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Accord sur « l’immigration choisie » : Et si c’était une entourloupe ?

Publié le mardi 26 septembre 2006 à 09h08min

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Nicolas Sarkozy et Ousmane N’Gom

Sur le cliché, le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy affiche un large sourire dans un boubou blanc or flottant que son homologue sénégalais, Ousmane Ngom vient de lui offrir. Un autre cliché le montre en compagnie, cette fois, du président sénégalais Abdoulaye Wade, tous deux souriant.

On comprend la satisfaction du premier flic français, probable candidat de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) à l’élection présidentielle. Anticipant la date de son voyage pour ne pas se faire devancer par la socialiste Ségolène Royal, il a réussi l’extraordinaire prouesse d’être reçu, les 23 et 24 septembre 2006 par les plus hautes autorités du Sénégal qui ont certainement modifié leurs agendas pour faire plaisir à leur étranger d’un week-end.

Mieux, Nicolas Sarkozy a réussit à faire signer par son homologue sénégalais un accord « historique et sans précédent » selon ses propres termes, sur la gestion des flux migratoire entre les deux pays. Cet accord porte sur, paraît-il « la gestion concertée des flux migratoires » et se compose de trois parties : l’immigration régulière, l’immigration irrégulière et le co-développement.

Sur l’immigration régulière, « la France et le Sénégal poursuivront leurs efforts tendant à faciliter la délivrance de visas de circulation aux ressortissants de l’autre partie, notamment hommes d’affaires, intellectuels, universitaires, scientifiques, commerçants, avocats, sportifs de haut niveau, artistes qui participent activement aux relations économiques, commerciales, professionnelles, scientifiques entre, universitaires, culturelles et sportives entre les deux pays ».

Que faut-il comprendre ? Que cette catégorie de Sénégalais obtiendra désormais sans trop de supplications le visa que par le passé ? Car, alors que son collègue français n’a pas besoin de visa pour rentrer au Sénégal, l’intellectuel ou universitaire sénégalais doit souvent prouver son intellectualité à de zélés fonctionnaires avant d’obtenir satisfaction.

Mais quid, du Sénégalais moyen apparemment pas considéré comme participant « activement aux relations économiques, commerciales...entre les deux pays ? » Peut-il aussi prétendre à cette vignette qui ouvre les portes de l’Hexagone ?

En fait, son cas est prévu en creux dans le second point, c’est à dire l’immigration clandestine, seul canal pour lui de venir en France. Et s’il se fait prendre au détour d’un contrôle, son sort est clairement scellé dans l’accord : « la France et le Sénégal s’engagent à accepter et à organiser conjointement, dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes (...) le retour sur leur territoire de leurs ressortissants se trouvent en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie ». Autrement dit, le gouvernement sénégalais soutiendra toutes les opérations d’expulsions par charters que le ministère français de l’Intérieur viendrait à décider.

On peut légitimement penser que ces opérations vont reprendre dans les mois à venir, Nicolas Sarkozy ayant sommé les services de polices de porter le nombre d’expulsions à au moins 25 000 d’ici la fin de l’année contre 15 000 en 2004.

Plus on s’approchera de l’échéance de l’élection présidentielle, plus la traque des clandestins s’intensifiera, le sujet étant en cette période, particulièrement porteur électoralement.

C’est en cela qu’on ne comprend pas le sourire du président Abdoulaye Wade et son ministre de l’Intérieur. Sont-ils heureux de rendre public leurs engagements à venir chercher sur le sol français leurs compatriotes que le chômage et l’absence d’avenir ont contraint à quitter leur pays ? Quel sort leur réserve t-il dès le retour autre que celui qu’ils avaient fui ?

Et si le sourire d’Abdoulaye Wade était un sourire moqueur, sachant qu’il sera extrêmement difficile à son gouvernement de coopérer pleinement à l’application de cet accord au moment où il s’apprête à briguer un second mandat ? Un chose est sûre, l’avenir de la politique d’immigration « concertée » de Nicolas Sarkozy en Afrique dépendra du succès ou de l’échec de cet « accord historique ».

Joachim Vokouma
Lefaso.net

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