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Niger : Opération mains propres à Niamey

Publié le jeudi 5 octobre 2006 à 08h26min

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Ils doivent maintenant être en train de boire leur petit lait, réhabilités comme ils le sont par l’évolution des choses qui vient de leur donner raison. Poursuivis pour « propagation de fausses nouvelles et diffamation contre l’Etat du Niger », ils avaient été condamnés à 18 mois de prison ferme et à payer une amende cumulée de 1 400 000 FCFA.

Ils, ce sont Maman Abou et Oumarou Kéïta, respectivement directeur de publication et directeur de la rédaction de l’hebdomadaire nigérien « Le Républicain ».

Dans un souci d’informer le peuple, ils avaient édité à 5 000 exemplaires et distribué gratuitement l’édition du 28 juillet 2006. A la une, le journal révélait, entre autres, des fautes graves de gestion des fonds alloués par les Partenaires techniques et financiers (PTF) à l’Etat du Niger pour financer le Programme décennal de développement de l’éducation (PDDE).

Mais voilà que comme un violent retour de manivelle, ces « fausses nouvelles » qui ont valu la prison aux deux journalistes sont en train de noyer progressivement ceux-là mêmes qui se moquaient des deux « scribouillards » et qui ont œuvré à les faire condamner. C’est ce qu’on peut en conclure en voyant le renvoi par l’Assemblée nationale de deux ex-ministres devant la Haute cour de justice.

Il s’agit d’Ary Ibrahim et de Hamani Haouna. Ce sont d’anciens responsables du ministère de l’Education de base et de l’Alphabétisation (MEBA). Avec des hauts cadres de l’administration, des députés, des entrepreneurs et des fournisseurs, ils auraient dissipé près de 2 milliards CFA des caisses du PDDE. Surfacturations et passations de marchés de gré à gré étant les chefs d’accusation qui pèsent sur eux.

En procédant à leur limogeage du gouvernement, le président Mamadou Tandja vient de réussir une belle opération de communication et de soin de son image et partant, de celle de son pays. Il montre par là qu’il n’est pas prêt à travailler avec des gens sales. C’est un bel exemple que beaucoup de pays de la région gagneraient à suivre.

Bien sûr, on ne demande pas d’emprisonner les gens à tour de bras, mais il faut œuvrer de sorte que tout un chacun réponde de ses actes devant la justice. Et puis, entre nous, si quelqu’un n’a vraiment rien à se reprocher, il ne verra pas d’inconvénient à ce qu’on le décharge de sa fonction pour qu’il puisse se mettre à la disposition de la justice ! Il n’y a pas lieu de crier au scandale ou à l’acharnement.

Franchement, c’est ce qu’il faut avoir le courage de faire. On l’a vu dernièrement en Afrique du Sud où Jacob Zuma a été mis en congé du gouvernement, afin qu’il puisse être librement entendu et jugé par la justice.

Fort heureusement, il a été blanchi et c’est en force qu’il va reconquérir sa place d’antan au sein de sa formation politique puis, qui sait, dans le gouvernement, où il ambitionne jouer les premiers rôles dès que Thabo Mbeki se serait éclipsé à cause de la limitation du nombre de mandats au poste de président de la République.

Certes cette affaire donne un beau rôle à Tandja. Mais seulement, avait-il vraiment le choix et pouvait-il assurer l’impunité à ses deux ministres ? Pas si sûr. Il faut noter que les PTF ont tapé du poing sur la table en suspendant tout financement au secteur de l’éducation jusqu’à ce que cette histoire soit tirée au clair. Non ! Mon colonel n’avait pas vraiment le choix et la surmédiatisation de l’affaire rendait vain tout effort de colmatage ou de rafistolage de la brèche.

A Niamey, on a de gré ou de force joué franc-jeu en livrant les deux ex-ministres indélicats. Ici au Faso, des rumeurs persistantes sur un dossier semblable ont circulé à Ouagadougou avec à la clé un ministre écarté de la soupe gouvernementale. Depuis, plus rien. Aucune communication sur le dossier. Les résultats de l’audit commandité sont tenus loin du public.

Est-ce à dire qu’on n’y a pas trouvé de quoi fouetter un chat ? On est fondé à le croire d’autant plus que ces mêmes PTF n’ont pas eu la même réaction qu’à Niamey. Dans ces conditions, quand il n’y a pas de charges qui pèsent sur quelqu’un, on le dit clairement pour le laver publiquement de tout soupçon. Sinon, s’il est mouillé et qu’on ne le poursuit pas en justice, c’est grave.

Mais, c’est encore plus grave si c’est injustement qu’on l’a écarté sans chercher à le blanchir. A moins que ce soit comme ces nombreux rapports de faits répréhensibles qui moisissent dans les tiroirs de notre inspection générale d’Etat et que d’aucuns qualifient d’épouvantails, de sortes d’épées de Damoclès suspendus sur la tête de certains fautifs afin de les contrôler et de s’assurer leur fidélité car à la moindre incartade, flan ! Et alors, on se souvient du coup que vous avez les mains sales et qu’il faut que la justice s’occupe de vous.

Dans tous les cas, cette affaire nigérienne repose de manière cruciale la question de la gestion des deniers publics de nos Etats. Ces fonds, mobilisés de l’intérieur ou de l’extérieur et qui, très rapidement, migrent dans les pays du nord où ils garnissent les comptes personnels de nos gouvernants. Il importe donc d’y trouver un remède efficace sinon nos pays ne décolleront jamais. Pauvre Afrique !

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

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