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Jeudi noir à Abidjan : Oui, Laurent n’est pas Aristide

Publié le mardi 30 mars 2004 à 16h24min

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Jeudi 25 mars 2004, place de la République à Abidjan, la marche pacifique programmée par l’opposition ivoirienne pour exiger l’application intégrale des Accords de Linas Marcoussis et d’Accra II a tourné au vinaigre.
Les militants du PDCI/RDA, du RDR, des Forces nouvelles, etc. l’auront appris à leur dépens, on ne brave pas impunément une interdiction de Gbagbo.

Tous, en tout cas, étaient prévenus depuis le début de la grave crise que traverse la terre d’Eburnie : "Je ferai pleuvoir le feu sur la tête de mes ennemis".

Oui, l’enfant de Mama, parvenu lui-même au palais de Cocody à la faveur d’une marche similaire alors que les résultats de l’élection présidentielle d’octobre 2000 tombaient au compte-gouttes, a tenu parole.

Son armée, à lui, a sorti une armada de la dernière génération pour contrer des marcheurs aux mains bien nues. Des chasseurs Sukhoï-25 par-ci, des hélicoptères MI-24 par-là en passant par les grenades à fragmentation ; une triste démonstration de force qui n’a intrigué ni les forces de la CEDEAO, ni celles françaises stationnées sur les bords de la lagune Ebrié pour maintenir la paix.

Avaient-elles seulement déjà choisi leur camp ? Rien n’est moins sûr, et les déclarations de l’ambassadeur français à Abidjan, Gildas Le Lidec, étaient des plus prémonitoires : "La marche organisée pour réclamer l’application intégrale de l’Accord de Marcoussis n’était rien d’autre que de la provocation".

Depuis jeudi, en tout cas, c’est à une macabre comptabilité que se livrent les partis politiques de l’opposition, les mouvements de défense des droits de l’homme, la Croix rouge, les Nations unies. Et aujourd’hui, on assiste à une guerre des chiffres : officiellement 25 morts recensés dont 2 policiers, 150, 300 et même 500 morts pendant et après la marche pacifique rétorquent les autres.

Mais cela n’émeut nullement Laurent Gbagbo qui, toute honte bue, a présenté ses vives félicitations aux forces de défense et de sécurité, "qui ont une fois encore donné la preuve de leur loyauté, et pour le sang-froid avec lequel elles se sont acquittées de leur devoir". Pour Laurent Gbagbo, les événements du 25 mars n’ont rien à avoir avec une manifestation pacifique.

"En réalité, a-t-il déclaré, il s’agissait, sous le couvert d’une marche, de faire entrer la rébellion à Abidjan, de saper les bases de l’Etat". On voit aisément que, pour une fois que ce ne sont pas "ses patriotes" qui cassent tout ou qui "terrorisent" en dépit du même fameux décret présidentiel d’interdiction de manifester, l’illustre époux de Simone élève la voix et exhibe les muscles.

Après le carnage du jeudi 25 mars qui rappelle bien d’autres commis depuis son accession à la magistrature suprême, on peut bien se demander comment Gbagbo parviendra à ressouder les morceaux avant l’échéance présidentielle de 2005. Son invitation faite aux partis et mouvements ayant suspendu la participation de leurs ministres aux activités du gouvernement à reprendre leur place est tombée dans l’oreille d’un sourd.

Pire, ces adversaires promettent d’investir tout le pays d’est en ouest, du nord au sud, pour dénoncer, condamner la barbarie et les assassinats prémédités, et exiger une nouvelle fois l’application intégrale des Accords de Linas- Marcoussis et d’Accra II.

Que leur réservera-t-il cette fois-ci ?

Le fer et le feu, comme à l’accoutumée, étant donné que les actions qu’il a posées jusque-là ont été solennellement avalisées et bénies par la douce et généreuse France et la communauté internationale.

Ce ne sont pas les condamnations d’après-coup, ni les commissions d’enquêtes fictives qui l’en dissuaderont. La France et les siens ont leur café et leur chocolat chez Gbagbo, autant donc l’accommoder, même au prix du sang de milliers d’autres Ivoiriens.

Et ce sera ainsi jusqu’à ce que, comme au Rwanda le 6 avril 1994, l’horreur advienne à travers génocide, épuration ethnique et extermination, embrase toute la sous-région ouest-africaine comme dans les Grands-Lacs, pour que les vautours commencent à survoler nos cieux en quête de charogne.

Mais ne donnons pas de si tôt tort à Gbagbo, car, à vouloir être ange, Félix Patassé a été chassé de Centrafrique. Un homme prévenu en valant deux, Koudou Laurent Gbagbo a rougi l’œil et haussé le ton.

C’est ainsi que, répondant hier dimanche à un journaliste de RFI, il a traité ses opposants d’enfants gâtés pour ensuite conclure : "Je ne suis pas Aristide et la Côte d’Ivoire n’est pas Haïti".

Pour une fois on peut dire que le président ivoirien a vu juste, car le président haïtien a fait moins que ça, et pourtant ! On l’a souvent dit, seul le diable a longue vie.

L’Observateur

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