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Relations syro-américaines : Un attentat qui vient à point nommé

Publié le jeudi 14 septembre 2006 à 07h35min

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Alors que l’on venait de terminer la célébration du 5e anniversaire des tragiques événements du 11 septembre 2001, voilà que le lendemain, du côté du Moyen-Orient, quelques « barbus » entendaient en découdre avec l’Oncle Sam. Leur cible, la représentation diplomatique américaine à Damas, en Syrie.

Et l’expression de leur haine, le mardi 12 septembre dernier, à l’encontre des Américains aurait été très meurtrière si la police et des services secrets syriens n’avaient pas été assez vigilants et efficaces.

En effet, les forces syriennes ont fait échec avec brio à un attentat terroriste qui visait l’ambassade des Etats-Unis. L’opération a coûté la vie à trois terroristes ainsi qu’à un élément des forces de sécurité syriennes et fait une quinzaine de blessés. On n’en compte pas de citoyen américain.

Washington, qui a apprécié à sa juste valeur cette salvatrice intervention des forces de sécurité et exprimé sa gratitude aux autorités syriennes, l’a doublement manifesté par l’intermédiaire de sa secrétaire d’Etat Condolezza Rice et du porte-parole de la Maison blanche, Tony Snow.

Ce dernier a déclaré que la prochaine étape pour la Syrie « c’est de jouer un rôle constructif dans la guerre contre le terrorisme ; de cesser d’accorder refuge à des groupes terroristes, de cesser d’être un facteur de terrorisme, et de coopérer avec nous dans la lutte contre le terrorisme, comme l’a fait la Libye ».

De son côté, la Syrie a condamné ce qu’elle a qualifié d’« attentat odieux perpétré par un groupe d’extrémistes ». Elle a regretté « les politiques américaines au Moyen-Orient qui encouragent l’extrémisme, le terrorisme et le sentiment anti-américain ».

Damas, pour finir, a invité Washington à saisir cette occasion pour « revoir sa politique au Moyen-Orient, commencer à examiner les racines du terrorisme et négocier une paix globale dans la région ».

Ces déclarations des officiels des deux pays ont tout l’air d’un dialogue qui ne dit pas son nom. Qui l’eût cru ? En effet, c’est un secret de polichinelle, les relations syro-américaines sont très exécrables, et ce, depuis le temps de Hafez El-Assad. Son fils, Bachaar, qui lui a succédé dans cette "monarchie républicaine", a hérité et du pouvoir et de la haine développée depuis contre l’Amérique.

On savait toujours la Syrie dans le collimateur de l’Oncle Sam. Elle figurait en bonne place dans "l’axe du mal", cette liste des pays parias que l’Amérique a mis à l’index pour mieux les déstabiliser sur leur base politique et idéologique actuelle.

La situation s’est davantage aggravée avec les événements du 11 septembre 2001, l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafik Hariri, et surtout la récente guerre entre Israël et le Hezbollah...

Depuis, Damas s’est convaincu qu’après la Libye en 86, l’Afghanistan en 2001 et l’Irak en 2003, la Syrie ou l’Iran pourraient être le théâtre des prochains champs de batailles des Gi’s, ces fameux soldats américains.

Mais avec cet attentat déjoué, il est à penser qu’on pourrait assister à un renouveau dans les relations politiques et diplomatiques entre Syriens et Américains. Au nom de la lutte contre le terrorisme, les services de renseignements des deux pays pourraient se donner la main concernant le suivi et le traitement de certains dossiers.

Les politiques pourraient les suivre plus tard. En tout cas, c’est une occasion inespérée que Georges Bush doit saisir, si tant est qu’il veut vraiment la paix. Sans doute, la Syrie devra encore faire plus pour convaincre Washington de sa bonne foi, car, c’est évident, on ne saurait lui donner ainsi le Bon Dieu sans confession et sans acte de contrition.

Si l’Amérique arrive à bien manœuvrer, elle tient à présent en main une carte maîtresse de l’or en barres qui pourrait même lui permettre de reconfigurer la géopolitique au Proche-Orient. Imaginez un peu que la Syrie s’allie et se range aux côtés des Yankees, l’Oncle Sam pourrait régler facilement la question du Hezbollah que Damas ne pourrait plus porter à bout de bras.

Sans soutien et sans base arrière, le parti de Dieu se trouverait très affaibli avec des difficultés de s’armer et perdrait ainsi une bonne partie de sa capacité de nuisance. En l’absence du Hezbollah, Israël serait à court d’arguments pour justifier des incursions armées au sud-Liban.

C’est peu dire que de proclamer qu’une entente cordiale entre la Syrie et les Etats-Unis participerait à une stratégie d’isolement de l’Iran.

Cela pourrait contraindre Téhéran à mettre un peu d’eau dans son vin, en tout cas, à être moins sûr et plus humble dans sa manière de défier la communauté internationale dans sa volonté de poursuivre ses travaux d’enrichissement de l’uranium, mais aussi ses appels répétés à la destruction du peuple juif.

Sans tirer un seul coup de feu, il est possible de décoincer des situations très tendues telles celles-là. Et les Yankee seraient bien inspirés de travailler dans ce sens, car ça y va de la paix au Proche-Orient et même du reste du monde.

Cet attentat déjoué, comme on le voit, peut être une occasion de paix et de réconciliation. Si un rapprochement arrivait à se faire entre Syriens et Américains, il aurait au moins servi à quelque chose. La Syrie ne pourrait plus vivre sans avoir la hantise d’être frappée par le gendarme du monde.

C’est tout cela qui fait dire à ceux qui ont la bouche fendue au mauvais endroit que cet attentat a pu être planifié par les services secrets syriens. Aussi saugrenu que cela puisse paraître, ce n’est pas une hypothèse à négliger.

En effet, dans un Etat policier, pour ne pas dire dictatorial comme celui de la Syrie, tout est possible. Et si les gains politiques et diplomatiques sont évidents, Damas n’hésiterait même pas une seconde à sacrifier quelques Syriens pour la "bonne cause".

Coup monté ou pas, cet attentat est une perche tendue pour la construction de la paix au Proche-Orient. A Washington de la saisir et de se mettre à l’ouvrage. Les jours et mois à venir nous situeront davantage sur les contours et la dynamique de cette nouvelle géopolitique au Proche-Orient qu’Américains et Syriens peuvent dessiner pour peu qu’ils le veuillent vraiment.

Seulement, auront-ils la capacité de transcender leurs rancoeurs et antagonismes du passé ? Attendons de voir.

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

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