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Afrique du Sud : Un racisme à rebours ?

Publié le mardi 10 octobre 2006 à 09h07min

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Récemment, de jeunes Sud-Africains blancs ont manifesté devant la Présidence de la République. Ils entendaient protester contre ce qu’ils considèrent comme une injustice à leur égard en matière d’emploi. Pour l’occasion, ils n’ont pas craint de rappeler de douloureux souvenirs en se peignant en noir, leur but étant de choquer pour créer un électrochoc au sein de l’opinion.

Si le caractère spectaculaire de la manifestation est indéniable, il reste que sa portée paraît très limitée car elle a mobilisé moins d’une centaine de personnes.

Les jeunes diplômés Blancs ont peut-être de plus en plus de difficultés à trouver de l’emploi. Mais faut-il imputer cette situation à une politique de discrimination raciale ? Certainement pas. Certes, les autorités, pour rattraper l’énorme injustice causée aux Noirs pendant des années, avaient instauré une sorte de discrimination positive, à l’instar de ce qui se fait aux Etats-Unis, dans le domaine de l’éducation, de la formation et de l’emploi.

Mais de là à considérer cette pratique comme du racisme à rebours contre les Blancs, c’est aller vite en besogne et fuir le vrai débat sur l’Afrique du Sud postapartheid. Selon la revue « Relance » des Nations unies, le recul des revenus relatif des Blancs s’explique en grande partie par la suppression de milliers de postes qui a fait suite à l’abandon des mesures de protection de l’emploi dont bénéficiaient les Blancs.

Il y avait donc une sorte de régime préférentiel pour les Blancs en matière d’accès à l’emploi, de sorte que le problème du chômage leur était inconnu. Ils étaient à l’abri du besoin. Avec la nouvelle donne, qui a mis fin à ce favoritisme, la jeunesse blanche semble avoir perdu ses repères, car obligée désormais de se battre à armes égales avec les autres composantes de la société sur le marché de l’emploi.

Il n’est pas donné à tous de pouvoir opérer cette mutation. Après des années d’une vie rendue facile grâce au système d’oppression et d’exploitation des Noirs, de nombreux Blancs n’arrivent pas à s’adapter à la nouvelle réalité. Pourtant, et malgré les apparences d’une réduction des écarts de pauvreté, la fracture raciale demeure béante au pays de Mandela. S’ils ont perdu le pouvoir politique, les Blancs gardent une main ferme sur le levier économique. « Bien que les disparités se soient quelque peu atténuées, la répartition des revenus reste l’une des plus inégales du monde », constate « Relance ».

Les Noirs continuent à payer un lourd tribut à la période de l’apartheid. Et s’il y a une communauté qui devait se plaindre de son sort, c’est bien celle noire. Majoritaire et exerçant le pouvoir d’Etat, elle reste cependant reléguée dans les ghettos, qui n’ont pas disparu comme par enchantement. La criminalité qui règne en Afrique du Sud est d’ailleurs une des manifestations violentes de la pauvreté et du chômage.

Si les jeunes Blancs déguisés en Noirs veulent défendre une cause, c’est bien celle de toute la nation arc-en ciel. Au lieu de remuer dans les vieilles plaies, comme s’ils regrettaient le temps révolu de la ségrégation raciale, ces jeunes ont intérêt à s’adapter aux nouvelles réalités. Et tout combat doit aller dans le sens de l’incitation des pouvoirs publics à créer plus d’emplois et favoriser un climat propice aux affaires.

A l’instar de la plupart des pays, la mondialisation a fait des ravages socioéconomiques en Afrique du Sud. Les délocalisations, les fermetures d’usines, les licenciements ont laissé sur le carreau des milliers de travailleurs, noirs comme blancs.

La lutte devrait donc se mener non pas sur la base de l’appartenance ethnique, mais en tenant compte du nouveau contexte sud-africain et des mécanismes de revendication existants. C’est la seule façon d’éviter que le pays replonge dans la laideur du développement à deux vitesses. Les autorités du pays ont, à cet égard, une lourde responsabilité, celle de ne pas faire regretter à quiconque un passé désormais révolu.

Malheureusement, à la révolution politique et démocratique tarde à se greffer un bond qualitatif social pour la majorité noire. Le Programme de reconstruction et de développement, lancé par Nelson Mandela, et qui avait suscité tant d’espoirs, semble péniblement exécuté par son successeur, Thabo Mbeki.

L’homme manque de charisme et ses maladresses diplomatiques en Afrique de l’Ouest, notamment en Côte d’Ivoire, ne sont pas faites pour redorer son blason. Les Noirs d’Afrique du Sud devront attendre peut-être un troisième président de l’ère postapartheid pour voir le « processus global de transformation totale de la société » promis à l’époque par Mandela.

Le Pays

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