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Débats radiotélévisés : La bête noire des dirigeants africains

Publié le vendredi 27 octobre 2006 à 08h24min

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La République démocratique du Congo vient d’allonger la liste des pays africains où le débat télévisé contradictoire entre candidats à l’élection présidentielle est banni. En refusant un face-à-face avec son challenger pour des raisons qui lui sont propres, le président sortant, Joseph Kabila, prive les Congolais d’une confrontation (des idées) avec son adversaire du second tour.

Un journal de la place n’a pas manqué de relever le dépit de l’opinion face à ce rendez-vous manqué : « Même si ce n’est pas la fin du monde, de nombreux Congolais auraient tout de même souhaité voir Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila exposer, de façon contradictoire, leurs projets ».

Les hommes politiques africains, en particulier ceux au pouvoir, ont-ils la phobie des débats directs avec leurs adversaires ? Le cas de la RDC n’est pas exceptionnel ; il confirme une règle établie, qui exclut ce type d’exercice de la culture démocratique.

Mettant en avant leur statut de chef d’Etat, les présidents sortants candidats à leur propre succession estiment que c’est tomber bien bas que d’engager un débat avec un simple citoyen. On peut effectivement redouter des dérives langagières telles que celles auxquelles certains politiciens inconscients nous ont habitués. Il est vrai aussi qu’un président en exercice est plus vulnérable parce qu’il doit défendre aussi un bilan.

Mais ces arguments ne tiennent pas pour plusieurs raisons. D’abord, une telle émission, généralement télévisée, est organisée avec la plus grande minutie par les organes de régulations de médias qui existent un peu partout sur le continent. Un code de conduite est soumis aux candidats pour éviter tout débordement. En plus de cet arbitrage institutionnel, il y a la fermeté du journaliste chargé de conduire le débat, tant sur le respect du temps imparti à chaque candidat que sur leur comportement langagier.

Tout est mis en œuvre dans le sens de donner à ce type d’émission qui constitue le point d’orgue d’une campagne électorale toute sa noblesse. Toute une organisation est mise en branle pour assurer le bon déroulement du forum de discussion. Et puis, il y a la responsabilité-même des acteurs d’un jour. Chaque mot qu’ils prononceront compte dans l’opinion que les électeurs se feront d’eux.

Un candidat agressif, voire irrévérencieux, qui passe plus son temps à insulter qu’à défendre son programme, fera lui-même le lit de sa défaite. Les téléspectateurs ne sont pas idiots à tel point de laisser débiter des inepties. Et c’est justement l’intérêt des débats télévisés, que de mettre en exergue les capacités intellectuelles des candidats, mais aussi leur sens de la responsabilité.

Beaucoup de dirigeants africains préfèrent le confort des émissions enregistrées où ils ont le loisir de tout contrôler, depuis leurs gestes jusqu’aux mots prononcés. Quelques rares d’entre eux osent accepter un exercice plus hardi qui consiste à se soumettre à des questions de journalistes. C’est un pas peut-être vers les duels épiques mais civilisés du face-à-face.

Reste que la tradition demeure aux déclarations enregistrées. Les duels se font plutôt à distance à travers les meetings, avec malheureusement cet inconvénient que les dérapages sont fréquents au regard de la passion qui s’empare des uns et des autres une fois devant la foule de leurs militants.

On peut se demander si en réalité la crainte des débats n’est pas liée à l’inculture de certains hommes politiques et, pire, au fait qu’ils ne maîtrisent pas leur propre programme de société. Ce n’est pas de la caricature, mais les frasques de certains hommes au pouvoir ont fini par donner l’image de bons vivants aux dirigeants africains ; les palais sont vus comme des lieux où le champagne coule à flots lors de fêtes orgiaques interminables.

Evidemment, certains dirigeants tentent de briser cette image négative en prenant des mesures draconiennes pour réduire le train de vie de l’Etat. Ils ont aussi favorisé l’avènement d’institutions de contrôle et l’émergence d’une opinion très critique. En somme, ils ont instauré un Etat démocratique qui ne permet plus de laxisme. Mais d’autres continuent à jouer un double jeu : tout en s’affichant comme des démocrates, ils ne continuent pas moins d’exercer une prédation sur les biens publics. N’ayant de comptes à rendre à personne, tous les secteurs de l’économie prétendument libéralisée sont entre leurs mains par sociétés écrans interposées.

Sur ce plan, ils n’ont rien à envier aux tout-puissants pères de la nation. Encore qu’à cette époque, les hommes politiques, forgés au moule rigoureux de l’école coloniale, étaient très cultivés et avaient le sens de l’honneur. Les dirigeants de l’ère du parti unique toujours en vie continuent d’ailleurs de donner du mordant au débat politique par la précision de leurs idées et la force de leurs argumentations.

Si l’Afrique a un grand retard dans la pratique des débats contradictoires, la faute incombe aussi à tous ces spécialistes de la communication dont les chefs d’Etat s’attachent les services. Véritables gourous payés à prix d’or surtout s’ils viennent de l’étranger, ils ont une influence certaine sur les stratégies de communication de nos dirigeants, voire les orientations en matière de politique nationale de l’information. I

ls ont certainement une responsabilité dans l’allergie qu’ont les chefs d’Etat africains pour certaines formes de prestation médiatique. S’ils servent bien leur client, ils desservent la démocratie. A quelques rares exceptions près (Sénégal, Bénin, Afrique du Sud), les communicants de tout acabit qui fréquentent les palais présidentiels ne cherchent qu’à se remplir les poches.

Ce sont les médias locaux et les démocrates qui impulsent une dynamique à la vie démocratique en osant heurter les susceptibilités par l’instauration de débats critiques et contradictoires. Ils sont les précurseurs d’une culture de l’expression libre et de forums de discussions dont les face-à-face lors des élections sont l’une des expressions les plus vivantes.

"Le Fou"

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 27 octobre 2006 à 14:55, par franck OCIFOU En réponse à : > Débats radiotélévisés : La bête noire des dirigeants africains

    SLT,

    1 : Il n’y a pas de démocratie en Afrique.

    2:Les Chefs d’Etats on peuuurs tout simplement ;

    De quoi ? : certes les émissions sont super bien organiser, controler, pas de débordement etc. mais toujours est il qu’il est difficile de se controler dans des situations telles que les débats TV surtout quand l’oposition s’est décidé à "HIT"... et même, je ne crois pas trop en l’opposition en Afrique...il suffit qu’on nomme X à tel poste pour qu’il passe dans le camp adverse l’année qui suit... c’est vrai qu’ils y en a, des nuls, dans certains domaines et peut être effectivement qu’ils ne veulent pas s’exposer...

    Ce serait quand même cool quelque face à face !!! "ecrire c’est se trahir... mais parler aussi" et à travers ces débats on fera des découvertes interessantes ;-)

    On devrait faire signer des petitions pour l’exiger, faute de quoi on vote pas hihihi
    et pi quoi encore faut pas rêver debout !!!

    Bref,ce n’est pas se rabaisser mais c’est faire preuve de courage, d’honneteté, de confiance en soi ..., alors, UN PEU DE COURAGE "les CHEFS" !!!

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