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3e Forum sino-africain : L’offensive chinoise en Afrique

Publié le mardi 17 octobre 2006 à 07h39min

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Le troisième Forum de coopération sino-africaine (FCSA) aura lieu du 3 au 5 novembre 2006 à Bejing, capitale de la république populaire de Chine. Lancé en octobre 2000, le FCSA est devenu un espace de dialogue entre la Chine et les pays africains qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques avec Taïwan.

A Pékin, il s’agira de faire le point sur les relations économiques et commerciales entre l’Afrique et la Chine et de jeter les bases de la coopération future.

En janvier 2006, les dirigeants chinois ont publié un document officiel sur leur politique africaine dans lequel ils affirment que « La Chine qui est le plus grand pays en développement dans le monde et très attaché à la paix et au développement poursuit une politique extérieure d’indépendance et de paix. (...). Et souhaite développer des relations amicales avec touts les pays, resserrer l’amitié et intensifier la coopération avec eux dans l’intérêt de la prospérité commune, afin de promouvoir la paix et la stabilité dans le monde ». « L’Afrique, soulignent les auteurs du document, le continent qui regroupe le plus de pays en développement, constitue une force de poids dans la réalisation de la paix et du développement dans le monde ».

Avec une forte croissance économique à deux chiffres durant plusieurs années, la Chine est devenue un grand pays consommateur de matières premières agricoles, d’hydrocarbure et de minerais. Elle a donc intérêt à s’intéresser un peu plus à l’Afrique, riche en matières premières car les liens entre les deux parties remontent loin dans le passé, notamment dans les années 60-70 quand la Chine menait, aux côtés de pays africains, le combat contre l’impérialisme.

Face à la mondialisation, la Chine privilégie maintenant les relations économiques et commerciales et le lancement, puis l’organisation de deux précédents Forums ont permis de définir la nouvelle politique de la Chine en Afrique. A l’issue du deuxième Forum en 2003 à Addis-Abeba, en Ethiopie, un plan d’action a été adopté avec des objectifs fixés pour la période 2004-2006.

Et depuis lors, on ne compte plus le nombre de voyages effectués par les dirigeants chinois en Afrique et vice-versa. En janvier 2004, le président Hu Jintao s’est ainsi successivement rendu en Egypte, au Gabon et en Algérie, pendant que d’autres pays comme le Nigeria, le Soudan, l’Angola, le Tchad et la Libye dont le sous-sol regorge aussi d’énormes réserves pétrolières sont l’objet d’une politique intensive de séduction par le gouvernement chinois.

La Chine a toutes les raisons de se tourner vers le contient noir. Selon les économistes, elle importera 60% de son énergie en 2020 et l’Afrique représente déjà 25% des importations, principalement le Soudan où la China National Petroleum Corporation (CNPC), exploite depuis 1997 de nombreux gisements.

La moitié des 500 000 barils par produits par Karthoum est exportée vers la Chine. L’hebdomadaire français le Journal du dimanche (JDD) du 13 avril 2006 a révélé que les rebelles du Front uni pour le changement (FUC) qui ont failli renverser le président tchadien Idirss Déby Itno en avril dernier étaient armés par les Chinois. Ceci explique t-il le revirement diplomatique de N’Djamena qui a décidé début août de renouer des relations avec la Chine au détriment de Taïwan ?.

Une chose est sûre, les Chinois ont résolument mis le cap sur l’Afrique, décidés à y rester vu la hausse constante des échanges commerciaux. De 817 millions de dollars en 1977, ils ont atteint 10 milliards en 2000, puis 18,5 milliards de dollars en 2003 avant de plafonner à 39,7 milliards de dollars en 2005.

En l’espace de quelques années, l’Empire du Milieu est devenu le troisième partenaire commercial de l’Afrique devançant ainsi l’Angleterre et derrière les Etats-unis et la France. Les investissements directs chinois ont presque triplé passant de 135 millions de dollars en 2004 à 750 millions de dollars à la fin de l’année 2005. Déjà actionnaire de la Banque africaine de développement (BAD), la Chine est entrée dans le capital de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) en novembre 2004 pour un montant de 16 millions de dollars.

Sur le continent, on compte pas moins de 900 entreprises chinoises opérant essentiellement dans le pétrole et les infrastructures.
L’Afrique du Sud est le principal partenaire économique de la Chine puisqu’à elle seule, elle représente 20% des échanges entre le continent et la Chine et près de 100 000 Chinois vivent dans le pays de Mandela.

Au Nigeria, premier producteur africain de pétrole, le gouvernement chinois a déboursé 2,7 milliards de dollars pour acquérir des parts dans l’exploitation de champs pétrolifères. Au Gabon, Total-Gabon et Sinopec ont signé un contrat de vente de pétrole brut d’un million de tonnes, faisant de Pékin, le troisième client de l’or noir gabonais derrière les Etats-Unis et la France.

Selon l’Agence française de développement (AFD), « entre 2000 et 2004, la part de l’Afrique dans le commerce extérieur chinois a triplé ». Les exportations africaines vers la Chine sont essentiellement des matières premières agricoles, du pétrole et des minerais. « L’offre chinoise est bien adaptée à la demande africaine car les produits chinois ne se substituent pas aux productions locales mais ils représentent une concurrence redoutable pour les produits d’importations onéreux », observe l’AFD. L’Afrique importe des tissus, des biens de consommation (habillement, chaussures, téléviseurs, motocyclettes) et même des véhicules chinois.

Depuis avril 2006, une gamme de véhicule 4x4 dénommée « Oum Sang » du nom de la star de la chanson malienne Oumou Sangaré, fabriquée en Chine et adaptée au marché africain est commercialisée à Bamako. Si tout se passe bien, le Nigeria devrait lancer en mars 2007 un satellite de télécommunications baptisé NOGOMSAT-1 dont la construction est confiée à la société chinoise Great Wall Industry Corporation.

Une étude de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) de mai 2006 montre que dans les années à venir, la Chine et l’Inde peuvent représenter des débouchés de première importance pour les produits primaires africains, contribuant à diversifier les partenaires commerciaux du continent.

En 2004, les exportations des pays africains au sud du Sahara ont augmenté de plus de 60% avec certes des différences selon les zones géographiques. D’après l’AFD, dans la zone ouest-africaine, « la part des importations en provenance de la Chine est multipliée par 2,5 entre 2000 et 2004, en progression de 4 à 10% du total des importations, tandis que les exportations vers la Chine bondissent quant à elles de 0 à 9% des exportations totales.

En Afrique centrale, la progression est plus modeste car les importations de produits chinois est multipliée par deux entre 2000 et 2004, mais ne représente que 3% des importations, tandis que les exportations vers la Chine ont plus que doublé, passant de 6 à 14% ».

A l’évidence, l’Afrique la forte demande en produits primaires des pays asiatiques pourrait profiter à l’Afrique, à l’image des producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest qui ont vu « leurs exportations vers la Chine stimulées par le démantèlement de l’accord multifibres et par la croissance rapide de l’industrie textile chinoise qui s’en est suivie » souligne l’OCDE.

Les exportations vers l’Asie d’un pays comme le Burkina Faso ont crû de 13% entre 1999 et 2003 et cela étant la conséquence en de la réorientation des exportations de coton burkina. L’Asie a absorbé à elle seule près de 68% du coton burkinabè en 2003, dont 36% par la Chine.

Mais la fin de l’accord multifibres intervenue en décembre 2004 n’a pas seulement mis en péril l’industrie textile en Europe, mais aussi en Tunisie, à l’Île Maurice et au Togo où le chiffre d’affaires des Nana Benz s’est effondré devant la déferlante de produits chinois moins chers.
Officiellement, le Burkina n’entretient plus de relations diplomatiques avec la Chine populaire depuis qu’il a reconnu Taïwan en 1994. Toutefois, l’attitude du gouvernement burkinabè à l’égard de Pékin laisse penser qu’il pourrait reconsidérer son choix diplomatique comme l’ont fiat le Niger, le Tchad et le Sénégal.

Début octobre 2006, des responsables de l’Association du peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger ont ainsi séjourné au Burkina à l’invitation de Forum d’amitié sino-burkinabè, une association qui milite ouvertement pour la reprise des relations avec la Chine populaire. Considérée comme privée, cette visite a néanmoins agacé l’ambassadeur de Taïwan au Burkina, Tao Wen Lung, qui se demande « si c’est le signe d’un nouveau choix diplomatique ».
Les Chinois ne troublent pas que le sommeil des seuls Européens !

Joachim Vokouma,
Lefaso.net

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