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Afrique : A quoi servent les gouvernements pléthoriques ?

Publié le vendredi 8 septembre 2006 à 08h10min

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Avce moins d’un million et demi d’habitants, le Gabon a un gouvernement de 49 membres

S’il y a une revendication largement partagée par beaucoup d’Africains, c’est celle de la réduction du train de vie de l’Etat. En même temps que certains dirigeants africains brandissent invariablement le manque criard de moyens dont souffrent nos Etats, toujours en train de demander l’aumône à l’extérieur, ils exhibent ostentatoirement leurs dérives dépensières en s’appuyant sur des discours falsificateurs et démagogiques.

Ils mettent ainsi en relief, pour se justifier, l’argument selon lequel, un Etat étant un corps vivant, il a toujours besoin, au cours de son évolution, de nouveaux besoins. Et pour faire avaler la pilule amère de leurs fantasmes et de cette hypocrite dissimulation de la vérité, l’on nous dit que si les équipes gouvernementales en Occident (que nous aimons tant copier tant que ça nous arrange) sont réduites, c’est parce que les pays du Nord ont résolu la plupart de leurs problèmes. De tels arguments, malheureusement, ne résistent pas aux faits qui sont têtus.

Si la pléthore des ministres était un antidote contre les défis multiformes auxquels fait face actuellement le continent, comment expliquer alors que la situation socioéconomique continue à empirer ? Depuis plus de quarante ans, le nombre des portefeuilles ministériels continue à être revu à la hausse et ce, de façon démesurée, sans que le bout du tunnel soit accessible au plus grand nombre.

En réalité, en Afrique, il est de notoriété publique que les postes ministériels constituent des récompenses politiques. Evidemment, l’on nous rétorquera que l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel constitue une caution à sa liberté de former une équipe à sa guise. Soit .

Mais, en Afrique, les élections sont ce qu’elles sont. D’un pays à l’autre, elles se ressemblent. On utilise les mêmes recettes : précipiter ou retarder la date du scrutin, selon que cela arrange le pouvoir en place, tripatouiller le processus électoral, découper le territoire selon des critères parfois contestables, falsifier les listes et les cartes électorales ainsi que les procès-verbaux , bourrer les urnes, faire voter les morts et les bêtes sauvages (comme dirait l’autre), inverser les résultats.

Tout travail méritant salaire, il faut bien récompenser tout ce beau monde qui a concouru au plébiscite du prince : les ralliés par opportunisme et ceux des beaux jours, les repentis, les arrivistes, les amis des premiers jours, les convaincus et les hésitants, les ouvriers de la dernière heure, les maîtres-chanteurs, les apprentis-sorciers, les charlatans, les faiseurs de miracles, qui se recrutent dans les rangs de ceux qui ne peuvent apporter autre chose à la république, en dehors de leur médiocrité.

En définitive, on se retrouve en face de républiques bananières où la compétence devient alors un accessoire, une exigence facultative si elle n’est pas purement et simplement un défaut pour accéder au repas du seigneur au cours duquel on espère être le dernier à quitter la table tout en souhaitant que survienne tardivement, sinon jamais, l’épreuve des chaises musicales. De toute évidence, les palais présidentiels africains ressemblent à des comptoirs commerciaux où se négocient des places avec leurs conséquences néfastes pour le fonctionnement efficient de l’Etat.

On assiste donc à cette lutte des places qui ont pour enjeux des salaires faramineux , des avantages sociaux (accès gratuit à l’eau, à l’électricité, au téléphone) hors de l’acceptable, des tiraillements pour éclater des départements ministériels qui, au regard des missions qui leur sont dévolues, auraient plutôt intérêt à fédérer leurs activités. A cela, il convient d’ajouter et de déplorer des conflits de compétence, des lourdeurs administratives, des paperasseries. Bref, une pléthore d’agents, de conseillers aux prérogatives parfois mal définies.

En fait, en Afrique, il s’agit de répondre à la question de savoir si l’on a réellement besoin d’une quarantaine de ministres d’Etat, de vice-ministres, de ministres délégués et de secrétaires d’Etat pour faire tourner la république. Est-on obligé de récompenser quelqu’un en le nommant ministre ? C’est vrai qu’en Afrique, les mythes ont la vie dure. Il s’agit en fait d’une tare culturelle. Etre ministre, à défaut d’être Premier ministre ou chef de l’Etat, ça permet non seulement de meubler son CV, mais également d’accéder à un certain confort et à certaines facilités.

Là où le problème se corse, c’est qu’on appelle parfois à la table du Conseil, à chaque remaniement, de nouveaux affamés qui s’accrochent aux jarrets du chef de l’Etat, s’agglutinent autour du pouvoir comme des lucioles autour d’une lampe-tempête ou qui, de par leur situation privilégiée, sucent les maigres ressources de l’Etat comme des sangsues.

Bien entendu, une telle mal gouvernance ne pourrait que se perpétuer s’il n’y a pas de perspectives d’une alternance politique. Seulement, comme dirait l’autre, l’alternance ne devrait pas être perçue comme le simple transfert mécanique du pouvoir d’une équipe à une autre sans alternative.

Les opposants africains, de surcroît des intellectuels, qui devraient porter l’oriflamme d’une telle alternative, ne sont souvent que des opposants de salons en plein jour et des rampeurs nocturnes, à l’abri des regards des citoyens assoiffés de changement, vers les palais présidentiels pour négocier des gouvernements de large ouverture, de renouveau, de réconciliation et de consensus, et que sais-je encore, et à défaut, des strapontins, des prébendes.

Pauvre Afrique !

Le Fou

Le Pays

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