de Chambry, spécialiste en communication, a laissé éclaté ce qui suit : "Jacques Chirac s’est prononcé en faveur de M. Banny pour qu’il ait tous les pouvoirs. De quel droit un président étranger se permet-il une telle ingérence ? Je ne pense pas que Jacques Chirac puisse accepter que le Président Bush lui impose M. Sarkozy comme Premier ministre avec les pouvoirs de l’exécutif" (L’Inter).

Alors, si j’étais un expert, je demanderais que la France chiraquienne, dans le souci de préserver la sous-région de la guerre et de contenir le sentiment anti-français qui malheureusement se répand, accepte de ne pas s’imposer davantage dans ce dossier et de quitter avec honneur et dignité la table où on ne veut plus lui dresser un couvert.

Guy Hermann Bazémo

Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 30 octobre 2006 à 20:59, par Traoré André En réponse à : > Résolution onusienne sur la crise ivoirienne : Si j’étais un expert commis à l’étude du projet...

    Mr Guy Hermann Bazémo, connaissez vous la Côte d’Ivoire ? Connaissez vous le regime Gbagbo ? Je pense que non. Arrêtez donc de nous divertir. Vous êtes ceux là même qui prennent les conséquences pour les causes.
    Heureusement, vous n’êtes pas un expert. Dieu merci

  • Le 31 octobre 2006 à 13:30, par Me Baugha (London) En réponse à : > Résolution onusienne sur la crise ivoirienne : Si j’étais un expert commis à l’étude du projet...

    Je salue la maturite croissante de ce site qui a enfin decide d’equilibrer les infos pour le bonheur de ses lecteurs.
    Nous etions lasses de voir la transformation de ce site en tribune anti-gbagbo et donc pro rebelles et profrancais.
    L’honnetete nous oblige a reconnaitre que la France est le probleme permanent de la Cote d’Ivoire depuis le debut de cette crise. Elle est donc mal placee pour apporter des solutions qui ne peuvent qu’etre biaisees.
    Courage a nos amis du faso.net car je sais combien il est difficile de faire ce metier de journaliste sous les tropics.
    Seule la lutte paye.

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