LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Arrêté ministériel sur le Bac : Des travailleurs "trahis" par l’Etat

Publié le lundi 25 septembre 2006 à 05h56min

PARTAGER :                          

Ceci est un point de vue, qu’Abdoulaye Dianda partage avec les lecteurs suite à l’arrêté ministériel faisant allusion à l’exigence du diplôme du baccalauréat (bac) au postulant aux concours professionnels.

C’en est fini pour les fonctionnaires sans bac. Depuis le 8 août 2006, l’arrêté ministériel est tombé comme un coup d’épée de Damoclès sur la tête de milliers de fonctionnaires (Décret N°2006-377 portant régime applicable aux emplois spécifiques du MEBA).

En effet, la mesure stipule, entre autres, que pour accéder à la catégorie A, ou celle des concepteurs ou encore de conception de la Fonction publique, il faudrait désormais que l’agent soit titulaire du bac. Si pour les uns cette mesure est la bienvenue, car accroissant leurs chances d’admission du fait de la réduction, de facto, du nombre de candidats, elle se révèle mortelle pour les autres, qui ne sont sûrement pas les moins nombreux. Aussi, ils sont nombreux, les agents qui ne pourront plus avancer, malgré les compétences accumulées au fil des années, du fait de leur longue ancienneté. L’argument qui prétend moderniser l’Administration ou encore la rendre performante s’écroule comme un mur de sable en raison de plusieurs constats.

Primo, combien sont-ils, décideurs ou concepteurs, à la tête de nos administrations, sans bac mais très compétents du fait de l’expérience ? Sans être dans le secret des dieux, je peux dire que tous nos députés ne sont pas titulaires de ce parchemin mais votent les lois qui régissent la vie du pays ! De même, combien de professeurs retrouve-t-on dans les écoles de formation professionnelle, qui ne sont pas titulaires du bac ? Ils sont pourtant les vrais concepteurs, des enseignants chevronnés, ayant donné à l’Administration ses meilleurs agents.

Stoppés comme au football

Secondo, nombre de travailleurs ont écourté leurs études pour certains emplois, car rien ne bloquait leur progression professionnelle en son temps, en tout cas pas un problème de diplôme. Aujourd’hui, ces derniers sont irrégulièrement stoppés, un peu comme au football, trahis par l’Etat du Burkina Faso, censé les protéger et les sécuriser. Ainsi, quand il s’est agi de l’actuel mandat du président, l’on a évoqué la non-rétroactivité et, en l’occurrence, d’éminents juristes et autres hommes de droit sont sortis médiatiquement pour donner gratuitement à l’opinion des cours de droit. Aujourd’hui, c’est une frange non négligeable d’gents publics qui est mise sur le banc de touche pour le restant de leur période d’activité professionnelle. Et personne ne semble s’en émouvoir pour dénoncer cette mesure impopulaire.

Tertio, et particulièrement dans l’enseignement, deux situations pourront se présenter, si elles ne sont déjà perceptibles .

La 1re concerne les "pro bac". Ils seront nombreux à la recherche du nouveau souffle et, dans ce cas, ne leur demandons pas de rester en classe puisque les efforts consentis par l’instituteur seront en faveur du bac au détriment de l’éducation des élèves. Ce qui aura pour corollaire la baisse plus accentuée du niveau de l’enseignement, laquelle est déjà décriée par tous et a constitué l’une des raisons ayant conduit à l’élaboration du PDDEB.

Un parchemin utopique

La 2e situation englobe les "anti bac" . Exiger le bac à des agents totalisant 20 ans, 15 ans d’ancienneté peut s’avérer caduc et même non-raisonnable. Où vont-ils trouver le réflexe intellectuel des formules mathématiques et scientifiques des classes de Tle qu’ils ont abandonnées il y a deux décennies ? Le précieux parchemin devient utopique à obtenir à leurs yeux. Conséquence, on se résigne au plan professionnel, et bonjour le clientélisme, la corruption, les multiples fonctions commerçant/ fonctionnaire, bref, toutes formes de vacations qui assureraient, à coup sûr, le péril du respect hiérarchique, sans oublier la perte, au compte de l’Administration, des compétences humaines de ces agents.

Que l’Etat intègre de nouvelles dispositions pour mieux assumer sa mission régalienne, nous nous en félicitons ! Mais que les intérêts des agents soient atteints par ces mêmes dispositions, nous convenons que les choses doivent être revues dans l’intérêt supérieur de tous.

C’est pourquoi, loin de nous l’idée de faire un travail qui n’est pas le nôtre, nous nous permettrons de proposer quelques pistes de réflexion.

D’abord, il est possible de relever le niveau du concours par des sujets de taille en faveur des fonctionnaires en activité au moment de l’entrée en vigueur de toute nouvelle disposition et, particulièrement, celle sur les diplômes. Cette mesure aura l’avantage de permettre aux plus compétents de se qualifier avec ou sans bac.

Ensuite, une période transitoire pourrait être fixée, toujours dans le sens de ne bloquer personne car, ici, il convient de ne pas négliger l’importance numérique des "sans-papiers" (sans-bac), toute disposition contraire pouvant créer des frustrations non bénéfiques à l’Administration.

Enfin, un test de niveau pourrait être organisé dans chaque région pour les "sans- papiers" déjà en activité. Les résultats de ce test indiqueraient les candidats aux futurs concours.

En somme, l’essentiel consisterait à trouver la formule adéquate pour ne pas stopper la carrière de plusieurs travailleurs publics par une loi adoptée après leur entrée dans la Fonction publique. D’aucuns diront qu’il est loisible de chercher son bac, même étant en fonction, avec exemples à l’appui, mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. S’occuper professionnellement et chercher en même temps le bac ne sont pas chose aisée et réalisable, au regard de l’âge de certains, et de la vie chère pour d’autres.

Vivement que des palliatifs soient trouvés pour notre bien à tous !

Abdoulaye Dianda

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?