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France : Sarkozy, l’homme aux multiples trouvailles

Publié le mercredi 4 octobre 2006 à 07h32min

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Nicolas Sarkozy

Depuis qu’il a intégré le gouvernement français, Nicolas Sarkozy n’a cessé d’innover. La nouvelle politique « d’immigration choisie et non subie » constitue une des nombreuses réformes proposées par le ministre français de l’Intérieur. Mais, au-delà de ce « dossier », il faut se placer dans une logique électoraliste pour comprendre l’action de l’homme politique qu’est Sarkozy.

Comme prévu, la montagne a donc accouché d’une souris dans l’affaire des régularisations des sans papiers. Les familles d’immigrés et les organisations de défense des droits des immigrés (Emmaüs, GISTI, CCFD), avaient déjà préparé leur risposte bien avant l’annonce des chiffres officiels. Les 6914 futures régulations représentent à peine 20% du nombre total des demandeurs qui ont des enfants scolarisés en France. C’est dire donc que l’on est loin du compte. Malgré les protestations qui ont déjà commencé, le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy semble aller au bout de sa logique.

Il y a quelques mois, il avait déjà annoncé les couleurs, en affirmant que la France voulait d’abord d’une « immigration choisie et non subie ». Cela doit se traduire selon lui par un quota d’immigrés acceptés en France par an et la priorité doit être donnée à ceux qui ont de la spécialité à vrendre. Comprenez les diplômés. Cela lui avait valu les foudres des organisations régionales africaines d’intégration, la CEDEAO notamment et aussi de l’Union africaine. M. Alpha Omar Konaré, président de la Commission de l’union africaine avait qualifié ces propos d’inacceptables.

Quant à Roch Marc Christian Kaboré, président de l’Assemblée nationale du Burkina, il avait interpellé les autorités françaises lors d’une conférence tenue à Ouagadougou sur la nécessité de ne pas oublier les causes de l’immigration : « Qu’elle soit subie ou choisie, l’immigration a des causes qu’il faut identifier et combattre », avait-il dit. Dans cette période préélectorale et comprenant que ses adversaires socialistes ont vu la faille, Sarkozy semble progressivement « changer de musique ». Il est ainsi passé de « l’immigration choisie » à celle « concertée », en ralliant à sa cause le président sénégalais Abdoulaye Wade.

Une politique électoraliste

Cette tentative de rectifier le tir fait suite à ses sorties ratées dont, celle de Bamako au Mali où il avait été conspué par le public. Mais ce que Sarkozy semble oublier, ce sont ses origines hongroises. En effet, la politique « d’immigration choisie » appliquée aux ressortissants de l’Europe de l’Est ne lui aurait peut-être pas permis d’intégrer aujourd’hui l’élite politique française. Nicolas Sarkozy est en effet à un tournant important de sa carrière politique. Son rendez-vous avec l’histoire aura lieu dans quelques mois quand il tentera de succéder à Jacques Chirac à l’Elysée, sous la bannière du parti présidentiel, l’Union pour la majorité présidentielle (UMP).

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il semble être celui qui a le plus tiré des leçons de l’échec de Lionel Jospin, candidat socialiste en 2002. D’ores et déjà, il s’est placé en pôle position, noyant de plus en plus le protégé de Jacques Chirac, Dominique De Villepin. Plus que jamais populaire au sein de son parti et dans les milieux de droite, il arrive pour l’instant en tête de tous les sondages, devant la probable candidate du Parti socialiste Segolène Royal, concubine de François Hollande, 1er secrétaire du même parti. Mais, comment en est-il arrivé là ? Parce que depuis qu’il a intégré le gouvernement français par le ministère de l’Economie, Sarkozy n’a cessé d’apporter des réformes parfois très controversées mais surtout, il est passé progressivement maître dans l’art de coopter les voix électorales.

Sa nouvelle politique d’immigration en est une parfaite illustration. Cela lui permet de faire sienne des voix de l’extrême droite, sans pourtant tenir un discours apparemment antisémite. La derrière présidentielle a, en effet, révélé que l’électorat français, déçu par les échecs du gouvernement socialiste de Jospin est en réalité penché vers les idées de l’extrême droite. La crise sociale en France et notamment le chômage, ont amené les français à la conclusion qu’il faut « épurer la population » pour laisser plus de places aux nationaux.

C’est précisément ce qu’a compris Nicolas Sarkozy. On se souvient encore que contre toute attente, Jean Marie Lepen avec 16,9% des voix, avait devancé Lionel Jospin lors de la derrière présidentielle. Cela s’explique tout simplement par le fait que les français se sentent de plus en plus envahis. Confirmation de cet état de fait, des sondages réalisés avec des idées de droite (UMP) et celles de l’extrême droite (Front national) mais sans les révéler ont donné une majorité écrasante au Front national. Mais après révélation, des partis en question, la tendance s’est totalement inversée.

C’est cette situation qui a justement été observée lors du second tour de la présidentielle où, face à l’étonnement général et aux nombreuses critiques qui fusaient déjà, les français avaient fait bloc pour réélire Jacques Chirac. Illustration de l’adage selon lequel « le malheur des uns fait le bonheur des autres », ce scénario n’est pas exclu pour 2001 avec une différence, c’est que cette fois, les acteurs politiques et les instituts de sondages sont prévenus.

Si nous voulons pousser la réflexion un peu plus loin, il y a le dernier référendum sur la Constitution européenne rejeté par les français. De l’avis de nombreux analystes français, l’échec du référendum avait entre autres, pour cause le risque d’être envahis d’immigrés venus notamment d’Europe de l’Est et le chômage qui pourrait en découler.

La cooptation des voix, exercice favori de Sarkozy

Sarkozy ne se contente pas seulement de coopter les voix de l’extrême droite, mais aussi toutes les voix possibles à droite. Son passage au ministère de l’Economie et son projet de Contrat première embauche (CPE) restent dans les mémoires. Ce contrat permet aux chefs d’entreprises d’engager de nouveaux employés, mais avec la possibilité de renvoi au bout des 2 premières années, sans aucun recours si l’essai n’est pas jugé concluant.

Contre la revolte des jeunes à l’époque et la fronde sociale, Sarkozy avait tenu bon, ne perdant de vue à aucun moment, les voix de droite que pourraient lui apporter les milieux d’affaires en France. Même si aujourd’hui certains se ventent du fait qu’il y a eu peu de cas de renvoi au terme de la période d’essai, il ne faut pas perdre de vue les « objectifs cachés de ce projet ». Pour permettre au projet de survivre et éteindre l’incendie, le président Chirac volera au secours de son ministre, en l’envoyant à l’Intérieur. Mais à peine arrivé, il a annoncé les couleurs avec la confrontation face aux jeunes des banlieues, envers qui il a eu des propos pas très amicaux.

Il faut noter qu’il n’a pas besoin des voix de ces derniers, car ne « représentant pas grand chose » au sein de la population française en terme d’électeurs. Puis ce fut le projet « d’immigration choisie ». En effet, pendant que le délai de régularisation courait et que de nombreuses familles de sans papiers veillaient devant les préfectures notamment à Bobigny pour se procurer des fiches d’inscription en régulation, des enfants d’immigrés étaient extraits de force de leurs écoles par la police pour être expulsés de France.

Des comités de résistance ont même été formés dans certains établissements scolaires. Mais cela n’a pas empêché Sarkozy d’aller au bout. Seulement, jusqu’où ira-t-il ? L’homme est un fin stratège, un politique rompu à la tâche. Sa dernière travaille, c’est le projet de loi visant à mettre les allocations familiales sous tutelle ou de les suspendre temporairement.

Cela concernerait les parents qui, selon son expression, « ont démissionné de l’éducation de leurs enfants » et qui continuent de recevoir une allocation familiale injustifiée. Cela permettra selon lui, de plus fidéliser les élèves à l’école, car si les parents sont plus regardants vis-à-vis des enfants, ces derniers vont fréquenter de moins en moins la buissonnière. Ce nouveau projet tout aussi controversée semble recevoir la faveur des députés UMP, même si le débat s’annonce houleux à l’Assemblée.

Comprenant où Sarkozy veut en venir, les socialistes ont rapidement réagi en affirmant que le ministre de l’Intérieur veut remettre en cause des acquis sociaux et bien sûr venir chercher des voix à gauche pour les futures échéances électorales.

Il y a quelques jours, c’est le Conseil supérieur de la magistrature qui en a appelé à Jacques Chirac pour assurer le respect de la séparation des pouvoirs. Selon Sarkozy, les magistrats ont eux aussi, démissionné de leur rôle car le nombre de violence et d’infractions de délinquants est en augmentation, alors que dans le même temps, on constate une diminution du nombre de condamnations.

Au regard de tout ce qui précède, on peut se poser légitimement la question sur la prochaine trouvaille de Sarkozy. Plus que jamais favori dans les sondages, il devra désormais se méfier de « la peur de gagner » dont Lionel Jospin en sait quelque chose. Mais tout semble indiquer, sauf cataclysme, qu’il sera du rendez-vous de 2007 ; le premier véritable test politique pour un homme qui cache au fond de lui un personnage, pour qui, seule la fin justifie les moyens.

Pierre Claver MILLOGO (millgola@yahoo.fr)
(Stagiaire)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 6 octobre 2006 à 18:50, par audrey En réponse à : > France : Sarkozy, l’homme aux multiples trouvailles

    Sans racisme aucun, des pays comme la Hongrie ont bien plus de liens culturels, religieux, et historiques avec la France que l’Afrique. C’est triste, mais l’intégration d’un hongrois en France se fera toujours plus facilement et rapidement en France que pour un africain, même des anciennes colonies. D’autant que ces pays de l’est font ou feront partie bientôt de l’Union Européene, et c’est pourquoi, si la France décide de choisir, elle donnera la priorité à l’est.
    Il ne faut pas non plus oublier que la France n’est pas dans un besoin urgent de main d’oeuvre supplémentaire, et donc peut se permettre de choisir, simple rapport d’offre et de demande, et les associations africaines n’y pourront rien, puisqu’elles n’ont aucune souveraineté. beggars can’t be choosers...

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