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Côte d’Ivoire- ONU : Le coup de pied de Gbagbo

Publié le lundi 18 septembre 2006 à 08h02min

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Pour la énième fois, Laurent Gbagbo vient de donner un coup de pied à la communauté internationale via l’ONU. Serait-ce le dernier et celui de trop ? Toujours est-il que le président ivoirien n’a pas trouvé de mots assez durs pour charger l’ONU de tous les maux, allant jusqu’à qualifier la prochaine assemblée générale, prévue le 10 septembre prochain et consacrée au dossier ivoirien, de mascarade.

"Je n’irai pas à New York. Je ne veux pas cautionner la mascarade", a sèchement indiqué Laurent Gbagbo. L’historien Gbagbo s’est-il brusquement rappelé qu’un grand homme, le général de Gaulle, avait qualifié l’ONU de "machin" ?

De Gaulle aurait-il pu se permettre de tels écarts de langage si la France n’avait pas eu les moyens de sa diplomatie ? Rien de tel pour Gbagbo, qui tire sa force, quoi qu’on dise, de la présence de l’ONU, tout en exploitant ses faiblesses. Mais, pendant combien de temps va-t-il tenir tête à la communauté internationale ?

Le raidissement de la position de Gbagbo intervient précisément à un moment où le rouleau compresseur onusien commence à atteindre l’entourage immédiat du président, à savoir sa garde politique rapprochée, ses avocats les plus radicaux, gardiens du temple. Jusqu’à présent, l’ONU s’était contentée d’appliquer ses sanctions à la périphérie du système. Cette fois-ci, elle vient de frapper au coeur même du pouvoir en épinglant Pascal Afi Nguessan, le patron du FPI, et Mamadou Koulibaly, président de l’Assemblée nationale, tous deux idéologues du régime, et non moins "idiologues", qui ne perçoivent pas, par pur égoïsme, tout le mal qu’ils font à la Côte d’Ivoire.

Laurent Gbagbo commence certainement à s’apercevoir que l’étau se resserre autour de lui. D’où son refus d’aller à Canossa se faire humilier. Cela est d’autant vrai que, depuis l’instauration de l’équilibre de la terreur par les jeunes Houphouétistes, le président ivoirien a perdu ses "généraux" de la rue. Il semble se garder de larguer sur Abidjan et sur les autres villes du pays sa "galaxie" de patriotes qui semaient la terreur partout. En d’autres temps, le chef de l’Etat n’aurait pas hésité à ameuter ses troupes droguées de slogans "patriotiques" et anticolonialistes (surtout à l’encontre de la France).

Tout se passait comme si elles avaient le monopole de l’amour de la patrie. Comme le remarquait un grand analyste politique, si la démocratie ne peut ni ne doit être imposée de l’extérieur, les violations généralisées des droits de l’homme doivent être, avec la riposte à l’agression, la seule cause légitime d’une intervention armée collective, de préférence par des forces mises à la disposition du Conseil de sécurité.

Bien sûr, la présence de l’ONUCI en Côte d’Ivoire répond à ce schéma. Malheureusement, l’ONU s’est, jusque-là, contentée d’observer la situation en se laissant bercer par les éternels grelots de président démocratiquement élu que Gbagbo et son clan agitent. Un argument qui, du reste, ailleurs, n’a pas résisté à l’envie pour certains pays étrangers d’intervenir quand leurs intérêts étaient menacés.

On sait ce qui serait advenu du régime de Gbagbo si la France n’avait pas su contenir, par intérêt mutuel bien compris, le coup de force du 19 septembre 2002. La France doit certainement le regretter aujourd’hui, elle qui a été payée en monnaie de singe par Laurent Gbagbo.

Celui-ci, en effet, a su réveiller et susciter le sentiment anticolonialiste français de certains de ses compatriotes. D’où les multiples humiliations subies par les Français, y compris leurs responsables au plus haut niveau. Laurent Gbagbo, en grand stratège, a su exploiter le laxisme et les erreurs de calcul de l’ONU, qui ont consisté à prolonger son mandat et à graduer les sanctions en commençant par le menu fretin.

Ce qui a permis au président de faire fi du caractère exceptionnel de la situation en Côte d’Ivoire, et de brandir constamment sa légitimité conférée par la Constitution. De même, en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale tout en acceptant le retour des députés pour siéger dans un parlement fantôme, l’ONU a fait preuve d’incohérence.

Comme on le voit, la présence de l’organisation internationale semble avoir créé plus de problèmes en Côte d’Ivoire qu’elle n’en a résolu. Il lui appartient donc de se ressaisir et de revoir sa copie. La récente réaction de Gbagbo n’est-elle pas finalement l’expression de la crainte d’un homme de se retrouver devant un tribunal à l’ONU, où il sera pratiquement le principal accusé ?

Mais refuser d’aller à l’ONU est-il la bonne stratégie pour ne pas prendre la trajectoire vers la justice internationale ? Cette attitude ne va-t-elle pas amener l’ONU à radicaliser sa position ?

Il y va de sa crédibilité. La réunion du 20 septembre fournira certainement des réponses appropriées à toutes ces questions. Quoi qu’il en soit, à force de vouloir retarder certaines échéances dont l’urgence n’échappe à personne, et en menant des combats d’arrière-garde, Laurent Gbagbo joue un jeu qui a ses limites.

Mais, on ne peut jurer de rien. Les pays occidentaux qui dominent l’ONU n’ont parfois d’intérêt pour les populations africaines que si elles sont originaires de pays producteurs de pétrole ou de métaux précieux.

Ces mêmes Occidentaux n’en exigent pas tant pour intervenir en Europe. Sinon, comment expliquer la promptitude avec laquelle ils sont intervenus en ex-Yougoslavie (dépourvue de ressources naturelles), et leur absence de volonté à en finir avec la situation en Côte d’Ivoire ?

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 18 septembre 2006 à 18:55, par Capitaine Bernard En réponse à : > Côte d’Ivoire- ONU : Le coup de pied de Gbagbo

    L’ONU n’a aucun droit en Côte d’Ivoire !
    Si l’ONU avait un droit sur les nations souveraines, pour quoi ne l’exerce t-elle pas au Soudan, en Palestine, en Somalie, en Ouganda, au Zaîre, en Ethiopie, au Burrkina Faso etc. On pourrait multiplier les exemples, à l’infini.

    n’oubliez pas cela, dans vos écris, l’ONu ne peut rien sans l’accord des ivoirien en Côte d’Ivoire.
    Tant que l’Onu ne tiendra pas compte de cela, ses actions seraient veines.

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