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Ouganda : Quelle paix et à quel prix ?

Publié le jeudi 7 septembre 2006 à 07h33min

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Aussi longue soit la nuit, le jour finit toujours par se lever, a-t-on coutume de dire. En d’autres termes, toute situation, bonne ou malheureuse, a une fin.

Cela pourrait être observée à travers ce qui se passe actuellement en Ouganda. Au pays de Yoweri Museveni, les conditions sont en train d’être réunies pour que le calumet de la paix soit (enfin) allumé. En effet, le gouvernement et le chef rebelle illuminé, Joseph Kony, créateur en 1988 du mouvement dit Armée de résistance du Seigneur (LRA) ont repris langue en vue d’instaurer définitivement la paix dans le Nord Ouganda ravagé depuis belle lurette par la guerre.

Il est intéressant que les protagonistes daignent enfin faire la paix car, comme on le dit, toutes les guerres finissent toujours autour d’une table de négociation. D’où la nécessité pour chaque protagoniste, de faire des concessions, mettre de l’eau dans son vin en vue de mettre fin aux hostilités qui n’ont jamais été une solution à un différend donné. Bien au contraire, elles font souffrir les populations dont on prétend pourtant rechercher le bonheur. Toutefois, le cas ougandais pose un véritable dilemme.

Comme toute rébellion qui dure dans le temps, des préalables s’imposent avant une quelconque paix des braves. Des exactions, des violations des droits humains, des atrocités, la destruction de vies d’enfants drogués, abusés sexuellement et enrôlés de force ont été commises aussi bien au cours des affrontements entre l’Armée ougandaise et les rebelles, que lors des attaques des populations civiles. Faut-il passer cela par pertes et profits ? En d’autres termes, du passé, faut-il en faire table rase ? Ces questions méritent d’être posées, surtout lorsqu’il faut se prononcer sur le choix cornélien d’accorder une amnistie à Joseph Kony et, par ricochet, à tous les combattants de son mouvement, au nom de la paix. A-t-on demandé l’avis des victimes ?

Certes, celui qui entend gouverner l’Ouganda sur la base des 10 commandements a demandé pardon pour les différents crimes (en précisant qu’il n’est pas le seul à les avoir commis). Mais est-ce suffisant ? Au nom de la paix tant recherchée, le président ougandais se dit prêt à accorder l’amnistie au chef rebelle et, mieux, il est disposé à négocier avec la Cour pénale internationale (CPI) pour l’abandon des poursuites pour "crimes contre l’humanité" engagées par cette juridiction supranationale contre Kony. On pourrait bien comprendre l’attitude de Yoweri Museveri qui tente d’obtenir, par la négociation, ce qu’il n’a pu obtenir par les armes.

Pour autant, faut-il absoudre tous les crimes du chef- rebelle ? Y persister pourrait conduire à une paix fragile, précaire ; au silence des armes peut-être, mais pas à un apaisement des coeurs, à une véritable cicatrisation des plaies. Sans doute l’Ouganda veut-il s’inspirer de l’exemple de l’Algérie où, pour mettre fin aux massacres et actes terroristes des Islamistes, Abdelaziz Bouteflika avait pris une loi de concorde nationale qui promettait l’amnistie aux combattants des maquis qui acceptaient de déposer les armes. Cette loi, rappelons-le, connaît des fortunes diverses avec son acceptation par les uns et son rejet par les autres. Une preuve qu’elle n’a pas réussi à tout régler.

Par contre, une autre loi existe, qui a montré plus d’efficacité dans un pays comme l’Afrique du Sud. Dans ce pays, l’on se rappelle que l’on n’a pas passé tout d’un coup, l’éponge sur les crimes de l’apartheid lorsque les Noirs, brimés depuis longtemps, ont accédé au pouvoir. Pour la paix des coeurs, la voie pour y parvenir est passée successivement par la vérité, la justice et la réconciliation.

Aujourd’hui, des personnes qui ont commis des crimes sous l’apartheid ont vu leurs actes absous mais seulement après avoir reconnu leurs forfaits et demandé pardon ou après avoir été jugés. La plupart circule tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays sans crainte. Pourra-t-il en être de même pour Joseph Kony et ses lieutenants ? Ils peuvent bénéficier de l’amnistie des autorités mais pas forcément du pardon des victimes dont on a peu entendu l’avis depuis qu’il est question de négociations de paix. En outre, l’épée de Damoclès de la CPI plane toujours sur la tête du chef-rebelle et ne se fera certainement pas prier pour s’abattre sur lui, le moment venu.

Toutefois, on peut se poser la question de savoir si la démarche du pouvoir ougandais ne constituait pas, en fait, une ruse de guerre. Une ruse qui consisterait à donner de fausses garanties au chef rebelle pour l’amener à désarmer et lui porter le coup de grâce après. Une attitude qui rappelle le cas libérien où Charles Taylor a été rassuré d’une retraite paisible malgré ses crimes, mais a été rattrapé par son passé pour lequel il doit répondre devant le Tribunal pénal international auquel il a finalement été livré.

Comme quoi, toute personne doit toujours répondre de ses actes, pour sans doute éviter que l’assertion selon laquelle "tuez un homme et on vous met en prison, tuez-en dix et on vous envoie dans un asile, tuez-en mille et on vous invite à une conférence sur la paix", ne soit une règle. L’Ouganda doit être félicitée, soutenue et assistée dans cette recherche de la paix. Seulement, cette paix doit emporter l’adhésion générale, c’est-à-dire être acceptée par tous.

Le Pays

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