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François Goldblatt, nouvel ambassadeur de France : « Je m’attacherai à renforcer la connaissance mutuelle entre les deux sociétés civiles »

Publié le mercredi 25 octobre 2006 à 08h17min

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François Goldblatt

Le nouvel ambassadeur de la république de France au Burkina Faso, François Goldblatt, est arrivé à Ouagadougou dans la nuit du samedi 14 octobre dernier. Dans la matinée du vendredi 20 octobre 2006, il a présenté ses lettres de créance au président du Faso, Blaise Compaoré.

Et dans la même journée, il a accordé une interview exclusive aux Editions Sidwaya. Son parcours diplomatique, ses ambitions pour le Burkina Faso, sa lecture de la crise ivoirienne et de la présidentielle dans son pays ont, entre autres, figuré au menu des échanges...

Sidwaya. : Qui est le nouvel ambassadeur de France au Burkina Faso ?

SEM. François Goldblatt (F.G). : Je prends mes fonctions au Burkina Faso muni d’une expérience diversifiée de 18 années passées au Quai d’Orsay, au cours desquelles j’ai eu à traiter aussi bien des affaires politiques que consulaires, financières et administratives, des dossiers bilatéraux que des affaires multilatérales. J’ai été successivement en poste à Vienne, comme premier secrétaire en charge des affaires du désarmement, entre l989 et l992, à Moscou, de l994 à l997, en tant que conseiller politico-militaire, à Hong Kong, comme consul général adjoint, entre l997 et 2000, immédiatement après la rétrocession du territoire à la Chine ; enfin à New Delhi, de 2002 à 2006, où, en tant que ministre-conseiller.

A Paris, j’ai servi dans trois directions différentes : au Désarmement et à la Non-prolifération (l988-l989), aux Affaires économiques et financières (l992-l994), et aux Affaires budgétaires (2000-2002). Je ne dispose certes pas d’une expérience africaine préalable, mais cela me permet aussi d’aborder mes nouvelles responsabilités au Burkina Faso sans idées préconçues.

S. : Avez-vous, comme votre prédécesseur, demandé à venir au Faso ou est-ce le hasard des mutations au Quai d’Orsay qui vous a conduit au Burkina ?

F.G. : Comme vous le savez sans doute, les ambassadeurs se proposent, et le président de la République dispose... On a bien voulu il y a plusieurs mois déjà me faire savoir en haut lieu que l’on songeait à moi pour un poste de chef de mission diplomatique. Je me suis positionné sur l’Afrique et le Burkina Faso était dès le départ, une des options possibles.

Je suis ravi de la décision du président de la République de m’envoyer à Ouagadougou, compte tenu notamment de l’excellence de nos relations bilatérales, de la densité de notre coopération et du rôle actif joué par votre pays dans la diplomatie régionale. Si l’on y ajoute tout ce qui m’a été dit à Paris de très positif sur la gentillesse, la chaleur et l’esprit de sérieux du peuple burkinabè, alors on peut dire que l’équation est parfaite...

S. : Quelles seront vos priorités durant votre séjour au Burkina ?

F.G. : Nous devons naturellement partir de l’existant, qui est excellent et bonifier encore davantage tout ce qui a été accompli au cours des dernières années. Deux axes s’imposent à l’évidence : d’une part, la coopération, déjà très dense, en matière de développement et d’enracinement de la bonne gouvernance et, d’autre part, le dialogue politique, d’ores et déjà nourri, notamment sur les questions de sécurité régionale et d’intégration économique et financière. Ce second volet va connaître un regain d’importance, avec la double présidence de la CEDEAO et de l’UEMOA qu’exercera le Burkina Faso à compter de décembre prochain.

S. : Vos deux prédécesseurs, en dehors du cadre diplomatique, s’étaient investis l’un dans les arts martiaux, l’autre dans le social. Quelle sera ou pourra être votre touche particulière ?

F.G. : Ne comptez pas sur moi pour les arts martiaux (rires). Plus sérieusement, et sans a priori excessif, je m’attacherai à faciliter tout ce qui peut contribuer à renforcer la connaissance mutuelle entre les deux sociétés civiles. Celle-ci est déjà extrêmement développée, grâce à un maillage des collectivités locales, des ONG et des associations peut-être sans équivalent en Afrique. Je m’efforcerai en particulier de faire de la Résidence de France au Burkina, un lieu d’échange et d’animation de cette dimension essentielle de la relation bilatérale, qui donne au partenariat franco-burkinabè, sa saveur si spécifique.

S. : Au-delà de votre devoir de réserve, comment voyez-vous la prochaine présidentielle en France ?

F.G. : L’opinion publique française la voit manifestement comme la plus porteuse de conséquences profondes pour le pays depuis bien longtemps, probablement depuis l’élection de l98l. Il en découle, notamment pour les jeunes, un regain d’intérêt pour la chose publique, ce qui est en soi une conséquence très positive de la polarisation observée. Maintenant, si votre question porte sur le pronostic, vous observerez que même les meilleurs experts en politologie sont devenus modestes, depuis les surprises du scrutin de 2002 ...

S. : Quelles appréciations faites-vous des conclusions du sommet sur la Côte d’Ivoire tenu le 17 octobre 2006 à Addis Abéba en Ethiopie ?

F.G. : Ces conclusions sont extrêmement importantes pour la suite du processus de sortie de crise. Contrairement à ce que je lis ici et là dans la presse, la détermination de la communauté africaine n’a pas été prise à défaut, bien au contraire. La direction imprimée et l’objectif recherché ne peuvent souffrir de doute, dans l’esprit des observateurs. Il me semble donc que bien des commentaires et des analyses manquent à cet égard de clairvoyance politique.

Bien entendu, comme toujours, le diable est dans les détails, et il appartiendra au Conseil de sécurité à New York de tirer dans les tout prochains jours, toutes les conclusions du travail effectué à Addis Abéba, pour que notamment le schéma institutionnel donne le moins possible matière à interprétation.

S. : La France a toujours été un partenaire de choix du Burkina dans tous les secteurs. Quelles sont les actions que vous allez entreprendre pour revigorer la coopération entre les deux pays ?

F.G. : Il me semble qu’un double travail de sensibilisation est nécessaire. Sensibilisation des autorités françaises, afin de leur rappeler, quand le besoin s’en fait sentir, que la France doit constamment démontrer la pertinence et la qualité des réponses apportées et le caractère compétitif des solutions proposées face aux défis économiques, budgétaires et environnementaux rencontrés par le Burkina. Notre pays agit ici dans un environnement concurrentiel, tant en ce qui concerne les acteurs politiques que les bailleurs de fonds.

Il en découle qu’aucune position n’est jamais acquise. Mais, il y a aussi un travail de sensibilisation à accomplir en direction des autorités burkinabè. Votre pays étant devenu, au fil des ans, une référence dans l’histoire du développement en Afrique, il en résulte aujourd’hui un niveau d’attente particulièrement élevé chez tous les protagonistes, Etats comme institutions internationales, qui ont participé à ce développement.

L’un des plus grands risques aujourd’hui pour le Burkina Faso, me semble-t-il, est celui de décevoir les espoirs placés en lui. Il en résulte une forte contrainte en termes d’image : avancer dans la bonne direction ne suffit plus, il faut continuer d’avancer à un rythme soutenu. Vous avez là l’une des contreparties au progrès enregistré de manière continue, ces derrières années. C’est en quelque sorte pour le Burkina Faso, le prix de la réussite.

Alassane KARAMA
Pauline YAMEOGO

Sidwaya

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