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Accord gouvernement/syndicats : trois gagnants, deux perdants

Publié le mercredi 4 octobre 2006 à 07h37min

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‘’Le mélange chute ainsi de 105 F CFA, le super de 87 F CFA, le pétrole lampant de 45 F CFA et le gasoil de 16 F CFA...Outre cette décision, le gouvernement s’est engagé à apurer les retards d’avancement. Il a annoncé à cet effet le déblocage de 6 milliards dans l’immédiat, pour faire face aux incidences financières d’ici fin 2006.

Des mesures...sont également prévues pour non seulement poursuivre l’apurement des retards d’avancement, mais aussi éviter à l’avenir des situations similaires. Le troisième acquis des syndicats...est’’ le ‘’relèvement du SMIG de 6,5% au profit des travailleurs du secteur privé.’’(in L’Observateur paalga no 6736 du 2 octobre 2006.) Ce sont là les efforts faits par le gouvernement et les victoires remportées par les organisations syndicales sous la médiation du Conseil économique et social (CES).

Cela n’a l’air de rien mais ces négociations et leur issue sont d’une portée historique à nulle autre pareille. En effet, de mémoire de Voltaïque et de Burkinabé, la vie n’avait jamais été aussi chère ; conséquence, si l’on met de côté les grandes mobilisations syndicales de fin 1965 et début 1966, de 1975 et de 1980, l’unité syndicale avait presque toujours été un vœu pieux, les uns traitant les autres de collabos, de ‘’dialogueurs’’ et de syndicats jaunes et les autres voyant dans les uns de subversifs, des gens aux desseins inavoués et des opposants politiques qui ne disent pas leur nom.

Aujourd’hui, cette époque semble passée de mode pour de bon. Et c’est tant mieux pour tout le monde : d’abord pour le monde du travail, cette unité syndicale lui confère une force certaine vis-à-vis des pouvoirs publics et du patronat. Si, malgré leur unité, les syndicats ont, quand même, du mal à se faire écouter, qu’en sera-t-il d’une situation dans laquelle chacun traite son semblable, pourtant allié objectif, en ennemi à abattre.

Ce contexte de guerre fratricide et de cacophonie digne de l’environnement linguistique de la tour de Babel accouche de deux gagnants que sont le pouvoir en place et le patronat ; ensuite, et c’est là le paradoxe (seulement apparent), cette harmonie syndicale fait l’affaire du gouvernement et du patronat car, pendant les négociations, ils discutent avec des délégués représentatifs de l’ensemble des travailleurs. Aussi, bien que les radicaux supposés ou réels du milieu syndical puissent entraîner les modérés dans leur sillage, le peu de points sur lesquels on se met d’accord ne peuvent être remis en question par personne.

Pour avoir réaliser cette unité syndicale, une première depuis la fin des années 1970, les dirigeants syndicaux ont créé les conditions objectives de l’avènement d’une sorte de catalyse pour les présentes victoires ; les travailleurs devraient donc être plus reconnaissants à l’endroit de leurs représentants et plus mobilisés autour d’eux.

Certes, nombre d’observateurs ont pu s’apercevoir que même si l’importance quantitative des grévistes du 27 septembre dernier était négligeable (encore que cela dépend des secteurs d’activités) par rapport aux non-grévistes, la majorité écrasante des travailleurs et des citoyens étaient de cœur avec eux quand bien même ils ne l’étaient pas de corps pour des raisons diverses.

Or, l’important, ce n’est pas seulement la présence physique, c’est aussi la communion en ce sens que cette dernière prépare à l’action, à la mobilisation.

Message reçu 5 sur 5 par B.Compaoré

Le président du Faso B. Compaoré l’a bien compris qui a instruit P E.Yonli du mettre davantage du sien pour que les négociations aboutissent et afin qu’à défaut d’être adulé par le monde du travail, ses efforts soient reconnus. L’objectif est visiblement atteint. Malheureusement, il faut regretter que les Burkinabé soient si expansifs à l’endroit du pouvoir quand il s’agit de dénoncer les manquements réels ou supposés de celui mais sont soudain atteints de mutité lorsque l’heure vient de lui reconnaître un minimum de mérite et un minimum de hardiesse dans la gestion des affaires de l’Etat. Or, s’il est vrai que ‘’qui aime bien châtie bien’’, il devrait être tout aussi vrai que qui châtie en toute pertinence doit aimer quand c’est bien à propos et le faire savoir de manière également expansive.

Les dirigeants syndicaux ont, eux, raison de n’être pas des laudateurs du gouvernement car à trop apprécier l’ardeur au labour d’une personne à la fleur de l’âge, elle risque fort, à cause du subséquent excès de zèle, de se causer préjudice (en se taillant un pied par exemple) ou d’en causer à autrui ou aux pieds de mil. Ce qui n’empêche pas les travailleurs anonymes de faire savoir leur satisfaction à l’opinion et aux gouvernants.

A ceux qui pensent que B. Compaoré n’a fait que son devoir et que, pour ce faire, il ne mérite pas d’attention particulière ou de traitement spécial, il faut dire que ce point de vue est chaque jour démenti dans la pratique : les personnes décorées, celles qui bénéficient de primes de productivité dans les entreprises ou qui reçoivent des lettres de félicitation, etc. ont accompli leur devoir mais certainement avec la manière dans un monde où être partisan du moindre effort devient la norme et être industrieux l’exception. En outre, les citoyens auxquels de telles reconnaissances sont faites se voient dans l’obligation morale de fournir plus d’efforts. Le gouvernement mérite alors considération et gratitude.

En attendant des précisions sur l’incidence financière de telles décisions de la part de l’exécutif, on peut imaginer que c’est de l’argent et beaucoup d’argent surtout dans un contexte de fin d’année, période au cours de laquelle l’Etat a généralement des problèmes pour boucler l’exercice en cours. Mais que valent bien ces sommes d’argent si les gouvernés sont dépités et prêts, à la moindre occasion, à mettre le feux au pays comme en témoignent les émeutes dites du casque le 1er septembre dernier ? On peut dire que le ‘’fusible’’ Yonli a bien manœuvrer pour s’en sortir même si le véritable architecte est B. Compaoré ; lui qui avait déjà, semble-t-il, instruit la SOTRACO de reprendre la desserte de la ville en bus et de procéder à une étude en vue de proposer des réponses définitives aux problèmes.

Coup d’essai, coup de maître pour le CES

En plus des syndicats et du gouvernement qui sont les gagnants dans cet accord, il y a le Conseil économique et social. Voilà une institution qui, pour beaucoup de Burkinabé, est un institution de trop dans notre paysage politico-administratif. Elle serait du reste budgétivore et improductive car les avis qu’elle donne sont et restent des avis que d’autres institutions donnent ou peuvent donner à l’exécutif. Tant et si que quand elle avait proposé au gouvernement de jouer les médiateurs, peu de personnes, au sein de l’opinion et des syndicats, croyaient en sa capacité à rapprocher les deux parties encore moins à signer un accord d’une telle importance. L’institution de Thomas Sanou a réussi l’inattendu. Cependant à la réflexion, l’issue n’était pas aussi inattendue que cela compte tenu des atouts dont elle disposait.

D’abord, la rupture du dialogue avait mis le gouvernement sur la défensive obligé qu’il était d’expliquer à l’opinion qu’il n’est pas responsable de ce blocage. La proposition (initiée par le CES ou qui a lui été suggérée) d’être médiateur dans la crise a permis à l’équipe Yonli de sauver la face. Dans une moindre mesure, les syndicats ont pu également sauver la face grâce à cette proposition dans la mesure eux-mêmes cherchaient une occasion pour renouer le dialogue en position de force. Ils l’ont obtenue avec le CES qui devait d’ailleurs être tenu pour responsable en cas d’échec.

Ensuite, le CES compte en son sein des représentants de tous les secteurs d’activités du Burkina Faso et de toutes les couches sociales du pays dont les patrons. En concluant un accord avec les syndicats, sous la médiation du CES, le gouvernement résout du même coup les préoccupations des travailleurs du secteur privé. Ce n’est pas pour rien si le SMIG et la prise en compte des augmentations de salaire par le privé figurent en bonne place dans l’accord.

Les perdants de cette affaire

Si le gouvernement, les syndicats et le CES sont les gagnants dans cette affaire c’est B. Compaoré qui est le plus grand gagnant car l’actuel climat apaisé lui permet de mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu ; mais comme quand on parle de gagnant, il y a quelque part un ou des perdant(s) Compaorédans cette histoire, il y a également des perdants.

La première catégorie se compose des partis politiques de l’opposition qui auraient bien voulu, et c’est leur droit, capitaliser, en cette rentrée scolaire, le mécontentement populaire justifié lié à la cherté de la vie et l’obligation du port du casque. Malheureusement, pour cette fois c’est raté. C’est l’occasion de regretter, comme l’a fait avant nous Alain Dominique Zoubga quand il démissionnait de l’instance dirigeante du PDP/PS, le fait que la stratégie de notre opposition soit uniquement fondée sur les erreurs que commettent les gouvernants.

A n’en pas douter, capitaliser ou en tout cas essayer de le faire est nécessaire (de toutes les façons, le pouvoir, lui ne s’en prive pas si l’occasion se présente) pour ces partis et pour la démocratie mais faire tout reposer sur les bourdes des gouvernants du jour n’offre aucune perspective sérieuse. Si l’on peut comprendre que ce n’est pas facile d’être opposant dans nos pays et que, pour ce faire, la tentation est grande d’attendre seulement de profiter des faux pas du pouvoir, l’inconvénient est que cette attitude contribue à faire reculer les échéances de l’alternance démocratique.

La deuxième catégorie regroupe des personnes, pas nécessairement des politiques comme on pourrait le croire, qui pariaient sur la chute de Yonli avant la signature de l’accord. Pour eux, pas de doute, le chef du gouvernement ne pouvait pas survivre à cette crise. Soit, il n’est certainement pas exempt d’erreurs mais le fait n’est pas là ; le fait est qu’il a su mettre en exécution les instructions que B. Compaoré lui a donnée. Ainsi, la tension sociale est retombée que certains attribueront aux dons de divination de l’enfant de Tansarga. Pour cela, lui aussi mérite de souffler.

Zoodnoma Kafando

L’Observateur

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