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Port obligatoire du casque : "Que Djibrill et Simon nous laissent en paix !"

Publié le lundi 18 septembre 2006 à 07h31min

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En plus d’être meurtri, ce citoyen est fâché au regard des nombreux maux du peuple burkinabè. C’est tout naturellement qu’il est remonté contre la mesure sur le port obligatoire du casque. Il n’y va pas avec le dos de la cueiller pour le faire savoir aux autorités. Pour des raisons d’éthique et de déontologie, nous avons supprimé certains passages qui ont été remplacés par des pointillés.

1. Depuis le 1er septembre 2006, le port du casque en circulation est obligatoire ; désormais, les propriétaires d’engins à deux roues qui commettront l’erreur ou l’entêtement de ne pas se procurer cet objet subitement « précieux » se verront sévèrement réprimander.

2. A en croire le maire Simon Compaoré, cette mesure va s’appliquer n’en déplaise aux quelques « énergumènes » (l’expression est bien du maire) qui se sont agités en s’illustrant par des casses. Il a même signifié à la presse, ceci : « vous croyez que nous sommes des plaisantins ? ». Le nombre de traumatismes crâniens par suite d’accidents de la circulation aurait atteint un niveau si alarmant que nos autorités qui nous aiment tant ont jugé urgent d’imposer le port du casque.

3. Entendons-nous tout de suite : mon but n’est pas de démontrer que le port du casque ne présente aucune utilité, aucun avantage. Tant s’en faut ! Pour sa propre sécurité et celle des autres, cet objet est absolument utile, indispensable. Et une autorité, on ne peut plus responsable, se doit logiquement d’imprimer ce réflexe dans les habitudes de ses populations. Dès lors, cette mesure de nos autorités pourrait être considérée comme extrêmement salutaire et ses initiateurs mériteraient une fière chandelle !

Mais seulement voilà, nous sommes au Burkina Faso, avec nos responsables de la sécurité que nous connaissons bien, avec notre consortium de dirigeants et alliés que nous connaissons bien également. Et il me semble qu’il est extrêmement difficile d’appréhender la polémique autour du port obligatoire du casque sans prendre en compte cet état de fait.

Mon but est, dès lors, essentiellement triple : démontrer dans un premier temps que les raisons officielles avancées pour justifier la mesure ne sont pas du tout pertinentes lorsque l’on intègre bien sûr l’idée que nous avons de nos autorités (I) ; démontrer que nos autorités sont mal placées pour soutenir qu’elles se préoccupent de nos vies (II) ; soutenir que nos amis avec en tête Simon et Djibrill ont vraiment l’art triste de déplacer les problèmes, de travestir la réalité et surtout de « prendre les conséquences d’une chose pour ses causes » (III)

I. Sur les raisons officiellement fredonnées

4. Il est revenu à nos autorités que le nombre de traumatismes crâniens par suite d’accident de la circulation est devenu si inquiétant au point où elles n’en dorment plus ! L’explication est simple : le port du casque n’est pas encore rentré dans les habitudes. Il faut donc faire quelque chose en imposant le port du casque ; cela évitera à coup sûr des pertes inutiles en vies humaines.

Nos amis, chargés de veiller sur nous ne peuvent supporter de voir nos crânes « péter » ! Jugeons-en : nos autorités sont si soucieuses de nos vies, de nos « boîtes crâniennes ». Elles nous aiment et veulent absolument conserver nos vies même si nous nous entêtons à ne pas protéger nos propres vies et celles des autres en ne portant pas souvent le casque en circulation.

5. Mais comme on le sait, ces raisons vont bien au-delà. S’il est vrai que l’absence de port de casque en circulation fait effectivement des victimes, ce n’est nullement cette raison qui excite tant Djibrill et Simon à vouloir imposer le port du casque. En fait, les choses sont encore beaucoup plus profondes. Surtout n’allons pas croire que ces gens-là ont un amour quelconque pour nous.

Non, ils n’en ont pas bien sûr. Ils ne se soucient guère de nous et les raisons officielles avec lesquelles ils nous matraquent ne sont certainement pas les vraies. (...) Ouaga la rumeur, comme à son habitude, avance déjà quelques rumeurs aussi déroutantes que graves qui, si elles venaient à être confirmées, permettraient de mesurer pleinement les réelles raisons qui excitent nos amis à vouloir tant nous imposer le casque !

II. Sur l’idée selon laquelle Djibrill Bassolé et Simon Compaoré sont mal placés pour soutenir qu’ils se préoccupent de nos vies.

6. Assurément, ces gens-là nous amusent ! S’il y a des gens qui se soucient de la vie des Burkinabè, ce n’est nullement Simon Compaoré et encore moins Djibrill Bassolé. Soutenir donc qu’il faut nous éviter les traumatismes crâniens et qu’il faut préserver nos vies, c’est vraiment une monstrueuse prétention (...).

On peut reconnaître à d’autres, le mérite de se soucier de la vie des Burkinabè mais pas à ces gens-là surtout. Non. Il me semble que l’on devrait éprouver un certain malaise ou une certaine honte à tenir certaines positions ou à tenir certains propos.

Ceux qui aiment les Burkinabè et se préoccupent de leur vie ont fait leur preuves ou font leurs preuves au quotidien. Eux n’ont pas leurs noms mêlés aux histoires sales de la république ; eux n’éduquent pas leurs enfants à jouer aux « faroteurs » avec des millions (fussent-ils légitimement et proprement acquis) alors que des enfants meurent de faim, de maladie ou ne vont pas à l’école. Eux ne contribuent pas à ajouter à la laide misère des populations (...)

7. Autrement, s’ils nous aiment tant, s’ils se soucient tant de nous, qu’ils pensent aux nombreuses injustices qui ont été causées et qui continuent d’être causées aux Burkinabè et qu’ils travaillent plutôt à les freiner ; qu’ils pensent à toutes ces veuves et autres orphelins qui souffrent dans leurs âmes et qui ne connaîtront plus jamais la chaleur d’un mari ou d’un père.

Qu’ils pensent à ce non-lieu qui a été avantageusement servi à Marcel Kafando dans l’affaire Norbert Zongo ; qu’ils pensent à ces millions de laissés-pour-compte de notre société qui négocient l’existence et qui croupissent dans le dénuement le plus pitoyable. C’est ce qui me fait dire justement que Simon et Djibrill ont vraiment l’art de déplacer les problèmes.

III. Sur l’art de déplacer les problèmes, de prendre les conséquences pour les causes

8. Voyez, nos amis savent déplacer les problèmes ! Or, il ne faut pas déplacer les problèmes tout comme il ne faut pas divertir les gens. Non, il faut se garder de le faire. Il faut respecter notre intelligence. Les problèmes qui assaillent bon nombre de Burkinabè aujourd’hui sont si évidents que le port d’un casque sur un crâne qui bouillonne de soucis et d’angoisse n’est absolument rien.

C’est ce que j’appelle, s’attaquer aux conséquences et non aux causes : qu’est ce qui provoque généralement les accidents qui virent souvent au traumatisme crânien ? Ce sont les soucis, les peines, les frustrations, bref « la cherté de la vie », cette expression que certains semblent ne pas avoir dans leur vocabulaire (suivez mon regard !) C’est aussi l’alcool, ce dernier refuge pour personnes désespérées et sans perspective aucune.

Parlant justement d’alcool, j’ai suivi avec un air amusé mais meurtri, le reportage de la RTB sur l’alcool frelaté dans la province de Réo. Les paroles de ces « buveurs » pour comiques qu’elles puissent paraître, traduisent à quel point certains sont désespérés et ne se reconnaissent plus dans notre société. Cela devrait instruire, mais hélas !

9. Si ces gens-là nous aiment tant, qu’ils s’attaquent à la racine du problème, à ses vraies causes, à savoir les multitudes de soucis horribles dont ils nous chargent par leur manière de nous gouverner. S’ils nous aiment à ce point, qu’ils travaillent pour un Burkina plus juste. Qu’ils travaillent à alléger nos souffrances.

Les Burkinabè dans leur majorité vivent des réalités que nos dirigeants sont sans doute si loin d’imaginer, des réalités si dures, si dramatiques que pour beaucoup de Burkinabè, ce qui importe ce n’est plus le risque de faire « péter » son crâne sur le goudron chaud. Il faut gager que beaucoup de Burkinabè aujourd’hui préfèreraient une telle alternative aux conditions de vie indigne et insultante qu’on leur offre.

Pendant que certains (des parvenus bien sûr) n’arrêtent pas de s’abreuver cyniquement du sang des fils et filles de ce pays, en s’enrichissant, d’autres croupissent dans une misère vulgaire. Au Burkina, les paradoxes en la matière sont si saisissants : la misère et le « bonheur » insultant se côtoient comme des jumeaux inséparables.

Pendant que certaines familles, ici même à Ouagadougou, ne peuvent manger deux fois par jour, d’autres familles jettent des plats entiers dans des poubelles et s’amusent avec le champagne mention « très cher » ! Pour quiconque a encore un minimum d’humain en lui, les dures réalités des Burkinabè sont si évidentes et les causes également !

Il ne faut surtout pas que nos amis nous divertissent : les maux du Burkina sont très perceptibles à moins d’être de mauvaise foi.

10. Les vrais problèmes des Burkinabè sont entre autres : injustice, corruption, malversation, cupidité, affairisme, insécurité (...). Alors si Djibrill Bassolé et Simon Compaoré nous aiment tant et sont si soucieux de nos vies, qu’ils commencent d’abord par là.

A défaut, qu’ils nous laissent en paix. (...) La vraie vie pour beaucoup de Burkinabè aujourd’hui, c’est avoir de quoi manger, avoir un petit abri où dormir, pouvoir mettre son enfant à l’école, avoir une dignité que l’on respecte mais surtout (et vous vous en doutez), ne pas être meurtri dans son âme, ne pas voir que l’on tue les siens impunément et que l’on se foute d’eux ! (...) Travaillez à plus de justice sociale, d’égalité des chances, de respect de la dignité des Burkinabè. Travaillez dans l’intérêt suprême des Burkinabè et non pas dans votre propre intérêt.

En guise de conclusion

11. Non, il ne faut pas en rajouter à la rancœur des gens. Les frustrations, la résignation et les ressentiments ont atteint un point d’agrégation si énorme qu’il faut éviter de provoquer davantage. Et surtout, n’allez pas penser que les braves Burkinabè qui sont pauvres et qui croupissent dans la misère, c’est après tout, leur responsabilité. C’est surtout et essentiellement la vôtre à cause de la façon dont vous voulez toujours amasser et amasser encore ; à cause de la façon suffisante avec laquelle vous vous comportez alors que ça ne va pas.

Pour vos intérêts, vous êtes prêts à tout, même au pire. Les Burkinabè que vous avez relégués au second plan sont des gens braves, honnêtes et travailleurs. Beaucoup d’eux se battent et pour vous en convaincre, il vous suffit d’observer autour de vous, de sortir de vos palais feutrés et autres forteresses. Quelles perspectives véritables avez-vous pour ce pays ? Avant de vous coucher, pensez-vous un seul instant à ces Burkinabè d’en-bas qui manquent du strict nécessaire ?

Pensez- vous à ces enfants malades, ou mourants parce que leurs parents n’ont pas de quoi acheter des médicaments ? Quand on aime son peuple, il y a des façons de le prouver mais là, vous êtes vraiment loin du compte. Et surtout, de grâce, ne nous amusez pas davantage en chantant que vous êtes soucieux de nos vies. On se connaît tous dans ce pays pour emprunter au sens commun.

12. En définitive, il faut nous laisser en paix. Nous ne voulons pas de vos casques et le comportement de la population depuis votre mesure, est assez significatif à ce propos. Bien sûr, la mesure va passer puisque les enjeux pour vous sont si énormes. Mais sachez que c’est là, une bêtise supplémentaire.

Ne vous fiez pas à ces propos du Professeur Bado qui aime soutenir que le peuple burkinabè est un peuple mouton pour penser qu’on peut tout imposer à ce peuple. Ce même peuple, bien que souvent engourdi, timide à la limite, peureux parce que connaissant bien vos méthodes de « travail » peu orthodoxes, et que vous aimez utiliser comme « bétail électoral » (l’expression est vraiment malpropre), n’est pas insensible ; il n’est pas du bois.

Non, ce peuple a une âme (...) Les vrais problèmes des Burkinabè sont ailleurs et vous le savez sans doute bien. (...) Le pays va mal, la population souffre, les bandits tuent chaque jour nos compatriotes. Si vous voulez nous imposer d’acheter vos casques, faites-le franchement mais ne nous faites surtout pas croire que vous vous souciez de nos crânes et de nos vies !

Un citoyen meurtri

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 19 septembre 2006 à 04:45, par Texan En réponse à : > Port obligatoire du casque : "Que Djibrill et Simon nous laissent en paix !"

    rien a dire cest propre cest klin, sa fait peur la politique
    actuelle du pays, cest triste si ca continu ds ce sens je pense
    quon ne sera pas loin de la cote divoire actuelle ou le congo,,,,,,,

    • Le 19 septembre 2006 à 14:17, par humbleserviteur En réponse à : > Port obligatoire du casque : "Que Djibrill et Simon nous laissent en paix !"

      yo le texan ! je touche du bois afin que cela n’arrive jamais au faso. J’ai l’intime conviction que parler et écrire, depeindre la réalité de manière crue contribue à l’amélioration des choses, à l’eveil des consciences. Toutes et tous à nos stylos pour que ces deux là et leurs autres pôtes nous foutent la paix !!!

      • Le 19 septembre 2006 à 20:34 En réponse à : > Port obligatoire du casque : "Que Djibrill et Simon nous laissent en paix !"

        c’est génial, l’auteur a tout dit, pour des gens qui disent aimer leur peuple et le protèger des fractures cranières, les maux sont ailleurs commencer par sanctionner l’excès de vitesse en ville, tu peux congner tuer en circulation et se retrouver relaxer au bout de 3 mois, justice laxiste et corrompue, mon cher Simon commencer par déboucher les fossés et entretenir les voies tout ca c’est cause d’accidents, en cas d’accident quel traitement d’urgence on recoit : rien corruption totale, même la Mairie est dans la corruption, la misère du peuple est ailleurs, les gens n’ont même l’argent de la scolarité vous leurs imposez le casque, arrêtez de jouer aux gandaogo et lancer des défis aux gens l’avenir dira la vérité chacun de vous sera rattrapé par son passé.

  • Le 19 septembre 2006 à 13:22 En réponse à : > Port obligatoire du casque : "Que Djibrill et Simon nous laissent en paix !"

    Sans commentaire , vous aviez tout dit meme malgre les passages effaces .
    Je vous en remercie . Que Dieu te donne une longue vie .

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