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La danse émancipée du Burkina Faso

Publié le lundi 2 octobre 2006 à 07h59min

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Salia et Seydou

L’histoire de la danse de création au Burkina Faso ne date pas d’aujourd’hui. Déjà, dans les années 70 et 80, par le biais de la maison des jeunes de Ouagadougou et de danseurs-acteurs motivés, comme Lassana Congo qui revint au pays en 1982 après une formation artistique à l’étranger (notamment à Mudra Afrique, l’école de Maurice Béjart à Dakar), l’expression corporelle puis chorégraphique allait devenir un des modes d’écriture privilégiés des jeunes créateurs.

En invitant deux compagnies de ce pays, la Biennale de Lyon tient à mettre l’accent sur la dynamique engagée, qui aboutit aujourd’hui à l’ouverture d’un premier centre dévolu à la discipline.

Répertoires. Interprètes chez Mathilde Monnier et actuellement chorégraphes en résidence à la scène nationale de Saint-Brieuc, Salia Sanou et Seydou Boro, eux aussi partis du pays pour mieux y revenir, ouvrent en décembre prochain la Termitière, dans un quartier populaire de Ouaga. Il leur aura fallu huit années pour que ce projet se réalise.

Lieu de création, de formation et de diffusion, la Termitière, accompagnée par un festival baptisé Dialogue de corps, sera un outil indispensable pour la construction et l’approfondissement du langage chorégraphique et, plus largement, de la culture contemporaine ­ ce qui n’exclut pas des recherches et une politique de conservation des répertoires traditionnels.

Egalement invité de la Biennale, Serge Aimé Coulibaly, du Faso Danse Théâtre, a déjà occupé le studio de Ouaga avant même son inauguration. « L’ouverture de cet espace, le premier burkinabé pour la danse, va forcément modifier la donne, observe-t-il. Jusque-là, la plupart des artistes invités étaient des Français et nous étions dépendants de l’Afaa et du CCF. Comment alors échapper aux modèles ?

Et la question se pose autant pour les artistes que pour le public. » Il a travaillé avec Alain Platel, le conviant en retour à venir s’exprimer au Burkina. De la même façon, Salia Sanou et Seydou Boro souhaitent un espace ouvert à diverses disciplines et différents pays.

« Ce qui vient d’Europe, résume Serge Aimé Coulibaly, n’est pas à rejeter ; mais on ne peut pas faire confiance qu’à ce continent. C’est comme si on ne lisait qu’un seul livre. » Il en sait quelque chose, lui qui a baigné enfant dans un univers littéraire et que ses parents ont baptisé Serge Aimé, en référence à Aimé Césaire dont il connaît l’oeuvre sur le bout des doigts.

Bière et violence. Le spectacle A benguer (« l’ailleurs »), qu’il a présenté avec six autres interprètes, reflète bien son parcours et ses ambitions. Traitant tantôt avec humour, tantôt avec rage et désespoir, du fantasme de l’Europe, la pièce est à l’image de son auteur. La musique comme la danse, allant de la tradition au rap ou au coupé-décalé, ne peuvent dire mieux une certaine réalité urbaine, faite de misère, de bière, de violence et de résistance. Africain par son propos, le spectacle n’en est pas moins flamand par l’esthétique.

Un pas de côté, de Salia Sanou et Seydou Boro, est d’une autre facture, même si là encore la musique a toute sa place avec l’ensemble Ars Nova dirigé sur scène par Philippe Nahon. Essentiellement composée pour des ensembles, la chorégraphie fait alliance avec le compositeur et percussionniste Jean-Pierre Drouet. Tous ensemble, alors que, jusque-là, on avait plutôt vu les coauteurs dans des attitudes distinctes.

Un pas de côté ici, pour mieux sauter là-bas ? Dans les allers-retours incessants, dans la manière d’intégrer de multiples influences et pas, ces auteurs, comme bien d’autres qui créent des festivals et des structures sur le continent, sont en train d’inverser le point de vue.

Et si les jeunes Africains ne regardaient plus seulement vers l’Europe ? Voilà une question à laquelle nombre de spectacles de la Biennale tentent de répondre, en ouvrant des perspectives. Reste que, autant dans la pièce du Faso Danse Théâtre que dans celle de la compagnie Salia nï Seydou, l’équilibre homme-femme n’est pas encore atteint : une sur sept pour le premier, une pour onze chez le second.

Par Marie-Christine VERNAY
www.liberation.fr

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