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Sommet de la CEDEAO : On vous l’avait bien dit !

Publié le lundi 9 octobre 2006 à 08h56min

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"Un sommet pour rien". Nous ne croyions pas si bien dire au matin de la tenue à Abuja d’un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la thérapie à explorer pour guérir la Côte d’Ivoire malade, voilà maintenant quatre ans.

Ce vendredi 6 octobre donc était la énième rencontre au sommet car, avant Abuja, les grands de ce monde avaient déjà dit et redit des messes sur la fameuse locomotive de l’Ouest africain.

Nous n’en voulons pour preuve que Linas Marcoussis, dès les lendemains du déclenchement de la crise ; Lomé, Accra I, II, III ; Dakar ; Bamako ; Yamoussoukro ; New York ; Ouagadougou et, encore, Abuja. Autant d’escales dans l’histoire récente de la Côte d’Ivoire qui n’ont pas, pour autant, ramené la paix pour les Ivoiriens de la savane et des forêts ; tant aucun des protagonistes de la scène n’entend lâcher le morceau qu’il sait coûter le prix d’un trophée de guerre. Pas en tout cas Gbagbo, le "messie de Mama", qui reste scotché à son fauteuil en dépit de l’expiration de son mandat ; ni l’opposition politique qui tient le locataire du palais de Cocody aux collets même si certains d’entre eux, comme Henri Konan Bédié, ont fait le lit de ce drame avec leur thèse fumeuse de l’ivoirité ; encore moins Guillaume Soro et ses rebelles qui règnent dans tous les sens du terme sur plus de la moitié du territoire, la main sur la gâchette.

Si l’interposition des forces françaises et onusiennes n’avaient pas existé, peut-être que cette crise appartiendrait depuis à la préhistoire. Mais hélas, une fois encore, les jeux d’intérêts, la mauvaise foi, le déficit de confiance voire la défiance ont toujours eu raison de la prescription médicale du grand malade. Seydou Elimane Diarra, le flegmatique Premier ministre inaugural de la transition, tout comme son impétueux successeur, Charles Konan Banny, sont bien instruits pour nous en dire davantage.

Point besoin d’être un devin pour savoir que dans cette partie de chasse, l’on ne poursuit pas le même gibier. D’où ce statu quo ; cette impasse qui traduit, une fois de plus, l’incapacité des organisations sous-régionales ou internationales à solutionner ce genre d’équation. En prorogeant le mandat de Laurent Gbagbo d’un an, à la faveur de la résolution 1633 du Conseil de Sécurité, les Nations-unies n’avaient-elles pas confié au tombeur de Robert Guéi, la mission d’organiser des élections libres, démocratiques et transparentes à la date du 31 octobre à venir ?

C’est su de tous, aucune consultation électorale n’aura lieu à cette date, et il faudra combler le vide du pouvoir qui pointe à l’horizon. Alors que le camp présidentiel campe sur le désarmement préalable des forces rebelles avant toute élection, les maîtres du nord ivoirien, appuyés par l’opposition, revendiquent à bon escient la réactualisation du fichier électoral, établi bien avant la présidentielle de 2000 à la faveur de laquelle la rue a propulsé Gbagbo et sa cour au palais de Cocody.

N’est-ce pas ce à quoi devaient conduire les audiences foraines ? Mais ceux qui n’ont pas intérêt à (re) mettre dans le circuit électoral les Ivoiriens de seconde zone qui en étaient exclus se sont attachés à les faire foirer, préférant se contenter d’un toilettage moins risqué des listes déjà existantes, en les expurgeant des morts et en y inscrivant ceux qui n’avaient pas la majorité en octobre 2000. On le constate, l’Abidjanaise (l’hymne national ivoirien) n’est pas chanté sur le même ton d’un côté à l’autre de la lagune Ebrié. C’est pourquoi ce dernier sommet de la CEDEAO dans la capitale nigériane était des plus attendus, afin de décider de ce que seront la Côte d’Ivoire et ses acteurs politiques à l’issue du 31 octobre. Hélas, nous sommes obligés de redescendre sur terre ; la montagne n’aura accouché que d’une souris.

Certes, des pistes secrètes de sortie de crise à soumettre à l’Union africaine et aux Nations-unies ont été explorées, mais c’est sans compter avec la mauvaise foi qu’à la cime du pouvoir ivoirien, l’on sert à toute initiative et, aussi, la rébellion qui ne doit sa survie qu’à ce piège sans fin. En tout les cas, la décision des chefs d’Etat de la CEDEAO de s’en remettre à l’Union africaine et au Conseil de sécurité, constitue une aubaine pour le clan Gbagbo, convaincu qu’il y dispose de solides soutiens (la Chine et la Russie en l’occurrence), et que depuis quatre bonnes années, il tourne le monde en rond, si ce n’est dans la farine de la pâtisserie ivoirienne.

En fait, Mamadou Tandja et ses pairs (ils étaient 11 sur 15 à Abuja, preuve s’il en est que l’heure est grave) semblent se défausser sur l’UA et sur l’ONU à qui ils refilent, pour ainsi dire, la banane chaude ivoirienne, mais il n’est pas sûr que même dans ces instances on ait la consistance et le courage politique pour imposer une solution à tous les protagonistes. Nous voulons bien croire à l’ultimatum du secrétaire exécutif de la CEDEAO, Mohammed Ibn Chambas, qui a laissé entendre que ce report des élections sera le dernier, mais peut-on négliger la ruse dont seuls les maîtres d’Abidjan ont le secret ? Une fois encore, nos dirigeants sont rentrés bredouilles de la pêche miraculeuse dans les eaux troubles de la lagune Ebrié, avec seulement en mémoire ce message fort de Guillaume Soro : "Il faut prendre une décision courageuse contre Laurent Gbagbo car, la voie de la démocratie ne sera pas recherchée par les dirigeants actuels. Et éviter que les bruits de bottes que l’on entend dans le sud ne se transforment en bruits de bombes". Un message des plus clairs qui aura le mérite de prévenir les gendarmes de ce monde du danger qui plane non seulement sur la Côte d’Ivoire, mais aussi sur toute l’Afrique de l’Ouest.

Afi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI), le parti présidentiel, ne s’en est pas du tout caché ; "qu’il plaise donc aux dirigeants de la CEDEAO de faire la comptabilité de leurs ressortissants qui seront exposés aux graves conséquences de la résurgence de la crise".

Voilà enfin un homme qui avoue ce qu’on s’est toujours échiné à balayer du revers de la main dans le Gbagboland : la nature xénophobe d’un régime qui, certes, n’a pas inventé le concept fumeux et suicidaire de l’ivoirité, mais qui n’en a pas moins surfé sur sa vague pour arriver aux affaires, et compte bien s’y accrocher. On le savait déjà faucon, mais notre parent N’Guessan se révèle plus que ça. Mais lui, au moins, est à la hauteur de ses péchés.

Nous n’osons pas croire à l’apocalypse, mais que penser quand le volcan bouillonne ? A Abidjan, Gbagbo et les siens ont des motifs de jubiler de l’échec du sommet d’Abuja, mais pourront-ils imposer éternellement la danse bété au reste du monde ?

Observateur Paalga

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