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Démission en cascade à l’ADF-RDA : Si ce n’est pas l’argent, c’est quoi alors ?

Publié le mardi 26 septembre 2006 à 09h08min

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Décidément, démissionner d’un parti pour intégrer un autre est devenu le sport favori de nos soit disant politiciens. Tourner casaque est en effet quelque chose de banal pour eux et c’est peu dire. Le dernier cas en date et qui retient notre attention est la nique faite à l’ADF-RDA par le maire de Faramana et 16 de ses compagnons du conseil municipal.

Le 16 septembre courant, ils signifiaient dans une lettre adressée au président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), leur décision d’intégrer les rangs du parti majoritaire avec femmes et enfants. Pour eux, il s’agit plutôt d’un retour au bercail puisqu’ils étaient déjà avec Rock Marc Christian Kaboré et les siens avant d’aller flirter avec le parti du pachyderme de Me Gilbert Noël Namdouda Ouédraogo.

Avant eux, ce sont les conseillers Ismaël Nandian Ouédraogo et Abdoul Aziz Yerbanga à Ouahigouya qui quittaient le navire ADF-RDA, le 3 septembre 2006. Et que dire des illustres inconnus qui inondent souvent les rédactions de lettres de démissions et/ou d’allégeance à un nouveau/ancien parti alors que, si ça se trouve, ces braves bougres n’ont jamais tenu entre leurs mains la moindre carte de militant. Des exemples, on peut en citer à souhait. C’est à se demander ce qui fait réellement courir nos politiciens.

Pour rejoindre le parti de l’éléphant, les démissionnaires de Faramana, le maire Seydou Traoré en tête, n’avaient pas trouvé mieux que de prétexter de sérieux problèmes avec le secrétaire général départemental du CDP. Selon eux, après de vaines tentatives de se faire entendre par les premiers responsables du méga parti au niveau local et à Ouagadougou, ils avaient alors décidé de retourner leur veste.

Aujourd’hui ils y reviennent, pour la raison somme toute légère de notre point de vue, que le président de l’ADF-RDA à qui ils avaient fait confiance simplement parce qu’il avait soutenu le programme de Blaise Compaoré lors de la présidentielle, a commis le péché de déclarer haut et fort être de l’opposition, à l’occasion de la désignation des membres de la CENI le mois dernier.

Il lui est en outre reproché de n’avoir pas effectué le déplacement de Faramana pour la cérémonie d’installation du maire élu, le 19 août 2006, de ne s’être pas fait représenté non plus, et de n’avoir pas délié le cordon de la bourse quand le sieur Traoré devait prendre son écharpe de bourgmestre. Me Gilbert Ouédraogo est-il coupable de ce dont on l’accuse ? On ne le sait trop mais l’avocat qu’il est saura, en temps utile, se défendre si besoin est.

Quoiqu’il en soit, avec cette gymnastique interminable des trapézistes de la politique qui se caractérise par un revirement continuel de X ou de Y, on est en droit de se poser des questions. Quel malin plaisir a-t-on à changer chaque fois de position, voguer sans idéal si ce n’est aller à la recherche d’intérêts inavoués ?

Il est d’usage que les démissionnaires, surtout quand ils posent leurs baluchons sur l’avenue Kwamé N’Krumah (où siège le CDP), jurent la main sur le cœur n’être pas attirés par le fumet de la soupe. On veut bien mais pourquoi se faire élire le matin sous la bannière d’un parti et renier le même parti le soir venu si ce n’est parce qu’on n’a pas de convictions politiques solides.

A la limite, c’est insulter l’intelligence de ses électeurs et avouer sa perfidie de classe exceptionnelle. La plupart des démissionnaires qu’on dénombre jour après jour sous nos cieux sont généralement des insatisfaits pour un oui ou pour un non qui croient dur comme fer que le parti au pouvoir peut placer tous ses militants aux premières loges.

Le CDP doit d’ailleurs être gêné d’accueillir dans ses rangs tous ces zozos de la politique, à moins qu’ils ne soient des pantins acquis à sa cause, des torpilles qu’il envoie pour déstabiliser les bases de ceux qu’il a en face de lui ou sur son chemin. Si ce n’est pour de l’argent ou d’autres biens matériels, ou encore la promesse d’un quelconque promotion à moins que ce ne soit pour les affaires, c’est pourquoi alors qu’ils migrent ces nomades ?

Car une chose est sûr, quelqu’un qui était au CDP avant-hier, à l’ADF hier et qui retourne aujourd’hui au CDP ne peut pas avoir d’idéal politique. Il ne devrait d’ailleurs pas avoir de honte à avouer ses motivations bassement matérielles dans la mesure où, c’est bien connu, on ne mobilise quelqu’un que sur la base de ses intérêts.

Le problème c’est quand la transhumance touche des élus et qu’on en vienne ainsi à prendre le suffrage du peuple en otage, comme c’est le cas à Faramana (où le maire change de couleur) et à Ouahigouya.

Face aux démissions à foison, on en vient ainsi à regretter le vide juridique qui fait que des politiciens à la petite semaine continuent de faire le pied de nez à leurs collaborateurs d’hier, sans craindre outre mesure de tomber sous le coup de la loi.

Pendant qu’on y est, le gouvernement et mêmes les députés peuvent rédiger un projet ou une proposition de loi pour contraindre les éventuels inconstants à perdre leurs sièges lorsqu’ils viendraient à tourner le dos à la formation sous la bannière de laquelle ils ont été élus. Ceci aura l’avantage de limiter le degré d’imposture de ceux-là qui se trompent délibérément de combat.

Plutôt que d’amuser la galerie, ces imposteurs doivent savoir qu’on ne fait pas de politique sans idéal et que leurs turpitudes leur colleront toujours à la peau et l’histoire les rattrapera tôt ou tard. Au lieu de râler à longueur de scrutin, s’ils sont conséquents envers eux-mêmes, les politiciens ou ceux qui se prétendent tels gagneraient, au sein de leur propre formation, à gérer les divergences, à se battre de l’intérieur pour contrôler l’appareil du parti ou faire en sorte que les choses changent.

C’est bien ce que les Etienne Traoré et autres ont tenté au PDP-PS et qui aujourd’hui les grandis aux yeux de nombreux observateurs de la scène politique nationale. Alors, pourquoi pas les autres ?

Cela dit, si pour des raisons d’éthique politique, il est bon de légiférer sur le nomadisme des élus, il ne faut pas non plus plaindre outre mesure les victimes de ces saignées car ceux qui trinquent ont souvent profité de par le passé de pareilles situations quand ils ne s’en sont pas eux-mêmes rendus coupables.

Comme quoi ça peut nuire ou profiter à tout le monde même si, dans la plupart des cas, c’est vers les prairies luxuriantes du CDP que les démissionnaires gambadent.

D. Evariste Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 27 septembre 2006 à 06:51 En réponse à : > Démission en cascade à l’ADF-RDA : Si ce n’est pas l’argent, c’est quoi alors ?

    Cet article est incontestablement excellente. On ne peut être élu sous la bannnière d’un parti et lors ce ce même mandat, "rouler" pour un autre parti. Il conviendrait de déposer son écharpe et se représenter devant les électeurs sous une autre étiquette politique. Les électeurs ne sont pas la propriété d’un élu et ils ont droit au respect de leur opinion politique, à moins d’être des moutons de panurge. Ce que je ne crois pas sincèrement. Il peuvent croire à un homme. Mais encore faut-il que cet homme ait un idéal politique. Monsieur Gilbert OUEDRAOGO ne s’est pas déplacé parce qu’il avait peut-être une rencontre ou un voyage plus important que l’installation du maire. Et, en tout état de cause, cette divergence de vue ne peut suffire, à elle seule, pour justifier ces démissions intempestives, si ce n’est la "politique du ventre". comment voulez-vous que le Burkina sorte de sa léthargie avec de tels comportements. Heureusement qu’ils sont minables et minoritaires.
    Ange TAMPSOBA.

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