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Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Le Burkina perd la mémoire...

Publié le vendredi 20 octobre 2006 à 08h42min

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Depuis un certain nombre d’années, les projets pour le développement socio-économique sont enrobés de fortes doses de politique, à tel point que l’on se demande si le passé a jamais existé, où les intérêts des partis n’avaient aucune emprise sur ceux des communautés respectives.

Et pourtant des jalons ont été posés sur la voie du développement, des jalons que s’évertue, semble-t-il, à bousculer chaque responsable qui passe...
Les anciens se rappellent sans doute cette émission de la radio nationale qui s’intitulait ’’La radio a de la mémoire’’.

Ce qui ne semble plus être le cas aujourd’hui, s’il est vrai que des archives auraient périodiquement disparu de la maison. Chaque régime disposait d’hommes qui se croyaient obligés de gommer le passé, pour faire plaisir à leurs maîtres du moment. Dès lors, l’on peut imaginer et louer la prouesse des dirigeants de la TNB dans sa quête de documents qui auront contribué à la « réussite » de la rentrée télévisuelle.

Le grand regret des auditeurs et téléspectateurs est que malgré sa pôle position - on le suppose sur le satellite - la TNB ne soit pas vue ou entendue par la majorité des Burkinabè. N’est-ce pas que l’on aurait dû passer par là avant de regarder vers le ciel ? Premier pays de la sous-région à disposer de cet outil qu’est la télévision, on ne saurait dire qu’il y a eu réellement progrès, comparativement à d’autres zones. L’esprit pionnier semble avoir disparu, mais silence, c’est la globalisation, on cherche des sous !

Le phénomène du perpétuel recommencement n’est certes pas un monopole du Burkina, certains faits prouvent que dans ce domaine l’« exception burkinabè » n’est pas un vain mot : lorsque dans un service est ’’parachuté’’ un nouveau responsable, dans ses petits souliers neufs, il pense avoir dans la tête les instruments inédits et indispensables qu’il faut pour répondre aux interrogations et attentes des administrés.

Ainsi, de nombreux responsables auront-ils cédé à la fascination des mots, voire des modes, espérant en faire des armes pour l’efficacité et l’excellence. Le secteur de l’éducation est un exemple patent. Outre l’inflation de titres et grades au sein du corps, les méthodes à utiliser restent toujours matière à discussion, et la trouvaille des « centres d’éducation non formelle » ne semble pas recueillir l’adhésion de tous.

Du coup, on en est à regretter la disparition des ’’centres de formation de jeunes agriculteurs’’ qui avaient pour objectif entre autres la fixation des jeunes dans leurs terroirs respectifs. Avec la communalisation intégrale en cours, ces centres auraient pu être d’un apport considérable...
Ces dernières années, ici et là s’organisent parfois des séances foraines pour l’attribution de jugements supplétifs d’actes de naissance.

Sait-on que les enseignants, jadis, constituaient un maillon important dans la chaîne de transmission administrative du pays ? Les directeurs d’école, généralement, se voyaient octroyés par le ’’commandant de cercle’’ la charge d’officier de l’état civil et procédaient à l’inscription des nouveaux-nés sur les registres dont ils disposaient. Une tâche qui entrait dans le cadre des ’’heures supplémentaires’’, ainsi rémunérées en plus des cours d’alphabétisation des adultes qu’ils dispensaient, après dix-sept heures.

On le voit, la baisse de considération envers les enseignants a fini par provoquer une réaction en chaîne dans le système administratif, où il n’existe pratiquement plus d’agent d’exécution, du moins dans les faits : il n’y a guère plus de « commis expéditionnaires », mais des secrétaires ou assistants de direction auxquels du reste le ’’patron’’ fait moins confiance qu’au logiciel de français de son ordinateur. Dans ce registre, que d’anecdotes pittoresques dans certains services ! Mais que faire lorsque les recrutements de la Fonction publique sont eux-mêmes sujets à caution ? Procéder par tests est une mauvaise façon d’opérer selon certains pédagogues.

Rappelons d’ailleurs ce qu’en pensait le célèbre psychologue Jean Piaget : « Le test ne donne jamais que la mesure de la performance, c’est-à-dire ce que l’individu arrive à faire, à un moment donné pour une question donnée, alors que l’important est de savoir ce qu’il a dans le ventre, ce qu’il sera capable de faire par la suite »...

Comme on peut le constater, la modernisation dont on parle tant semble avoir du plomb dans l’aile : exit les ’’plantons’’, les « gardes champêtres » et autres ’’manuvres’’, pour faire place nette aux ’’agents de liaison’’, aux ’’policiers municipaux et autres ’’techniciens de surface’’. Mais à l’exécution des tâches, quasi identiques, les premiers semblent avoir beaucoup plus de mérite...

Afin de ne pas voir attribué à ce propos une vision passéiste du développement, dissipons l’équivoque : une génération n’est pas moins capable qu’une autre de savoir ce qu’elle fait, de mettre de l’ordre dans ses affaires et du beurre dans ses haricots ! Non, les constats sont parfois déplorables et il s’agit de savoir ici et maintenant, si l’on ne met pas souvent la charrue devant les bufs, si l’on ne brûle pas ’’inutilement’’ des étapes...

On a même vu, il n’y a pas longtemps, comment la culture, cet élément essentiel du développement, se mourait aux coins des rues du Faso ! Prenons les noms des quartiers simplement numérotés ! Les sociologues savent que ces noms constituent parfois un ’’droit à la différence qui confère un certain prestige au quartier. C’est souvent une monnaie sociale à laquelle tiennent les habitants de ces quartiers’’.

Le passé est un puissant antidote pour vaincre les peurs du futur, mais il semble qu’ici l’art de provoquer l’oubli est cultivé par certains de ceux-là qui, pour justifier leurs avantages matériels, ont toujours tendance à atomiser la politique du développement par la fabrication de projets à viabilité nulle...

’’Ici, tout est prioritaire’’... Un refrain qui sert à calmer les syndicats, vainement, car on ne le dirait pas : la mauvaise utilisation des ressources humaines paraît être l’équation la plus difficile à résoudre : on est loin du temps où certains agents de l’administration recevait une formation pluridisciplinaire. Alors que l’on prône partout dans le monde une politique plus volontariste en matière de santé publique, au Burkina l’on forme des infirmiers et autres sages femmes... pour la rue ! Un autre secteur qui mérite un débat public...
Où en est-on alors avec la solidarité,

cette chose dont on dit qu’elle est légendaire en Afrique ? On n’y voit plus qu’une autre ’’manière’’ de récompenser des amis.

Au Mali, heureusement, on a décidé de gommer cette vision des choses en procédant récemment à une opération baptisée « tricyphone ». Il s’agit de doter les ’’personnes différentes à mobilité réduite, puisqu’ainsi faut-il les nommer, pour être civiquement correct, de tricycles et de téléphones portables. Ces ’’télécentres’’ ambulants permettant aux bénéficiaires de se prendre en charge. Plus d’un milliard de cfa sera consacré à cette opération. Au Faso, certains bénéficiaires de tricycles trouvent là une occasion pour mieux mendier, en ratissant large...

Les questions du développement intéressent tout et, avec la décentralisation, le débat ira de plus en plus en profondeur. Mais comme le disait hélas quelqu’un, le trait frappant des sociétés modernes, c’est la modestie des techniciens et des savants opposée à l’outrecuidance des politiciens ».

A. Pazoté
Journal du jeudi

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Vos commentaires

  • Le 20 octobre 2006 à 15:39, par Ziss En réponse à : > Le Burkina perd la mémoire...

    J’ai été surpris par la pertinence de l’argumentaire de cet article. Je suis même surpris de voir qu’il y a toujours des têtes pensent toujours à l’avenir de notre pays en interpellant les uns et les autres au ressaisissement. En effet, Le Burkina faos de nos est un pays qui loin d’intercaner les valeurs que lui imprime sa dénommation. Nous vivons un monde braderie qui ne dit pas son npù. J’ai le sentiment que rien ne se conjugue plus au futur au pays des hommes "intègres" ( entre griffe, car j’hésite à l’employer tellement on est en déphasage). Le Faso qui est apparu aux yeux du monde au début des années 80 sous les feux de la révolution comme un modèle est passé au rang des pays qui n’ont plus d’identité, qui semblent amorphe et apathique leurs hommes étant tombés sous le coup du désespoir puisque ne croyant presque plus en l’avenir. Cela se traduit par le fait que nous pensons de plus en plus au présent. Nous pensons à notre être, pas à celui de nos enfants, de nos petits enfants. Un conseil est devenu moyen de lucre. On ne manque pas la moindre occasion de se faire de l’argent quite à compromettre l’avenir des générations à venir. Cela peut être compris par la fameuse initiative prise pour la salubrité des établissements d’enseignement secondaire avant la reprise des classe. Si nous sommes en arrivés à la phase de la déresponsabilisation des hommes de demain en leur otant la prise en charge de l’entretient de leur environnement de formation qu’est l’école quanq est-ce que ceux-ci prendre conscience du sens de la responsabilité. Je me demande où allonsnous !

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