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Burundi : Démission courageuse au sommet de l’Etat

Publié le jeudi 14 septembre 2006 à 07h34min

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"Le gouvernement que je quitte a été acculé à une situation de totale incapacité par le chef du parti présidentiel qui ne respecte pas les institutions de la République (...). La dilapidation des deniers publics et la corruption sont en train de dominer l’espoir qui commençait à naître dans ce pays (...).

Ce pays vit beaucoup de problèmes politiques, beaucoup de Burundais s’inquiètent de l’avenir et personne ne les tranquillise. La sécurité se détériore. (...) Les droits de l’homme sont bafoués au vu et au su des responsables." Ce sont là quelques morceaux choisis dans la longue litanie des motifs qui ont contraint Alice Nzomunkunda, la deuxième vice-présidente burundaise, à la démission. La nouvelle est tombée comme un coup de tonnerre dans un ciel burundais qui se débarrasse difficilement des traces persistantes d’Etat d’exception qu’a longuement été le Burundi.

Malgré la série d’élections tenues en 2005 et qui avaient pour but de mettre fin à la guerre civile débutée en 1993, le Burundi présente les signes ostensibles d’une nation dont les fils et filles n’ont pas réussi la réconciliation totale tant souhaitée par la communauté internationale. En effet, les efforts de cette communauté n’ont point faibli pour recoller les morceaux d’un long conflit fratricide qui a éprouvé le pays. Les récentes rumeurs et la comparution de certaines personnes dont l’ancien chef d’Etat Domitien Nadayizeye devant la justice, pour tentative de coup d’Etat, ne sont pas pour arranger les choses et ont sérieusement entamé la crédibilité du président Nkurunziza, même au sein de sa propre formation politique. Tout cela constitue le handicap majeur du pays, selon celle qui a démissionné du gouvernement et que les femmes burundaises ont baptisée "Dame Courage".

Du courage, il en a fallu effectivement à la 2e vice-présidente qui est également membre du parti présidentiel, le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), issu de l’ancienne principale rébellion hutu des Forces pour la défense de la démocratie. En Afrique, les hommes politiques, notamment les dirigeants, quitte à souiller leur honneur et leur dignité, ne sont pas prêts à démissionner et perdre par là les mille et un privilèges liés à leur rang, parfois acquis dans les sentiers tortueux de la délation et des compromissions. La "dame de fer", 3e personnalité de l’exécutif burundais, a aussi fait preuve de courage parce que, sur le continent, démissionner d’un gouvernement peut être considéré comme un affront à l’endroit du pouvoir et se lave parfois dans le sang, c’est-à-dire la disparition physique du personnage impertinent. Au mieux, on s’arrange pour en faire une loque humaine après avoir organisé sa ruine financière. "On ne connaît pas, de mémoire de Burundais, une démission à un si haut niveau du pouvoir et pour une cause aussi juste", a signifié à juste titre Pascasie Ndeberi, présidente du Mouvement pour la participation politique de la femme au Burundi.

Sans être unique en son genre en Afrique, l’acte posé par Alice Nzomunkunda est un événement aussi rare que la pluie en saison sèche au Burkina. Dans la faune politique africaine au pouvoir, même en cas de désaccord avec la manière de conduire le navire, on évite soigneusement de critiquer ou de contredire le capitaine, pour ne pas être balancé par dessus bord. Qui est fou pour renoncer à tous ces avantages gracieusement concédés à ceux qui se taisent ? Qui est fou pour tomber dans la déchéance que provoque généralement tout départ fracassant des instances du pouvoir ? Ainsi raisonnent dans la plupart du temps, tous ces courtisans qui n’ont jamais eu le cran nécessaire pour rendre le tablier, parce que ça ne va pas selon leur conviction, et dans l’intérêt général. Ils préfèrent de loin être chassés, et le mot peut paraître bien faible en raison des humiliations qui accompagnent ces "départs forcés".

Et si Alice Nzomunkunda avait démissionné pour mieux se positionner pour le futur, d’autant que l’avenir du régime en place ne semble pas être des meilleurs dans un Burundi où l’échafaudage démocratique et la cohésion sociale restent fragilisés par les intérêts personnels ? Tout est possible, mais cela ne diminue en rien la portée historique de la démission de Dame Nzomunkunda.

Le Pays

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