L’émergence économique et géopolitique de la Chine populaire devient l’objet de réflexions pour les observateurs des relations internationales. L’Afrique bénéficie d’une attention particulière de ce nouveau géant qui se soucie de sa sécurité énergétique, notamment pétrolière et recherche des marchés pour l’écoulement de sa production industrielle. Face à cette nouvelle donne, quelle appréciation peut-on faire du choix du Burkina Faso d’être avec Taïwan ?

Cette dynamique trouve ses justifications au niveau politique, économique et culturel.

Deux démocraties en construction

Le Burkina Faso et Taïwan partagent une vision politique commune, la démocratie libérale. Les deux Etats œuvrent à la consolidation de leur processus démocratiqlte respectif. La promotion du système démocratique devient un souci constant des deux pays. Taïwan représente un espoir de démocratie et de liberté dans la région de l’Asie de l’Est. il peut inspirer la Chine populaire dont le processus démocratique souffre d’insuffisances avec les atteintes aux normes démocratiques. La Chine populaire de demain représente à la fois un espoir et une source d’inquiétudes.

Espoir, parce que cette Chine, si elle devient démocratique et continue de prospérer, elle contribuera à l’instauration d’un monde de paix et de justice dans la région. Mais cette paix et cette justice devraient être d’abord internes à la Chine qui souffre actuellement de diverses inégalités (riches/pauvres, urbains/ruraux). Cet état de fait associé au caractère imparfait de l’économie chinoise minée par la corruption, par l’instabilité et par le manque de liberté constitue une menace pour toute la région et pour le monde entier.

Taïwan pourrait se présenter comme une alternative capable d’inspirer de véritables changements démocratiques en Chine. La communauté de culture et la proximité géographique de Taïwan lui confèrent un rôle déterminant dans le processus de démocratisation de la région. En plus, Taïwan est le premier partenaire économique de la Chine, avec plus de 100 milliards de dollars d’investissements cumulés.

Taïwan, un allié sûr pour réussir la lutte contre la pauvreté

Depuis 1994, date du rétablissement des relations diplomatiques, Taiwan accompagne le Burkina Faso dans sa dynamique quotidienne de lutte contre la pauvreté et pour le développement durable. Les secteurs agro-pastoral (mécanisation agricole, riz pluvial, barrages, retenues d’eau...), environnemental, artisanal et de la formation professionnelle (PME, PMI, promotion de l’emploi), du genre (activités rémunératrice des femmes), éducatif et sportif (bourses, coopération universitaire, séminaires à Taïwan, enseignement du chinois à l’IDRI) et sanitaire (lutte contre le Sida, assistance technique) bénéficient de l’appui financier de Taïwan.

Les efforts de Taïwan contribuent à l’amélioration du niveau de vie des populations par l’autosuffisance alimentaire. Cet appui favorise l’autonomisation des compétences des bénéficiaires. En termes d’avantages comparatifs, le soutien taiwanais s’inscrit dans le programme actuel de notre pays, notamment le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, document référentiel pour le développement durable.

L’expertise taïwanaise dans le secteur industriel peut être très utile au Burkina Faso. Face à l’invasion du marché international par les textiles chinois, le Burkina Faso doit développer des actions pour la transformation de son coton et le soutien taïwanais peut être très utile. Le défi du Burkina est avant tout là maîtrise du marché national et régional.

Taïwan, une voie alternative pour pénétrer au cœur du peuple chinois

Il est évident que la Chine et Taïwan reconnaissent plus que quiconque leur fraternité et leur complémentarité. Si au plan idéologique et politique, le monde chinois est multiple, au plan culturel, la Chine et Taïwan partagent les mêmes valeurs. Au plan économique, la dynamique actuelle de la Chine ne peut être durable sans le partenariat taïwanais.

Par Taïwan, l’Afrique, et particulièrement le Burkina Faso, peut pénétrer le cœur du peuple chinois. Cela est bien compris avec l’intégration au programme de l’IDRI du chinois, dans l’enseignement au profit des diplomates et de toutes les personnes intéressées. Cet enseignement porte non seulement sur la connaissance de la langue chinoise mais aussi et surtout la compréhension de la culture de ce peuple.

Il s’agit, sans doute, d’un vecteur important de rapprochement. L’accueil de stagiaires taïwanais au Burkina Faso participe de cette volonté de découvertes réciproques des deux cultures. Taïwan est incontestablement une porte d’entrée en Chine au plan des échanges économiques et culturels.

Acteurs internationaux du Burkina Faso : ambitions diverses

L’action internationale de l’Etat se construit et se conduit par des acteurs multiples, aux intérêts divers. Il semble intéressant de situer la place et le niveau de responsabilité des acteurs des expressions internationales du Burkina Faso.

Des acteurs périphériques contribuent à l’action internationale de l’Etat. Il s’agit essentiellement des associations de la société civile et des intérêts économiques. Les liens avec la Chine populaire s’inscrivent dans cette dynamique à travers les initiatives du Forum d’amitié et de solidarité avec la Chine populaire (FASIB) et la multinationale AREVA.

Il est évident que la Chine populaire constitue un partenaire économique remarquable avec l’Afrique. Il faut aussi noter que l’incompatibilité politique et idéologique entre les deux Chines n’a pas empêché le développement de relations économiques entre elles. L’industrie chinoise bénéficie de l’expertise taïwanaise.

A travers l’action internationale des organisations de la société civile et des acteurs économiques du Burkina Faso, notre pays peut bien bénéficier des avantages de l’expansion chinoise. Cela ne devrait pas avoir des implications néfastes sur les relations diplomatiques avec Taïwan, un partenaire du Burkina Faso pour un développement durable. Il s’agit là, à la différence des acteurs émergents, d’une responsabilité souveraine.

La politique étrangère et la diplomatie institutionnelle sont l’apanage de l’Etat à travers le Chef de l’Etat et du ministre des Affaires étrangères. Depuis le début des années 1990, l’Etat a reconnu la République de Chine et a engagé une diplomatie fructueuse avec ce partenaire. Au bilan des relations entre les deux pays, une satisfaction mutuelle se dégage.

Pour le Burkina Faso, des signes tangibles d’un développement durable se constatent sur le terrain.Taïwan peut compter sur l’amitié et la solidarité du Burkina Faso pour sa reconnaissance internationale. Dans ce mariage, il ressort un résultat gagnant- gagnant. De part et d’autre, la conviction de promouvoir des relations permanentes se lit dans les actions à travers des programmes de développement à long terme.

Les plus hautes autorités en charge de la politique étrangère du Burkina Faso sauront, nous en sommes convaincus, sauvegarder les intérêts de notre pays, sans pour autant nuire aux intérêts privés des autres acteurs internationaux. Le partenariat Burkina Taïwan reste à tout point de vue une option gagnant-gagnant et c’est cela qui gouverne les relations internationales et diplomatiques.

Quant au retour de la Chine en Afrique, il ne faudrait pas se voiler la face sur les inconvénients pour nos économies et nos systèmes démocratiques fragiles. L’Afrique ne devrait pas prendre l’ombre pour la proie. Le sujet fera l’objet de notre prochaine réflexion.

Cellule de Communication et d’Information
du Syndicat Autonome des Agents
du Ministère des Affaires Etrangères
(SAMAE)