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Politique et société : Les vertiges du pouvoir

Publié le mercredi 24 mars 2004 à 07h46min

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S’il est vrai que la plupart des pays africains sont tributaires
d’une forme de pouvoir d’Etat hérité de la puissance
colonisatrice, après plusieurs décennies d’indépendance, on a
toujours du mal à percevoir le vrai sens que l’on donne au
pouvoir. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le
comportement de certains fonctionnaires promus à de hauts
postes de responsabilité.

De leurs faits et gestes, on ne peut
s’empêcher de voir que la promotion s’apparente pour eux à une
ascension sociale dans le cercle très restreint des repus. Au
lieu de remplir correctement la mission pour laquelle ils ont été
appelés, ils se préoccupent beaucoup plus de se remplir les
panses et les poches. Toutes choses qui les déconnectent des
réalités du peuple qui paie malheureusement la note salée de
cette comédie suicidaire. Même ceux qui ont le pouvoir et la
possibilité de se laisser guider par des conseillers avertis
préfèrent s’entourer de courtisans occultes tout aussi affairistes
les uns que les autres. Conséquences : lorsque le ministre ou le
directeur général devient sourd et aveugle au carnet de route de
sa mission initiale, c’est la porte ouverte à toutes les dérives.

A quels vertiges certains ne se livrent-ils pas en Afrique pour
montrer qu’ils "gèrent" un département, une institution, une
direction,... "feuillu", comme on dit vulgairement ? Lorsque le
pouvoir se confond aux avantages qui y sont liés, il est évident
que la compétence et le charisme ne sont plus les critères de
choix desdits responsables. On ne doit pas s’étonner non plus
que la démission soit une option rare en Afrique, même lorsque
certains dirigeants de l’Etat ou de la société civile sont
ostensiblement mis en cause. Avoir l’oreille du patron ou du chef
et tout faire pour se maintenir dans ses bonnes grâces, telle est
plutôt la meilleure manière de conserver son poste. Du haut
sommet à la base, la leçon semble apprise par tous. Elle est
même sacrée dans les milieux où l’intrigue est le sport le mieux
pratiqué.

Et lorsque des adeptes de telles pratiquent en viennent
à être sortis du jeu, ils n’ont souvent plus la force de résister à la
dépression. Certains se voient même obligés de raser les murs
pour éviter le regard des amis d’hier, à qui ils avaient
volontairement fermé portes, fenêtres et téléphones. La
reconversion est encore plus dure pour ceux qui faisaient filtrer
l’entrée de leur domicile pour éviter des visites jugées
"inopportunes".

Bref, pour avoir oublié qu’ils ont été nommés à
la place de quelqu’un d’autre et qu’ils sont par conséquent
appelés à être remplacés un jour, nombreux sont aujourd’hui
d’anciens "hauts responsables" qui ont du mal à renouer avec
les réalités africaines.

Or, dans un contexte socio-économique naturellement mal loti
en général, la recherche de la juste mesure de toutes choses
devrait être le baromètre des responsabilités et autres hautes
missions. On ne le dira jamais assez. Aussi longtemps que ces
dérives qui paraissent parfois anodines ne seront pas prises au
sérieux, tous les discours sur la bonne gouvernance, la lutte
contre la corruption et surtout la lutte contre la pauvreté
résonneront comme une phraséologie élaborée pour la
consommation extérieure.

Aussi longtemps que la raison du
plus fort ou du plus riche sera la meilleure, il sera difficile ou
même impossible de fonder un Etat de droit digne de ses
attributs. Seule la culture de l’excellence qui délivre des
tentations du copinage sous toutes ses formes, peut constituer
le socle d’une véritable culture citoyenne.

Des Etats africains commencent maintenant à le comprendre,
qui font de la compétence et du mérite des valeurs cardinales
dans ce contexte de mondialisation effrénée. Même s’ils sont
rares comme des hirondelles en automne, on trouve, au Burkina
comme ailleurs, de hauts fonctionnaires ou ministres très
compétents dans leur domaine d’action et qui ne se
déconnectent jamais de leur base sociale.

Aussi banal que cela puisse paraître, ils conservent leurs
coordonnées géographiques et de téléphones contrairement à
d’autres qui, dès leur nomination, s’empressent de s’en octroyer
de nouvelles pour se cacher du regard de ceux avec qui ils
communiquaient la veille.
Apprendre à rester soi-même, compétent, honnête et social,
telle devrait être la conduite à tenir dans une Afrique plus
malade de ses propres fils que de l’Occident.

Le Pays

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