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RDC : Un volcan en sommeil

Publié le lundi 16 octobre 2006 à 07h48min

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La République démocratique du Congo (RDC) n’est décidément pas sortie de l’auberge. Les indicateurs sont là pour prouver que les premiers scrutins libres que vit l’ex-Zaïre ne permettront pas facilement de tourner la page de plusieurs décennies de guerres.

On peut, en effet, craindre une nouvelle escalade de violences, dans les jours à venir. Le 29 octobre prochain, 25 millions d’électeurs seront appelés à départager le chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila, favori du scrutin, et le vice-président Jean-Pierre Bemba, qui ont respectivement obtenu 44,8% et 20% des voix au premier tour de la présidentielle le 30 juillet dernier.

Même si ces élections marquent un tournant décisif dans l’histoire des institutions politiques de ce pays, il est tout de même à craindre que l’ex-Zaïre renoue avec la chienlit. En août dernier, des troupes fidèles aux deux candidats s’étaient violemment affrontées à Kinshasa, où l’atmosphère reste toujours tendue. La trêve est fragile. A la décharge des uns et des autres, force est de reconnaître que ce sont les premiers pas véritablement "démocratiques" du bébé RDC.

Reste que s’il n’a pas encore réussi à conjurer les démons de l’instabilité et de la violence, c’est sans doute parce que ce vaste pays d’Afrique centrale, scandaleusement riche, est au centre de divisions, d’intérêts divergents, et de convoitises de toutes sortes. Cocktail d’ambitions contradictoires qui ne vont malheureusement pas toujours dans le sens de ses intérêts, la RDC ne saura-t-elle jamais être à l’abri des prédateurs, notamment les pays voisins et occidentaux ?

Accueilli aux Etats-Unis puis en Europe avec tous les égards dus à un chef d’Etat, Joseph Kabila s’est rapidement positionné auprès des grandes capitales occidentales comme représentant le seul pouvoir légitime dans ce pays divisé. Il bénéficie du soutien de l’Angola tandis que Jean Pierre Bemba bénéficie de celui de l’Ouganda notamment. Chacun compte, en fait, son réseau de soutiens tant intérieurs qu’extérieurs.

Mais cela explique-t-il, pour autant, que les dirigeants congolais se rendent complices du pillage des ressources naturelles du pays ? La RDC aurait été sûrement une nation très puissante avec ses scandaleuses richesses si elle n’avait pas vu son patrimoine dilapidé. Un géant aux pieds d’argile, prisonnier d’un destin maléfique et qui voit ses forces se transformer finalement en faiblesses.

Qui sauvera la RDC ? Il est clair que ses dirigeants sont les premiers à porter la responsabilité de ce qui adviendra de ce pays. Pour l’intérêt supérieur de la nation congolaise, l’acceptation des résultats des élections par les principaux protagonistes s’avère primordiale. Quel que soit le verdict, chacun des deux candidats au second tour devrait accepter de se plier à la volonté populaire, si tant est que le scrutin se soit déroulé globalement dans de bonnes conditions.

Et à ce propos, il appartient à la communauté internationale de jouer à fond sa partition. Sa responsabilité est tout aussi engagée, en ce qui concerne l’avenir de la RDC. Il faudra travailler à offrir au scrutin toutes les garanties de sécurité et de transparence et se tenir prêt à parer à toute éventualité.

Cela dit, après les résultats qui sortiront des urnes, les différents adversaires trouveront-ils les mots adéquats pour apaiser leurs partisans, en cas de défaite ? Se comporteront-ils en bons princes ? Si l’on peut le croire en ce qui concerne Joseph Kabila, le candidat de l’Alliance de la majorité présidentielle, on ne saurait en dire de même pour son challenger, Jean Pierre Bemba.

Joseph Kabila aurait pu organiser des fraudes massives face à un candidat aussi redoutable que le leader des ex-rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) (il est nanti, compte de nombreux soutiens à l’étranger et au Congo), et éviter ainsi d’être mis en ballottage. C’est la preuve de la relative qualité du premier tour du scrutin.

Mieux, c’est dire que Kabila ne cherchera pas, par tous les moyens, même les plus abjects, à se maintenir à son fauteuil. Jean Pierre Bemba, quant à lui, voudra user de tous les moyens qui lui permettront d’échapper à l’étau de la justice. Il pourrait être effectivement poursuivi par la justice internationale, accusé qu’il est, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

On peut croire que si le pays n’a pas été plongé jusque-là dans le chaos, c’est parce qu’il est passé au premier tour. Tous les moyens dont il dispose, tant financiers, matériels, qu’humains, et ses nombreux soutiens ont certainement joué dans les résultats du premier tour.

Il faut dire que le cas congolais est très complexe. Une complexité qui est telle, qu’elle s’est même ressentie dans la composition de l’exécutif congolais. Ce pays très vaste et difficile à gouverner a toujours eu la particularité d’être instable ; une instabilité sur fond d’agitations des grelots d’un régionalisme et d’un ethnicisme étriqués. Fier de ses origines, et revendiquant haut et fort sa "congolité", Jean Pierre Bemba n’a eu de cesse d’accuser son adversaire d’être le "candidat de l’étranger", tandis que ce dernier, son concurrent politique, le traite de cannibale.

Le président Mobutu, il est vrai, avait réussi à maîtriser plus ou moins ce chaudron social, mais sa gestion dictatoriale des affaires, comme on le sait, avait fini par le disqualifier. Il ne faut pas avoir peur de le dire : la RDC est un volcan en sommeil.

Le Pays

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