Toutes ressemblent à un vaste cirque où, à la longue, il n’y aura plus aucun spectateur pour applaudir sauf Gbagbo qui les a toutes eues à l’usure. Il ne leur reste plus qu’à avaler la pilule amère de la déroute et du déshonneur.

Quelqu’un disait qu’on ne fait pas la politique avec la morale, mais qu’on n’en fait pas davantage sans la morale. C’est dire que nos dirigeants devraient avoir ce supplément d’âme pour comprendre qu’ils ne devraient pas dilapider les maigres ressources à eux confiées par les citoyens et dont ils ont besoin pour les sortir des ornières de la misère.

Ce ne sont ni plus ni moins que des détournements et des abus de biens sociaux, l’organisation d’interminables et d’improductifs sommets et autres réunions d’experts qui sont des coquilles vides et inutilement budgétivores. Du reste, certains chefs d’Etat seraient bien inspirés d’éviter de jouer aux pigeons voyageurs, car à force de voltiger de sommet en sommet, ils risquent un jour de se voir confisquer leur fauteuil.

Plutôt que de poursuivre l’insaisissable fantôme ivoirien, ils feraient mieux de s’occuper de leurs oignons qui, s’ils ne sont apparemment pas aussi pourris que ceux de Côte d’Ivoire, ne comportent pas moins de risques d’indigestion. Une chose est sûre, la fin des empires a deux principales causes. La première cause vient de la révolte des peuples assujettis. La seconde a pour origine ce mélange détonnant de paresse intellectuelle et d’orgueil démesuré des dirigeants consistant à vouloir se comporter en prophètes chez les autres tout en jouant la politique de l’autruche dans leur pays.

Après le cuisant échec du sommet d’Abuja qui n’a trouvé mieux que de refiler la chaude banane ivoirienne à l’Union africaine qui à son tour va la réexpédier à l’ONU, d’ailleurs à l’origine de ce blocage par son laxisme et son impuissance, on avait espéré que nos chefs d’Etat, par pudeur, allaient être dans leurs petits souliers et se mettre à l’abri de la risée des peuples africains qui attendaient d’eux plus de courage et de compassion pour les pauvres Ivoiriens qui vivent depuis plus de quatre ans, le cauchemar d’une crise dont ils ne sont pas responsables.

C’est Denis Sassou N’Guesso, président en exercice de l’Union africaine, qui a surpris tout le monde en déclarant que la réunion de l’instance qu’il dirige doit être celle de la fermeté à l’égard de Laurent Gbagbo. Pourquoi ce brusque changement de ton après coup ? Veut-il laisser entendre que jusque-là on a été trop tendre à l’égard du président ivoirien ?

Ou bien s’agit-il de la réaction d’un homme humilié qui, lors de son passage à Abidjan, a été pratiquement ignoré par son homologue ? Avant de voir le président congolais au pied du mur, Laurent Gbagbo avait été moins tendre envers Bongo qu’il avait traité de "rigolo". Cela n’a pas empêché ce dernier de proposer la prolongation du mandat du chef de l’Etat ivoirien.

En fait, s’il y a une constante dans le dossier ivoirien, c’est la fuite en avant de tous les messies qui ne proposent que le même remède qui a fini par immuniser Laurent Gbagbo. On est tenté , au stade actuel de l’évolution de la situation, de demander qu’on laisse Gbagbo tranquille parce que jusqu’à présent, tout ce qu’il entreprend lui réussit.

N’a-t-il pas, en effet, réussi à diaboliser son sauveur d’hier, la France, en exacerbant le sentiment antifrançais et en exaltant la fièvre nationaliste de certains de ses compatriotes ? En Afrique, il a tissé des liens solides avec l’Afrique du Sud et l’Angola dont le poids diplomatique et économique compte sur l’échiquier africain .

A l’ONU, le droit de veto de la Chine et de la Russie, membres permanents du Conseil de sécurité, grâce auquel elles ont pu bloquer les sanctions contre les deux piliers du pouvoir ivoirien, est une arme redoutable à la disposition de Gbagbo qui lui donne un temps précieux pour consolider son énième quinquennat (cela n’est guère surprenant).

En effet, ni la première résolution prolongeant le mandat de Gbagbo, ni celle en gestation et dont on est sûr qu’elle ressemblera à celle qui l’a précédée comme une soeur siamoise, n’est assortie d’aucune solution de remplacement en cas d’échec de la transition. Faut-il prolonger à l’infini le mandat de Gbagbo et faire de lui, un président à vie ?
Autrement, quelle solution propose-t-on après le troisième mandat de Gbagbo ?

Même la France qu’on a longtemps accusée de pratiquer une politique ambiguë en Côte d’Ivoire, a cette fois osé demander, par la bouche de Chirac, de dissoudre la Constitution ivoirienne. C’est séduisant de proclamer que les forces armées soient mises à la disposition du Premier ministre. Mais ce ne sont que de simples déclarations d’intention et des pétards mouillés tant que la Constitution est là, celle-là même que Gbagbo a utilisée pour verrouiller le système.

A défaut de répondre aux angoisses des Africains, que nos chefs d’Etat cessent de nous divertir avec leur cirque qui ne draine plus grand monde et, surtout, qu’ils arrêtent ce gaspillage inutile d’argent. Gbagbo a demandé qu’on laisse les Ivoiriens régler eux-mêmes leurs problèmes sans interférences extérieures. Accordons-lui cette requête.

"Le Fou"

Le Pays