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Aide au développement : La CNUCED propose un « grand bond en avant » pour l’Afrique

Publié le vendredi 6 octobre 2006 à 08h18min

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Si l’aide au continent noir double d’ici à 2010, il faut un « Plan Marshall » sous contrôle multilatéral pour éviter gaspillages, pressions politiques, doublons, inefficacité, corruption et bureaucratie... La CNUCED n’a pas peur de rêver haut et fort. Et à contre-courant.

« En Tanzanie, il y a 250 missions d’aide au développement. chacune pousse ses objectifs et ses conditions sans cohérence ni analyse des besoins globaux du pays. Chacune a son propre système de comptabilité et de versement, un casse-tête pour l’Etat qui doit remplir des formulaires tous différents.

La Tanzanie, un des chouchous de la coopération, est devenue un terrain de compétition pour les donateurs. Un tel système est chaotique en Afrique !’’ Kamran Kousari, Ie coordinateur de Ia CNUCED (Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement) pour ce continent rencontré à Genève, a mis la langue de bois dans sa poche. Il réclame qu’on inscrive une bonne part de ces efforts dispersés dans une sorte de Plan Marshall, coordonné par l’ONU.

« L’accroissement annoncé de l’aide - de 25 à 50 milliards de dollars par an d’ici 2010 doit être dépensé différemment pour sortir l’Afrique subsaharienne de la pauvreté ». Sinon cette aide sera aussi peu efficace que celle versée depuis 1960, affirme la CNUCED basée à Genève. Trop d’institutions font trop de projets trop coûteux qui se concurrencent parfois souvent sans répondre aux besoins des gens.

« Un financement généreux pluriannuel et coordonné »

Voilà ce que dénonce son rapport sur le développement économique de l’Afrique publié le 21 septembre et intitulé doublement de l’aide : assurer la ‘’grande poussée’’ (curieuse traduction de I’angIais équivalant à ‘’grand bond en avant’’... Le projet de la CNUCED s’inspire du « Plan Marshall » qui a revitalisé I’Europe après la 2e Guerre mondiale.

Plutôt que des traitements de choc, ce « Plan financé par les Etats-Unis proposait » un financement généreux, pluriannuel et coordonné, chaque Etat européen établissant lui-même ses plans à long terme sans interférence extérieure, indique l’organisation. Une aide versée par tranches prévisibles, principalement en dons, des objectifs intermédiaires fixés pour mesurer les progrès, des conditions fIexibIes...

Rien à voir avec les ajustements structurels imposés aux pays du Sud dès les années 80 ! Le rapport va aussi à contre-courant des tendances à IibéraIiser et privatiser à tout crin. Il veut au contraire renforcer le secteur public et les capacités étatiques - comme le préconisait le secrétaire d’Etat américain George Marshall en 1947.

L’aide gérée par l’ONU développerait les infrastructures, la diversification et l’industrialisation de I’Afrique. EIIe serait versée au budget général de chaque pays. Bien entendu, rassure Kousari, son utilisation serait supervisée par les bureaux locaux de l’ONU et les donateurs auraient leur mot à dire. Mais les bénéficiaires aussi dans un dialogue ouvert et délié des pressions politiques habituelles.

A contrario, le coordinateur de la CNUCED estime que les aides actuelles sont ‘’politisées et soumises aux priorités » des pays riches : « Les états-uniens ont doublé leur aide en Asie... mais elle va surtout à l’Afghanistan, l’Irak, la Turquie et le Pakistan. Les pays nordiques insistent sur la bonne gouvemance, d’autres sur la pauvreté, sur le Sida, sur le terrorisme... RésuItat, Ies Etats africains n’ont pas l’espace politique pour éIaborer leurs propre stratégie à long terme », déplore Kousari.

Une utopie réaliste ?

N’est-iI pas naïf de croire que Ies éIites africaines dépenseront à bon escient cette nouvelle manne ? L’expert onusien ne nie pas le danger de la corruption mais il pense qu’un tel « Plan Marchall » permettra enfin de construire des institutions publiques solides à même de contrôler l’usage des fonds. Pourtant. dans le pays sortis de la guerre, le défi semble osé.

Et les fonds internationaux déjà existants ? Selon la CNUCED, le Fonds monétaire internationaI, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement n’ont pas répondu aux attentes et ne sont pas adaptés au doublement prévisible de l’aide. D’autre part, ajoute Kousari, leurs choix sont influencés par les gros actionnaires (comme les Etats-Unis).

Quant aux chances pour que ce énième rapport sur l’Afrique sorte des tiroirs et change la vie des Africains, les auteurs se veulent optimistes : « La CNUCED joue précisément un rôIe de pionnier à l’ONU en mettant sur Ia tabIe des idées paraissant utopiques mais qui font leur chemin. Ainsi le doublement de l’aide à l’Afrique proposé il y a six ans’ est maintenant admis. Le 0,7% du revenu brut des pays développés redevient un objectif crédible. Le désendettement des PMA aussi’’.

DanieI Wermus
(Syfia International)


Kamran Kousari, coordinateur de la CNUCED s’insurge

L’Afrique n’est pas un cas désespéré de gaspillage, assure-t-il. Certes, elle a reçu 500 milliards de dollars d’aide depuis 1980. Ce qui fait 30 dollars par habitant chaque année. contre 190 dollars pour chaque Chinois.

Et 400 dollars pour chaque Irlandais (aide européenne). La dette reste un boulet pour le continent noir (200 milliards). D’ailleurs, les 500 milliards reçus, mal coordonnés par les donateurs, n’ont pas créé assez de capacités productives. En plus, ils ont été dévorés par la baisse du prix des matières premières.

Les pays d’Asie qui se sont développés ont reçu des flux d’aide beaucoup plus importants que la plupart des pays africains. L’expert concède que ces derniers ont des problèmes structurels. Mais « ils sont parfaitement surmontables ».

Sidwaya

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