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<I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

Publié le lundi 11 septembre 2006 à 07h43min

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L’article de notre correspondant en Allemagne sur les difficiles conditions de vie des étudiants africains en en Europe continue de susciter des réactions. Comme celle-ci, rédigée par un étudiant burkinabè à Londres et qui mérite d’être largement partagée.

Je suis Burkinabè et étudiant à Londres en Angleterre depuis bientôt 3 ans. Cet article est très pertinent mais pas assez dissuasif. Je ne veux pas decourager tout le monde. Je veux juste attirer l’attention de ceux qui pensent travailler pour payer leurs études et ceux qui se jettent dans des systemes éducatifs ou académiques qu’ils n’ont meme pas pris la peine de comprendre avant de venir.

Je suis arrivé ici en Angleterre avec mon Baccalaureat. De puis le pays déjà, j’etais tres doué pour les langues. Ici à Londres, j’ai mis 6 mois pour completer l’apprentissage de l’anglais. Pret a intégrer l’université, j’ai ete oblige de battre en retraite en attendant de trouver une solution. Pourquoi ? D’abord le cout. L’annee academique ici tourne autour de £8000 pour les universites, l’equivalent de 8millions de nos francs.

Ensuite le Bac Burkinabe, bien qu’il soit equivalent de droit par la loi franco-Voltaique de 1963 au Baccalaureat Francais, il n’en demeure pas moins qu’il est l’equivalent de 4GCSE’s ici. Vous savez a quoi correspondent les GCSE’s ? Ici c’est le BEPC. Ils se basent sur les donnees de UK NARIC qui est le National Recognition Information Center pour le United Kingdom et qui malheureusement connecte au reseau Europeens des NARICS/ENIC.

Personnellement, j’ai entrepris des demarches pour changer cela sans succes. Je me suis dit que si notre Bac est de droit egal au Bac Francais, il serait de facto reconnu dans l’espace Europeen.

Puisque l’Union Europeene dans sa tentative d’adoption d’une politique commune, integre les lois deja existante de chaque pays. Malheureusement, n’ayant pas de representation diplomatique ici, il n’yavait personne pour m’ecouter. J’ai donc du repartir au College pour faire les A-levels qui sont le Bac d’ici. Le Bac ici se fait en 2ans. La premiere annee est appellee AS-Level et la seconde annee A2. Les 2annes combinees donnent les A-Levels. Je viens donc de terminer la premiere annee.

Mais j’ai pu obtenir en une seule annee un full A-level en fancais puisque je parle francais. Les Entry Requirements des universites ici, c’est soit d’avoir les A-levels, soit de combiner A-levels et AS units ou d’avoir le International Baccalaureate. Avec mon full A-level et des AS units que j’ai passe, j’ai ete accepte pour la rentree de Septembre dans une universite ici. J’aurais perdu 2 annees a divaguer dans un systeme, juste pour pouvoir aller a l’universite. Mes cours qui les paient ? Quand je venais ici, on m’a fait comprendre que je pourrai travailler et financer mes etudes si je le voulais.

Mais c’est faux, du moins jusqu’a une certaine epoque. Ici, les etudiants sont autorises a travailler mais pas plus de 20h par semaine donc a peu pres 4h/jour sur 5jours. Ce qui est insuffisant pour payer et son loyer et son transport et sa nourriture. Personnellement, ne pouvant compter sur mes parents qui sont des fonctionaires a la retraite, j’ai du travailler plus de 48h/semaine a mes risques et perils. Fallait donc etudier et travailler.

J’avoue que si j’avais pas des nerfs solides, j’aurais abandonne les etudes. Mais ca aurait ete m’ecarter de ce qui m’a entraine ici. Mon premier boulot ici a ete street cleaner ou balayeur de rue. Fallait se lever a 5h du matin pour faire la queue pour etre sur d’etre pris pour travailler et pendant l’hiver, je ne vous dit pas ce que c’etait ! Apres ca, un compatriote clandestin m’a trouve un job en cuisine comme plongeur ou kitchen porter.

Ca me permettait de travailler au chaud, de manger et de me faire plus d’argent. Mes patrons ont beaucoup apprecie mon travail et j’avais ete promu supervisor. Je faisais travailler les autres et je gagnais plus. Avec cette position, j’ai pu reculler mes heures au boulot a 18h pour pouvoir poursuivre sereinement mes cours au College.

Mais, un autre probleme demeurait. Comment trouver £8000 pour aller a l’universite ? J’ai essaye de prendre des credits avec les banques qui ont refuse parce que j’ai pas residence definitive dans le pays. Dieu faisant bien les choses, un ami en cuisine un jour m’a dit ceci : << Tu parles bien anglais, pourquoi tu ne passerais pas un examen pour security guard ?>> Je n’y avais jamais pense.

Ici pour etre vigile ou gardien, il faut passer et examen et si on le reussit, il faut apply ou postuler pour la licence qui est delivre par le SIA ou Security Industry Autority. J’ai passe l’examen et je l’ai eu. Ma chance c’est que bizarrement, j’avais choisi comme centre d’examen un lieu posh, c’est a dire dans un quartier riche parce que je ne faisais pas trop confiance aux centres d’examens en quartier Noirs qui eux, m’auraient coutes beaucoup moins cher.

J’ai eu la chance pendant mes 4jours de cours avant l’examen de rencontrer 2 messieurs, anciens gardes du corps de Nelson Mandela, de Mbeki et de Declerck qui font des consultations pour la BBC et qui venaient juste d’ouvrir leur societe. On a sympathise et ils m’ont employe. Ma paie est a la fois extraordinaire et formidable. Voila comment je suis entrain de financer mes cours universitaires.

Mon experience, je la partage parce que je veux que les gens sachent que l’Europe ou l’Amerique ou ailleurs est juste semblable a un piege. Beaucoup sont venus chercher de l’argent et ils se rendent comptent qu’ils ne peuvent pas en avoir comme ils l’avaient imagine, et en Afrique ils ont de la famille qui parle partout de leur fils qui est en Europe. Ce fils la, devient comme un symbole de reussite la-bas alors qu’ici il n’a rien.

Beaucoup comme moi sont venus pour etudier mais se sont rendus compte que la prise en charge et le cout des institutions academiques ne sont pas a la portee de tous, encore moins du citoyen commun. Je n’ai pas reussi parce que je n’ai pas encore fini mes cours. Mais ici tout peut arriver. On peut tout perdre du jour au lendemain, devenir clandestin ou meme fou. Quand je parle de folie, prenez moi au mot, beaucoup sont devenus fous ici, des gens que je connais personnellement.

Par contre si vous avez une bourse ou si vos parents sont financierement bien poses, tentez les etudes a l’etranger parce que nos pays ont besoins de savoirs importes. Aux fous qui disent <, s’ils viennent ils sauront pour eux les consequences. La faim est la chose la mieux partagee quand on est pas chez soi. Au dela des mots, la realite est la.

Akenhaton (king_akenhaton@hotmail.com)

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Vos commentaires

  • Le 11 septembre 2006 à 10:13 En réponse à : > <I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

    Merci pour ce témoignage particulièrement lucide. Good luck !

    • Le 11 septembre 2006 à 18:20 En réponse à : > <I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

      Je suis content qu’en fin de compte la galère est en train de prendre fin. Mais je pense pas que ce genre d’histoires est tellement légion qu’il n’empêchera pas les candidats à l’exil de tenter l’aventure avec malheureusement toutes les conséquences qui peuvent s’en suivre. Et comme dirait Einstein "J’aime penser que la lune existe même si je ne la vois pas" l’espoir reste toujours permis.
      je finirai pas cette phrase d’un zouglouman ivoirien qui disait en substance dans une de ses chansons et pour répondre à un "boat people" : "paris est dur mais toi tu fais quoi là-bas" A méditer

    • Le 11 septembre 2006 à 20:08, par Kiparé En réponse à : > <I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

      Interessant et revelateur ! Et ca ce n’est que la première partie. Parce que ce que les gens ne savent pas, c’est qu’une fois le diplome obtenu avec la galère des 8000livres(où est le symbole sterling sur le clavier ?),c’est pas partout qu’on gagnerait un emploi facilement en tant que qu’immigrant, ou etranger ! Encore que Londre ca va parce que c’est une ville anglo-saxonne, allez voir chez les latins ou les slaves et venez m’en parler.
      Mais la morale, c’est qu’il faut tenir dur : balayer les rues, lavez les cadavres s’il le faut ! Si vous avez l’intention de rentrer un jour, je vous conseille de ne pas faire plus de 10ans dans le pays encore moins de vous y marier.
      Aller bon vent.

      • Le 17 septembre 2006 à 19:03, par marie fernande ahouma En réponse à : > <I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

        salut a tous,je suis fernande ,ivoirienne ;tous mes encouragements au camarade et meme plus je lui dis felicitations parceque je suppose que maintenant "ca mange pour lui" a en croire la fin de son recit.si ca marche pour lui,ca marchera certainement pour les autres et lorsqu’on est candidat a un quelconque exil ce serait tres utopique de penser que tout est cremeux la bas ;et je sais ce que je dis parceque moi je suis a tel aviv en israel voila un an et demi.croyez moi j’y venais pour continuer mon droit puisque j’ai decroche ma maitrise au pays.a londres au moins on te donne la possibilite de bouloter afinde payer 8000 livres pour tes etudes et encore on t’accepte a l’universite.ici le noir,quelquesoit son diplome n’est bon qu’a faire son djossy et rien de plus.le travail est dur et comme tout est cher ici ce que les juifs la te donnent ils le recuperent.c’est dur partout et ce qu’il faut savoir c’est qu’on est bien que chez soi...ce qui est sur moi ma bataille continue et dans peu de temps je le rejoins a londres ;on doit prendre pour eux la aussi pour envoyer chez nous ou bien...

        • Le 10 novembre 2006 à 06:54, par cyr mbakou En réponse à : > <I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

          salut,je suis etudiant congolais(brazzaville) en chine, je compatis a toute les misere que ta vecus mais je suis fiere de toi de ce que ta tenus le coups,c`est ce qui prouve que quelque part il ne faut jamais perdre espoir sa finis toujours par marcher et noublis jamais que(tu ne peut pas obtenir du miel sans pour autant avoir affaire au abeilles)porte toi bien et que dieu te benisse.

  • Le 11 septembre 2006 à 11:01 En réponse à : Mon Gars je sais ce que c’ est d’etre étudiant sans bourse

    je te dit seulement ne baisse pas les bras , surtout pas ! parce que si tu tient dur
    Dieu ne te laissera pas tomber ,
    courage

  • Le 11 septembre 2006 à 16:17, par clarissa En réponse à : > <I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

    J’espère que ces différents témoignages serviront à "ouvrir les yeux" de certains (parents et futurs bacheliers) sur les dures conditions de vie des étudiants africains en général et burkinabés en particulier en occident.
    Ceux qui croient qu’il est facile de concilier études et job pour financer leurs études doivent savoir que cela est impossible à la longue car la plupart des étudiants se retrouvent sans diplômes, sans statut, incapable de revenir en arrière et sont condamnés à vivre clandestinement ou de petis jobs mal rémunérés toute leur vie, sans aucune perspective de carrière !!! Donc sans avenir certain !!

  • Le 15 juillet 2007 à 13:55, par tchagnian mbezele bienvenu En réponse à : > <I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

    je te remercie frere pour ton feu de signalisation mon mais comme tu sais bien c est tres chaud ici chez nous en afrique donc ce sera en vain si on cherche a decourager les jeunes etudiants.pas d avenir dans notre notre vieux continent et tu le sais tres bien.un exemple moi fesant biochimie au cameroun je ne suis certain d avoir un boulot demain me permetant de vivre.alors tu comprend pourquoi j aimerai aller faire mes etudes en europe.il est vrais c est difficile mais toute personne a son etoile qui brille dans le ciel.

  • Le 16 décembre 2020 à 16:12, par SANA Lamoussa En réponse à : <I>Difficile d’être étudiant africain en Europe : mon expérience à Londres</I>

    Roman : camara Laye
    La vie des étudiants africains en Europe

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