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Côte d’Ivoire : Les prémices d’une guerre civile

Publié le vendredi 6 octobre 2006 à 08h28min

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Laurent Gbagbo

Le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’guessan, a poussé le bouchon ... bien trop loin. Il a menacé de représailles des communautés étrangères vivant en Côte d’Ivoire (ressortissants de la CEDEAO) si jamais le sommet des chefs d’Etat de l’organisation, consacré à l’avenir du processus de paix, ne débouche pas sur des décisions allant dans le sens des intérêts de son parti.

C’est manifester son mépris à l’égard des chefs d’Etat de la Communauté, qui, pourtant, sans jamais être défaitistes, consacrent toujours et encore plus de temps à la recherche d’une solution négociée à la crise ivoirienne. C’est aussi faire preuve d’une totale irresponsabilité.

A force de se délecter du géant et délicieux gâteau du pouvoir, l’ancien Premier ministre et l’actuel président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Mamadou Koulibaly (ils viennent tous d’échapper de justesse aux sanctions de l’ONU qui les accusait d’être les principaux obstacles à la paix) ont-ils fini par être amnésiques, au point d’oublier leurs propres origines ? En tous les cas, tous occupent des fonctions telles qu’ils sont susceptibles de présider un jour aux destinées de la Côte d’Ivoire. Comme tel, le bon sens voudrait qu’ils se gardent de telles déclarations à l’emporte-pièce et empreintes d’une extrême légèreté.

Plus que de la xénophobie, la récente sortie de Pascal Affi N’Guessan constitue, quelque part, un appel au génocide. Cela dit, on peut comprendre, sans toutefois les excuser, les comportements des deux fidèles lieutenants de Gbagbo. Plus ils apparaîtront comme les inconditionnels du président, mieux la question de leur filiation sera toujours remise à plus tard, sinon à jamais. Tout dépend du temps de leur état de grâce auprès de leur mentor.

On peut donc comprendre qu’après les menaces de sanctions de l’ONU, ils n’aient pas varié dans leur langage. Mais à qui la faute, si ce n’est à la communauté internationale qui a trop souvent laissé faire ? On a en effet rarement vu un petit pays, de surcroît africain, dans ce vaste concert des nations, narguer aussi lontgtemps la communauté internationale (si au moins c’était pour une bonne cause !). Mais pouvait-il en être autrement quand celle-ci se dégonfle comme un ballon de baudruche au moment où l’on attend d’elle qu’elle prenne des décisions fermes, courageuses et salutaires pour la Côte d’Ivoire ?

Quant aux chefs d’Etat de pays qui comptent de fortes communautés en Eburnie, on peut comprendre qu’ils optent parfois pour le silence ou qu’ils s’entourent de précautions diplomatiques. Si le Mali ou le Burkina, pour ne citer que ces deux pays, qui comptent de nombreux ressortissants en Côte d’Ivoire, optent pour une attitude prudente et mesurée, c’est, sans doute, pour éviter qu’une quelconque déclaration ne soit perçue sur les bords de la lagune Ebrié comme le brin d’allumette qui déclenchera l’étincelle. Il faut éviter de prêter le flanc. pourrait-elle vite servir à des fins électoralistes.

Par ailleurs, si la responsabilité de la chienlit ivoirienne incombe à la communauté internationale, la France en porte la faute originelle. L’Histoire nous rappelle que c’est elle qui, dès les premières heures de la rébellion, s’était tout de suite interposée entre belligérants. Comme chacun le sait, il s’agissait, face à l’inconnue, de défendre les intérêts français, ce qui passait par la protection du fauteuil du président ivoirien qui, à l’époque, avait vite crié à l’agression extérieure.

Cette France à la diplomatie africaine ondoyante, incohérente, est aujourd’hui désabusée, désavouée, humiliée, récompensée en monnaie de singe par un président qui, maintenant, a pratiquement la tête hors de l’eau. Elle se voit obligée d’avoir recours aux instances africaines (CEDEAO et Union africaine) pour sauver la face. Dieu seul sait si la France recommencerait cette amère expérience, si c’était à refaire.

Utilisée à souhait par Laurent Gbabgo, l’Hexagone n’intéresse plus la Côte d’Ivoire qui a eu le temps de renforcer ses relations avec d’autres Etats comme la Chine et la Russie. Des relations qui ont d’ailleurs permis à Mamadou Koulibaly et à Pascal Affi N’Guessan d’échapper à la moulinette des sanctions internationales.

En brandissant leur veto, la Chine qui n’a rien à cirer avec les droits de l’homme, et la Russie, étaient certains que la Côte d’Ivoire leur renverrait l’ascenseur, en termes de gros marchés à prendre dans le domaine des matières premières. Les présidents de l’Assemblée nationale et du FPI, deux fidèles parmi les fidèles de Gbgagbo, savent compter, aujourd’hui et demain, sur ces deux pays ainsi que sur l’Afrique du Sud.

Assurés de quelques soutiens de taille, tant au plan politique, diplomatique, stratégique que militaire (le président ivoirien a eu le temps de se constituer un immense trésor de guerre et s’est entouré de mercenaires). Laurent Gbagbo et les siens sont prêts à faire face à tout casus belli et tiennent au départ des forces françaises et des militaires onusiens.

En affirmant que tous les schémas possibles de sortie de crise ont été tracés pour la Côte d’Ivoire, sans succès, et qu’il a sa solution à lui, le président ivoirien cache mal son intention d’opter pour la manière forte. Il s’est résolument installé dans la logique de la confrontation. Toutes les prémices d’une guerre civile sont réunies, comme en témoignent les recrutements par vagues successives des rebelles libériens. Autant dire que l’après-30 octobre est très lourd d’incertitudes.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 7 octobre 2006 à 10:10, par titi marc ( ivoirien ) En réponse à : > Côte d’Ivoire : Les prémices d’une guerre civile

    je ne comprends pas l’attitude de nos frères de la sous région.Le débat en cote d’ivoire n’est pas un problème ivoiro ivoirien,non plus un problème identitaire.C’est une question économique que mes frères burkinabé et autres doivent comprendre.La cote d’ivoire a le malheur d’avoir osé face à la france .
    Ici nous disons que l’ancienne formule est dépassée, nous sommes un peuple libre, souverain et jaloux de notre liberté, un point.LA cote d’ivoire ne recevra plus d’ordre de la france.
    Comment des gens qui ont pris des armes deviennent ministres ?
    comment un premier ministre peut jouir des pouvoir du président ?
    Nous n’avons rien contre nos frères ( burkina , mali , senegal ghana et autres ) mais nous comprenons très mal nos frères quand ils soutiennent et defendent l’avis des français.
    Il n’y aura pas de guerre civile , j’invite mes frères africains à nous soutenir.

    • Le 29 novembre 2006 à 10:32 En réponse à : > Côte d’Ivoire : Les prémices d’une guerre civile

      Je ne comprend pas cette mise en cause systématique de la France. Qu’aurait donc elle dû faire ? Laisser la guerre civile éclater en 2002 ? Sans doute sa dilomatie n’a-t-elle pas été très habile, mais de là à l’accuser d’être la cause de la situation actuelle ...

      Dire non à la France, et c’est tout-à-fait légitime, nécessite cette violence quotidienne faite aux étrangers en RCI ? Bizarre !

      Il faut regarder les choses un peu en face ! Si conflit économique il y a, ce n’est certainement pas avec la France, mais plutot entre le nord et sud, entre ivoiriens "de souche" et travailleurs immigrés qui souvent réussisent par leur travail.

      Quand on voit comment réagit la mouvance prsidentielle face au récent problème des déchets, on peut vraiment se poser des questions sur sa bonne foi.

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