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Thomas Sankara : 19 ans après, on continue de vendre son nom

Publié le mercredi 25 octobre 2006 à 08h45min

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Depuis le décès de Thomas Sankara, beaucoup de choses ont été dites et redites sur les circonstances de sa disparition. Le 15 octobre 1987 a été douloureux pour notre pays si bien que plusieurs actions sont entreprises pour immortaliser son œuvre à la tête de notre pays il y a de cela 19 ans.

Mais ce qui est dramatique, choquant, c’est le fait d’instrumentaliser cette mort à des fins inavouables. L’histoire du Burkina Faso, ni son présent et encore moins son avenir ne peuvent se réduire en un seul événement, fût-il dramatique. C’est le président Thomas Sankara lui-même qui le disait.

La veuve de feu le président Thomas Sankara, Mariam Sankara, et autres ayants droit, ayant revendiqué moult années durant la reconstitution des faits sur les circonstances de la mort du président du CNR le 15 octobre 1987 s’était plaint devant les instances onusiennes.

Tout d’abord, il convient de souligner qu’avant que le dossier Thomas Sankara ne parvienne entre les mains des juridictions internationales à savoir le comité des droits de l’Homme de l’ONU, les juridictions burkinabè n’avaient jamais refusé de s’en saisir.

Tout au plus, peut-on noter, que les juridictions civiles s’étaient déclarées incompétentes du fait de la nature de l’affaire et de la qualité des protagonistes, tous militaires, même si des civils y avaient perdu la vie. Seules les juridictions militaires pouvaient donc connaître de cette affaire et on était dans cette attente, le ministre de la Défense n’ayant jusque-là pas été saisi du dossier, tel qu’il était ressorti dans les propos qu’ils avaient tenus.

Que le collectif juridique de la campagne justice pour Thomas Sankara ait fait fi de cette réalité pour saisir le comité des droits de l’Homme de l’ONU relève d’une fébrilité suspecte et d’une volonté de diaboliser les tenants de la IVe République. Le Burkina a eu le mérite de ratifier le 04 janvier 1989, le pacte international relatif aux droits civils et politiques qui fonde l’essence même de ce comité. Au pays des Hommes intègres, on ne voudrait pas faire les choses à moitié.

Selon le verdict du comité saisi par les ayants droit, il y aurait eu dans le dénouement de la crise interne au Conseil national de la révolution violation de droits civils et politiques. Faut-il le rappeler, les droits civils et politiques de l’époque se résumaient à un manichéisme forcené, aujourd’hui dénoncé par la communauté internationale. La démocratie sous la révolution admettait le droit à la parole pour les adhérents à la cause et celui de se terrer pour les non-adhérents, alors dénommés les réactionnaires.

On peut admettre que sur un plan humanitaire, on lève la
chape de plomb qui pèse sur cette période trouble de notre histoire. Du reste, le gouvernement était engagé à donner une suite appropriée à cette décision du comité. C’est dire que le dossier Thomas Sankara est en train de connaître son dénouement final et il sera difficile pour cause qu’ils veulent instrumentaliser le dossier, de continuer à se nourrir de la mort de Thomas Sankara. Notre pays depuis les événements du 15 octobre 1987 a grandi en maturité et n’accepte plus de se laisser séduire par la propagande.

Dix-neuf ans de démocratie, acceptons enterrer le passé

15 octobre 1987 - 15 octobre 2006, il y a 19 ans. Il y a dix-neuf ans que le Burkina Faso connaissait la rectification et en même temps la disparition du capitaine Thomas Sankara. Dix-neuf ans après donc, alors que les uns, les sankaristes continuent de s’accrocher à la mort de leur leader pour gripper la machine de leur propre développement les autres qui ont accepté la rectification et la démocratie peuvent se satisfaire d’avoir engagé le Burkina Faso sur la voie de la démocratie.

Une démocratie qui s’est traduite par des élections pluralistes (trois présidentielles, trois législatives et trois municipales). On s’achemine vers les quatrièmes élections législatives. Une situation jamais connue dans l’histoire politique du Burkina.

Quant à Thomas Sankara, le gouvernement a désigné une avenue qui va porter son nom et un mausolée sera érigé à sa mémoire. C’est dire que chaque jour le pouvoir de la IVe République mène des efforts dans le sens de pouvoir placer l’ex-président à la place qu’il devait occuper. C’est vrai qu’en politique comme en affaire, les bienfaits des autres ne sont pas toujours perçus d’un bon œil. Pour la simple raison que cela ne va pas dans le sens des intérêts. Pour les sankaristes qui se sont accaparés le 15 octobre, c’est chaque fois l’occasion pour eux de se faire entendre.

Mais avec les années qui passent la majorité des Burkinabè a fini par se lasser. Preuve que ces Burkinabè ont résolument tourné la page de l’histoire. Aujourd’hui les choses ont changé, vu que la majorité des Burkinabè de moins de vingt (20) ans n’ont pas connu Sankara. Et comme le dit un proverbe de chez nous : "lorsque la tante change de mari, change de parenté à plaisanterie".

Kibsa KARIM


Anniversaire du 15 octobre : On en est encore à chercher des pistes

La tombe du capitaine Sankara

Chaque 15 Octobre anniversaire de la disparition du Président Thomas Sankara est célébré de manière immuable. D’un, procession au cimetière de Dagnoën, dépôt de gerbe de fleurs ; de deux, littérature délirante dans la presse. La dialectique marxiste aura voulu que la question soit : qu’ont-il fait de l’héritage de leur maître à penser ? Cette année, au lieu de cela, il est mis en avant la recherche des pistes.

Nulle par ailleurs qu’au Burkina, les apprentis politiciens adorent dans un excès de passion de sensiblerie et de tentative de distiller des émotions, en veux-tu ? En voilà. L’on ramene le 15 Octobre à un manichéisme de bas étage du plus désespérant effet qui puisse. Dans le rôle du méchant loup qui a pris sur lui de trucider son compagnon d’arme, Blaise Compaoré et dans le rôle du gentil envoyé de Dieu sur terre pour répandre abondance et bonheur sur le Faso, Thomas Sankara.

Ni ange, ni démons, ni super-héros, ni super vilains, ils ne le sont ni l’un ni l’autre. C’aurait été simpliste que le tableau du 15 Octobre se réduise ainsi au duel entre deux hommes et avec pour vainqueur final le méchant. Tout ceci organisé, pensé pour justifier la thèse prisée du complot extérieur. Elément essentiel à la compréhension du moins de la recherche en Afrique, des contradictions politico-sociales.

Ce qui est arrivé le 15 Octobre ne serait pas de la faute des révolutionnaires. Il y aurait obligatoirement une main extérieure celle d’un certain Félix Houphouet Boigny en outre, grand gourou Ouest-africain devant l’éternel.

Comment ne pas lier à une telle lecture le cas ivoirien sa crise étant du fait de l’invention unique du concept d’ivoirité, ci-devant un monstre créé et qui a enfanté les germes de l’explosion intérieure.

Dans une période où en terme de gain politique, l’indexation du voisin permet de donner du relief à l’occasion, l’auteur du forfait étant incapable d’agir par lui-même. Les ex-rebelles ivoiriens à ce sujet en ont pris pour leur grade et le Burkina avec.

Les germes du15 octobre

A l’évidence le mouvement révolutionnaire burkinabè contenait en son intérieur les germes de sa courte durée. Hormis les nombreuses dérives, exactions des structures populaires, marginalisation de nombreux burkinabè, injures et humiliations des chefs coutumiers et en somme les garants de nos valeurs et traditions il y avait la composition par trop hétéroclite du Conseil national de la révolution (CNR).

Cette structure chargée de conduire politiquement les affaires de la révolution se composait de groupuscules communisants qui menaient d’âpres guérillas souterraines pour le contrôle du pouvoir d’Etat.

A dire vrai, ils n’ont jamais parlé la même langue, une fois la conquête du pouvoir finie, chacun croyant détruire la science infuse sur les choses marxiste-léniniste.

Pour corser cette cocotte-minute, les réunions étaient entourées d’un secret maladif, le tout aboutissant à générer la méfiance et les rumeurs propres à déstabiliser le mental le plus rompu à recevoir des nouvelles alarmistes.

Ce culte du secret a alors fini par développer le mythe du complot permanant, le plus connu de tous étant le débarquement spectaculaire du PAI, un an seulement après le 4-Aout, PAI qui détenait avant cette " purge " les rouages principaux de l’Etat.

Alors, la théorie des pistes fait doucement sourire parce qu’il était de notoriété que les contradictions au sein du CNR n’ont fait que se cristalliser au fil des jours. Le dénouement inéluctable de cette crise interne par la tragédie du 15 Octobre devenait une réalité du jour où le président du CNR a pris la décision de militariser le pouvoir en débarquant les civils accusés de semer la zizanie.

Et celui-ci s’est matérialisé lorsqu’il fut aussi " minorisé " au sein de ce CNR new-look et respirant les armes à plein poumons.

Le temps aidant

Certaines théories persistent à dire que " la révolution mange ses propres enfants ". L’histoire politique du pays a culturellement établit la prise du pouvoir par les armes. Du 3 janvier 1966 au 15 octobre 1987, il y a eu le renouveau, le CMRPN, le 7 novembre 1982, le 17 mai 1983 et le 04-Août 1983. La répétition de l’intrusion des armes dans l’espace public a amené de telles contradictions, divisions et rancoeurs dans l’armée que cela ne pouvait qu’entraîner morts d’hommes.

Ce sujet-là même est un débat qui introduit un autre, la capacité du premier responsable du CNR a pacifier l’armée et à cimenter sa cohésion et son harmonie mises à mal par sa trop excessive politisation. En outre, a-t-il seulement ou contrôler les groupes politiques en conflit au sein du CNR et les ramener à se cristalliser sur l’idéal au lieu des luttes de positionnement.

Son rôle ne peut en conséquence être occulté dans la faillite de la révolution même si le temps filant, il est facile de vouloir l’absoudre.

Avec tous les égards et respects dus aux disparus dans l’environnement culturel africain, il est quasi tabou de le charger. Certains diront et ont même dit que c’est parce qu’il n’est plus là pour sa défense. Même si les sankaristes s’en sortent si bien à ce niveau, l’attaque contre ceux qui ne sont plus de ce monde n’est qu’un coup bas en dessous de la ceinture, surtout s’il a autant compté dans l’inconscient collectif.

La gestion in fine du CNR soulève inévitablement des questionnements. Et si le Comité d’Université à Tenkodogo, le pouvoir révolutionnaire provincial (PRP) du Houet à Bobo, le bureau de coordination communal (BCC) du Kadiogo s’en sont pris à lui publiquement et à la direction, il y a là matière au doute.

Les raisons intérieures existaient et ont fini par l’implosion regrettable, mais le temps ne saura signifier l’oubli. Peut-être que tous les protagonistes qui se taisaient par respect de mémoire on suppose, en viendront un jour à écrire l’histoire et la vraie. Et elle sera bien loin des thèses oiseuses des pistes venues des bords de l’océan Atlantique.

Souleymane KONE

L’Hebdo

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Vos commentaires

  • Le 27 octobre 2006 à 22:04 En réponse à : > Thomas Sankara : 19 ans après, on continue de vendre son nom

    Personne n’a jamais pensé que lors du coup d’Etat du 15 octobre 1987, Monsieur Le Président COMPAORE n’était pas au Conseil de l’Entente. Personne ne peut croire aussi que lors de la mort de Zongo et Lingani, Monsieur COMPAORE était en Chine. Il leur a été posé la question de savoir si ceux-ci souhaitaient faire un coup d’état contre Blaise. Ceux-ci auraient répondu de leur aveu que si Diendéré prenait l’inititiative, ils suivraient. ça veut dire quoi tout ça ? Monsieur Le Président COMPAORE a eu, finalement, la chance formidable de ne pas se faire tuer bêtement par les uns et les autres de ces pseudo révolutionnaires en mal de pouvoir. Le reste nous a démontré que Monsieur Le Président COMPAORE représente aujourd’hui, une chance inouïe pour notre peuple. Qui peut dire le contraire ? Objectivement ? Certainement, tous ces apprentis politiciens qui ne savent pas, à quel point, sous cette conjoncture nationale et internationale, il est pénible de gérer le pouvoir d’Etat. Il suffit de voir comment Monsieur Bénéwendé, Stanislas SANKARA a traité le peuple dans son interview. Alors, "ni ange ni démon, l’hebdo a bien résumé la situation comme à son habitude. Laissez le pays reposer en paix avec ses morts et ses vivants. Ange TAMPSOBA, France.

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