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Côte d’Ivoire : Konan Banny victime de son angélisme ?

Publié le lundi 11 septembre 2006 à 07h53min

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Le scandale des déchets toxiques déversés à Abidjan, et qui ont causé la mort de cinq personnes et intoxiqué plusieurs autres, a donc servi de prétexte à Charles Konan Banny pour présenter la démission de son gouvernement. En même temps qu’il débarque son équipe, le Premier ministre reprend le tablier.

Certes, le problème est d’une gravité telle qu’il fallait rapidement réagir. Mais, la Côte d’Ivoire n’étant pas à un scandale près, et il serait fastidieux de les énumérer, l’on se demande quelles sont les raisons profondes de ce remaniement qui a surpris tout le monde alors que les responsabilités ne sont pas encore situées. En définitive, Charles Konan Banny ne s’est-il pas comporté en fusée à tête chercheuse qui a frappé à côté ?

Tout en reconnaissant la responsabilité collective de son gouvernement, le Premier ministre, en restant seul à l’attelage, entend-il s’innocenter en jetant l’anathème sur les autres ? Une chose est sûre : les avis sur les motivations réelles de ce remaniement divergent. Si certains parlent de courage politique d’un homme qui a voulu se débarrasser de collaborateurs encombrants et empêcheurs de gouverner convenablement, d’autres estiment que si courage il y avait, celui-ci devait se traduire par sa propre démission. Qu’il aurait dû aller au bout de sa logique en cédant sa place. A moins qu’il veuille transformer ses propres déconvenues en succès politiques.

Pourra-t-il y parvenir dans cette jungle politique ivoirienne où il s’est engouffré sans, apparemment, en connaître les différentes espèces ? A commencer par Laurent Gbagbo dont la capacité de nuisance et la soif de pouvoir ont dépassé les frontières de la Côte d’Ivoire. En se jetant, pieds et mains liés, dans la nasse de Laurent Gbagbo, au nom d’un attelage qu’il a lui-même qualifié de tandem, et pour n’avoir, visiblement, jamais contesté les blocages du président, Konan Banny ne s’est-il pas livré, enchaîné, au loup ? S’est-il suffisamment donné le temps de réfléchir sur les causes de l’échec de son prédécesseur Elimane Diarra ?

Il est vrai que ce dernier n’avait pas bénéficié des mêmes garanties de la communauté internationale que Konan Banny. Cependant, le grand banquier de la BCEAO aurait dû s’apercevoir qu’on ne procède pas au transfert du pouvoir politique de la même manière que l’on procède à un transfert d’argent dans une banque par un simple jeu d’écriture. N’est-il pas bien placé pour savoir que le pouvoir s’acquiert ?

Le courage politique de Konan Banny aurait dû consister à s’apercevoir, dès le départ, de cette hypocrisie de la communauté internationale qui, dans le cadre de la résolution 1633 du Conseil de sécurité de l’ONU, lui a offert une coquille vide plutôt que des pleins pouvoirs. Cette résolution n’a fait que compliquer davantage la situation politique en Côte d’Ivoire en raison des turpitudes de la communauté internationale qui a encouragé, de fait, la mise en place d’une dyarchie dont le maillon le plus faible était incontestablement Konan Banny. En fait, un Premier ministre condamné à se livrer à des effets d’annonces qui, finalement, n’étaient que des annonces sans effet, la réalité du pouvoir étant toujours entre les mains d’un président censé inaugurer des chrysanthèmes.

A la décharge de Banny, la communauté internationale reconnaît ne lui avoir pas donné suffisamment les moyens de sa politique. Une confession tardive. Car, à mi-parcours du mandat du Premier ministre, elle aurait pu rectifier le tir. En fait, Laurent Gbagbo a toujours exploité à fond la carte de ses prérogatives présidentielles qui, en réalité, ne lui ont jamais été retirées par la fameuse résolution. Sinon, comment comprendre que le président Gbagbo soit encore un passage obligé pour la signature du décret de dissolution du gouvernement et de reconduction du Premier ministre ?

Un des handicaps du Premier ministre dans l’exécution de sa mission, c’est aussi cette omniprésence de la France qui, apparemment, s’en remet à la communauté internationale alors que, prisonnière de ses énormes intérêts, elle est l’incarnation des ambiguïtés de sa diplomatie dans ce pays. Au moment où Konan Banny, l’homme dit de consensus, s’apprête à former une nouvelle équipe, quelle sera la configuration du futur gouvernement ?

Toujours est-il qu’il aura forcément besoin de l’aval du président, qui a toute latitude pour rejeter ses propositions. Où trouvera-t-il des hommes nouveaux avec une classe politique plus soucieuse de se disputer le pouvoir que de veiller aux intérêts des populations autrement qu’en discours et en gesticulations ? Va-t-on vers une solution à la Omar Bongo ? Mais déjà, des voix s’élèvent pour dénoncer cette proposition gabonaise qui s’apparente à une initiative par procuration de la France.

En attendant, c’est Laurent Gbagbo qui se frotte les mains, assuré que l’impossibilité de respecter le calendrier électoral va prolonger son bail. Quant à Banny, comment va-t-il réussir à remettre, par exemple, sur les rails, les audiences foraines, un sujet qui fâche Gbagbo ? La récente évolution de la situation en Côte d’Ivoire ne montre-t-elle pas à quel point Konan Banny, le chasseur prudent qui disait n’avoir qu’une seule cartouche, et qui ne devait pas rater sa cible, a eu tort de pratiquer du braconnage dans la réserve de Gbagbo ?

Le Pays

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