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Le Burkina s’affirme comme un pôle de croissance majeur (et stable) en Afrique de l’Ouest

Publié le mardi 4 novembre 2003 à 16h19min

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Alors que la croissance économique de l’ensemble du continent africain a atteint, en 2002, son plus bas niveau depuis 1995 (+ 2,8 % contre + 3,5 % en 2001), le Burkina Faso continue d’enregistrer une croissance soutenue, même si elle est en recul.

Selon le Premier ministre, le taux de croissance de l’économie burkinabè a été de + 4,6 % en 2002 contre + 5,6 % en 2001 ; sur l’ensemble de la période 1998-2002, le taux de croissance est de + 5,1 %. Autre motif de satisfaction : la hausse des prix est en repli, passant de 4,9 % en 2001 à 2,3 % en 2002.

C’est mieux que bien des pays de la zone UEmoa. C’est insuffisant, malgré tout, pour permettre un développement soutenu du pays. Compte tenu de la croissance démographique, de l’ordre de 3 % par an, il faut aller au-delà des 8 % de croissance annuelle et viser un taux à deux chiffres pour que le Burkina Faso sorte du stade du sous-développement. D’autant plus que cette croissance est fragile. En 2002, le secteur primaire n’a progressé que de 1,2 % ; si la production de coton a été sensiblement améliorée (+ 5,7 %), la production céréalière a stagné (+ 0,6 %). C’est donc le secteur tertiaire qui a été le moteur de la croissance grâce notamment à l’activité BTP (+ 17,8 % contre 5,7 % en 2001).

Au-delà de ces contraintes internes, les contraintes externes pèsent, elles aussi, lourdement, sur la conjoncture. Il y a, tout d’abord, la mise en oeuvre du Tarif extérieur commun (Tec) décidée dans le cadre de l’UEmoa dont les effets sont dommageables sur la compétitivité des produits "Made in Burkina Faso". Il y a, ensuite, la crise ivoirienne : les recettes douanières ont chuté de Il % au cours du dernier trimestre 2002. Il y a, enfin, la guerre contre l’Irak et son impact sur le prix des produits pétroliers (d’où le surenchérissement des coûts de production).

Au plan des satisfactions, il faut noter essentiellement l’élection du Burkina Faso à l’Initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), entrée en vigueur à la suite de l’adoption du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté en 2000. Cette Initiative PPTE permet le redéploiement des ressources dues au titre de la dette en faveur du développement des secteurs prioritaires : éducation de base, santé, infrastructures.
"Il est illusoire de penser qu’on peut réduire la pauvreté par des actions économiques et une politique fiscale, a déclaré le Premier ministre. Il faut améliorer et renforcer les capacités de production par une bonne éducation et une meilleure condition sanitaire de l’ensemble de la population. Ce sont nos priorités".

Ernest Paramanga Yonli, le chef du gouvernement, s’est fixé cinq lignes d’action :
- Travailler à accélérer la croissance.
- Approfondir les réformes économiques de façon à réduire la pauvreté.
- Assainir l’économie pour maintenir un cadre macro-économique stable.
- Développer les institutions à travers une réforme de l’Etat et une meilleure répartition des rôles entre l’Etat et les autres acteurs du développement national.
- Bâtir et consolider la bonne gouvernance afin de préserver les acquis de paix sociale et de fortifier les acquis démocratiques.
La tâche est ardue et complexe ; mais le Burkina Faso s’y est attelé avec détermination.

Dans les mois et les années à venir, la crise ivoirienne va encore peser lourdement sur la conjoncture burkinabè (cf LDD Burkina Faso OI8/Lundi 31 mars 2003) ; aux effets économiques et financiers s’ajoutent d’ores et déjà les effets sociaux liés à la prise en charge de près de 150.000 rapatriés. Et dans cette conjoncture sous-régionale difficile, il serait faux de penser que la relance de l’économie ivoirienne est un préalable à la reprise de la croissance burkinabè. La Côte d’Ivoire est déstabilisée politiquement, économiquement et socialement pour de longues années ; les effets de la crise politique qui perdure depuis bientôt dix ans seront durables.

Il faut prendre conscience, bien au contraire, que la stabilité politique et sociale du Burkina Faso, sa croissance économique, le savoir-faire de sa population, la capacité d’intervention de ses investisseurs et de ses hommes d’affaires, la demande de son marché intérieur, sa vitalité naturelle, etc... sont les conditions nécessaires et essentielles à la relance de l’économie ivoirienne. Sans un Burkina Faso en croissance forte, il est illusoire de penser que la Côte d’Ivoire ait les moyens de se redresser !

Il est donc essentiel que les bailleurs de fonds internationaux prennent en compte, dans leur programme de redressement de la Côte d’Ivoire, du rôle moteur que doit y jouer le Burkina Faso. Ouaga, Abidjan et Bamako sont les trois pieds sur lesquels reposent le développement économique de la sous-région. L’affaiblissement de l’un des trois condamne les deux autres. Ces trois pôles ont besoin d’évoluer au même rythme pour que l’équilibre sous-régional soit sauvegardé. Le grand mérite de la crise ivoirienne est d’avoir révélé que les pays sahéliens ont joué (et jouent encore) un rôle majeur dans la croissance et de développement de leur grand voisin océanique.

La Côte d’Ivoire ne peut exister que si le Burkina Faso et le Mali existent eux aussi : ils ont la main d’oeuvre ; ils composent en quelque sorte le véritable marché intérieur de la Côte d’Ivoire. Au cours des quinze dernières années, la Côte d’Ivoire a, tout au plus (et plutôt mal que bien), géré le patrimoine hérité des années "glorieuses" de l’houphouëtisme. Pendant ce temps, le Burkina Faso s’est forgé un nouveau destin et s’est doté des outils nécessaires à une croissance économique forte et durable. "Nous nous acheminons vers une réelle maîtrise de notre environnement pour faciliter les investissements privés.. réforme de la justice, Cour des comptes, Haute autorité de coordination de lutte contre la corruption, sont des étapes essentielles", souligne Jean-Baptiste Marie Compaoré, ministre des Finances et du Budget. Il faut bien reconnaître que, compte tenu de ses potentialités et de l’environnement international, le Burkina Faso se porte plutôt mieux que les autres pays de l’UEmoa et a fait un pas considérable vers une meilleure "visibilité" de sa gestion politique, économique et financière.

Le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont deux éléments d’un même ensemble. La meilleure preuve en est qu’on y trouve les mêmes grands groupes français : Dagris dans le coton, Bolloré dans le transport ferroriaire et le transit, CFAO-PPR dans l’ import-export et la distribution, Castel-BGI dans les brasseries, BNP-Paribas et la Société générale dans la banque, Athena et Gras Savoye dans l’assurance, Accor dans l’hôtellerie, Bouygues et ses filiales (Colas, DTP Dragages), Razel, Satom dans le BTP, TotalFinaElf dans la distribution des produits pétroliers, etc... Ces deux éléments d’un même ensemble doivent être pris en considération ensemble. C’est pour ne l’avoir pas voulu (ou pas compris) que le colonialisme a créé une monstruosité ethno-sociale : une Côte d’Ivoire qui compte plus "d’étrangers" que de "nationaux" !

A l’heure où, à Yamoussoukro, le gouvernement Diarra, pour la première fois, se réunit au complet, les leaders du MPCI ayant accepté d’y participer, il est nécessaire de ne pas perdre de vue que les pays sahéliens seront plus que les autres (parce qu’ils sont concernés au premier chef, socialement, politiquement et économiquement) partie prenante dans le processus de démocratisation de la Côte d’Ivoire et de relance de l’activité économique. Gbagbo qui a choisi d’inviter, pour l’occasion, trois chefs d’Etats côtiers (Ghana, Togo et Nigeria), doit ne pas l’oublier non plus. L’avenir de l’Afrique de l’Ouest se jouera au centre ; pas à sa périphérie. L’Histoire nous a enseigné cela. Les récents événements nous l’ont rappelé !

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique (4/04/2003)

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