LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Jérôme Bougma, ministre du Travail et de la Sécurité sociale : « La protection sociale apporte l’espérance »

Publié le samedi 16 septembre 2006 à 08h36min

PARTAGER :                          

Jérôme Bougma

La rentrée gouvernementale est l’occasion de la revue des nouvelles priorités dans chaque département ministériel. Au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, le contexte social actuel n’est pas des plus favorables : dialogue syndicat / gouvernement dans l’impasse, cherté de la vie, fronde sociale.

Malgré tout, son premier responsable demeure optimiste : « j’ai une foi inébranlable aux possibilités des burkinabè ».

Sidwaya (S) : L’on a annoncé la reprise du dialogue Gouvernement/Syndicat. Confirmez-vous cela ?

Dr Jérôme Bougma : C’est exact. Les négociations suspendues en mai dernier vont reprendre. Suite à la médiation du Conseil économique et social (CES), que nous avons du reste saluée, les deux parties ont convenu de renouer le dialogue. Les discussions vont concerner en priorité, les points sur les incidences, les avancements et la structure des prix des hydrocarbures.
La reprise sera en septembre, mais je ne peux pas vous situer précisément sur le jour. Tout dépendra de l’agenda du gouvernement que le Premier ministre détermine. Nous tenons aussi compte de l’avis de nos partenaires.

S. : Pour ce qui est de la médiation du CES, qu’est ce qui a réellement motivé la décision des syndicats pour renouer le dialogue ?

J.B : Je crois que les organisations syndicales ont pris acte de la bonne disponibilité, des bonnes dispositions du gouvernement à régler de façon concrète les questions qui lui ont été soumises. Le Premier ministre a donné son accord pour aborder les points que les syndicats considèrent comme prioritaires. La médiation du CES a contribué à rapprocher les différents points de vue.

S. : Les syndicats estiment parfois que le gouvernement ne fait que des concessions dérisoires. Qu’en dites-vous ?

J.B. : Le gouvernement fait des propositions supportables. Les organisations syndicales , elles-mêmes ont quelquefois demandé à l’Etat, lorsque celui-ci est incapable de satisfaire à une doléance, de dire ce qui lui est possible de réaliser. Le gouvernement fait donc des promesses que le budget de l’Etat peut supporter. Ce sont des propositions qui doivent être respectées sans démagogie.

S. : Dans ces derniers temps, on constate que le social est encore menaçant ; les prix des hydrocarbures ne chutent pas, la SONABEL a augmenté le prix de l’électricité... Cela ne risque-t-il pas d’empiéter sur les discussions ?

J.B. : Notre pays est soumis aux réalités économiques. Il y a les mécanismes de fixation des prix qu’il faut considérer. Au jour de cette interview (lundi 4 septembre) on peut remarquer une baisse significative du prix à la pompe. Ce qui veux dire que le système que nous avons conçu profite aux consommateurs, lorsque les prix baissent sur le marché mondial.

Le problème de la SONABEL est dû au fait qu’elle doit avoir des ressources nécessaires pour réaliser les investissements qui s’imposent. Autrement, nous allons replonger dans le cycle des délestages. Il vaut mieux que la SONABEL continue de bénéficier du soutien des ressources utiles à ses travaux. A long terme, cela permet de baisser le coût du kilowatt-heure, et d’assurer un approvisionnement régulier de notre pays. Pour ce faire, la SONABEL doit rester une société forte, capable de faire face à ses
engagements.

S. : Les 5 milliards de la CNSS viennent d’être rapatriés ; où doit aller cet argent ?

J.B. : L’argent revient à la caisse de la CNSS, et sera placé conformément aux règles en vigueur sur le marché national. C’est-à-dire sous forme de DAT, auprès de nos banques. D’ailleurs, je pense que se sont la direction générale et le Conseil d’administration de la CNSS qui vont en décider... Je puis vous assurer que la caisse s’est engagée pour des placements profitables aux travailleurs. Ces placements vont leur permettre d’être sûrs que leurs retraites et les prestations familiales seront assurées.

Bientôt, il y aura une amélioration des prestations familiales et dans quelques années on ressentira l’augmentation du taux des annuités. Toutes ces mesures vont entraîner des efforts financiers importants de la part de la Caisse. Il est intéressant de signaler que la CNSS a une crédibilité au plan régional qui ne se dément pas.

S. : Autres questions d’actualité, les migrations des jeunes africains. Quel regard le gouvernement a sur cette affaire qui empoisonne aussi bien la vie des Africains que celle des européens ?

J.B : Le problème des migrations est un peu entretenu par la presse. Les Occidentaux ont tout intérêt à ce que tous les africains, où qu’ils soient se fassent une idée de ce qui arrive aux clandestins. Ceci, dans le but de décourager les éventuels candidats.

Mais force est de reconnaître que cette situation ne peut être corrigée que dans le cadre de la coopération internationale. Il est nécessaire que les pays du Nord qui ont les ressources aident ceux du Sud à fixer les jeunes dans leurs terroirs. Si les jeunes dans leurs villages, dans leurs communes ont du travail, des perspectives, un avenir, ils n’iront pas dans les capitales, à plus forte raison, partir pour l’Europe. A cet effet, le développement local doit être une réalité.

Ce problème est le résultat de l’échec de l’aide publique au développement tel qu’il est pratiqué actuellement. Il est important qu’il y ait une aide véritable vers les communautés.

C’est à cette condition que l’on pourrait s’en sortir. Même si, bien entendu, on ne peut pas empêcher les migrations qui constituent un phénomène naturel.
Il faut cependant éviter les spectacles humiliants auxquels nous assistons... C’est insultant pour notre intelligence.

S. : La rentrée gouvernementale est effective ; quelles seront les priorités de votre département ?

J.B. : C’est essentiellement appliquer le programme quinquennal du Chef de l’Etat en matière de travail et de sécurité sociale. Notre département doit veiller à l’application de la législation de travail ; faire en sorte que le code de travail ne soit pas un obstacle à l’emploi. C’est-à-dire qu’un employeur ne refuse pas de recruter parce qu’il ya un code qui l’en empêche. Notre devoir est de veiller à cela, et de faire également des réformes, parce que nous sommes critiqués parfois pour la rigidité de nos textes. Nous allons travailler avec les partenaires sociaux à améliorer ce code, sans remettre en cause les droits des travailleurs. L’autre volet concerne le grand chantier de la protection sociale.

Notre ministère a adopté deux lois qui réforment les institutions de prévoyance sociale et qui réforment le fond du droit applicable à la sécurité sociale. Nous allons donc adopter les textes d’application de ces deux lois ; celles-ci vont changer le visage de la protection sociale pour les trente (30) ans à venir.
C’est la protection sociale qui apporte l’espérance ; surtout que l’on parle de « progrès continu pour une société d’espérance ». Le progrès continu nécessite qu’il y’ait du travail pour les jeunes, pour tout le monde...

S. : Chèreté de la vie, hausse du prix du carburant, fronde sociale, impasse du dialogue sociale..., vous entamez votre mandat sous des auspices difficiles. Avez-vous foi en l’avenir et qu’est ce qui fonde cette foi ?

J.B. : J’ai foi en l’avenir et je crois que le président Blaise Compaoré est capable de nous sortir de ces difficultés-là. C’est un engagement personnel que j’ai pris en acceptant ce poste ; un engagement auprès d’un grand homme, un engagement pour la politique, pour un parti, pour mon pays etc. J’ai une foi inébranlable en l’avenir, aux possibilités des Burkinabé. Les Burkinabé vont s’en sortir, malgré les contingences économiques mondiales auxquelles nous sommes soumis.

Tous ces problèmes que vous évoquez se rencontrent partout en Afrique. Chaque peuple doit avoir le génie, la détermination, les dirigeants qui vont lui permettre de les affronter. Le Burkina Faso pourra y faire face, parce qu’il a les hommes qu’il faut. Nous avons un peuple travailleur, accueillant, tolérant ; un peuple qui place l’homme au coeur de tout. Ce qui est essentiel chez nous, c’est l’homme.

C’est cette espérance qui nous anime tous et qui fait que les paysans au village savent que quelles que soient les difficultés, ils auront l’appui de ceux qui sont un peu plus nantis. C’est capital, la solidarité que nous avons.

Entretien réalisé par Ismael BICABA ’bicabai@yahoo.fr)

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique