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Contre la vie chère : Des mesures économiques s’imposent

Publié le lundi 4 septembre 2006 à 06h49min

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La hausse constante du prix des hydrocarbures est l’expression de la vie chère qui frappe les Burkinabè. Pour y remédier, l’auteur qui ouvre le débat ci-après propose la prise de mesures politico-administratives, d’agir sur la demande nationale dans le sens de la faire fléchir ou tout le moins la maintenir en stagnation : réduction du train de vie de l’Etat ; réaménagement des horaires de travail, par exemple.

La situation actuelle des hydrocarbures et son évolution ne peut laisser et ne laisse d’ailleurs personne indifférent dans notre pays. Toutes les différentes composantes de la société réagissent à cette situation, chacune suivant sa position sociale de gouvernant ou de simple citoyen, suivant des intérêts économiques parfois divergents (acheteurs ou vendeurs, producteurs ou consommateurs). Dans de pareilles situations, je suis de ceux qui pensent que c’est un devoir civique de contribuer à la recherche de solutions conciliantes.

Le Burkina Faso, pays pauvre très endetté, a une forte dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur. Malheureusement sa marge de manœuvre pour maîtriser cette dépendance reste très mince. Cette pesanteur exerce une forte attraction au plan économique (balance commerciale, coût de production des entreprises locales, finances publiques...) dont les "vibrations" touchent immédiatement le plan social en termes de pouvoir d’achat et de demande globale. Si les mécanismes économiques le plus souvent latents sont moins perceptibles par le commun des Burkinabé, les effets sociaux de cette dépendance extérieure sont directs.

En témoignent les manifestations des groupes sociaux ces derniers temps contre la vie chère. Si les causes de cette situation de rareté sont à rechercher dans la conjoncture économique et politique internationale, les conséquences sont elles, suivant les pays, plus ou moins atténuées selon la capacité économique et la volonté politique de chacun à réagir et à trouver des solutions d’abord internes, puis à travers les instances des ensembles politico-économiques auxquels il appartient. En effet, les mesures d’accompagnement, pour ne pas parler de solutions à cette crise énergétique, sont à prendre au plan interne des Etats comme le Burkina mais aussi dans les instances de regroupements de pays tels l’UEMOA et la CEDEAO pour rester dans la sous-région.

Au plan interne des Etats

Un pays comme le Burkina peut prendre des mesures politico-administratives permettant à défaut d’influencer l’offre, donc les prix des hydrocarbures, d’agir sur la demande nationale dans le sens de la faire fléchir ou tout au moins, la maintenir en stagnation. Parmi ces mesures, il y a la logistique et le train de vie de l’Etat. Par ailleurs, un réaménagement des horaires de travail tel que le système des journées continues permettrait aux travailleurs qui constituent une bonne partie de cette demande pétrolière, de réduire théoriquement de moitié leur consommation énergétique. Ce système de gestion administrative existe déjà dans bien de pays ou de grandes métropoles qui connaissent des problèmes de circulation urbaine.

Les mesures économiques à mettre en œuvre sont les plus importantes dans la situation actuelle des hydrocarbures. En effet, il est connu au Burkina, et le ministre du Commerce l’a dit lors du point de presse du gouvernement du lundi 22 mai 2006, que les droits et taxes perçus par l’Etat sont une composante essentielle du niveau des prix des hydrocarbures à la pompe dans notre pays. Ces prélèvements permettent à l’Etat, selon le ministre susdit, d’assumer pleinement son rôle « d’Etat providence » puisque ces fonds sont réaffectés à des subventions de produits de grande consommation et d’intérêt économique stratégique comme l’électricité produite par la SONABEL. L’une des premières mesures économiques - j’allais dire de gestion - à prendre consisterait à amener, ces entreprises bénéficiaires de ces subventions, à défaut de s’en défaire, à réduire leur dépendance vis-à-vis de cette manne financière.

Ceci ne peut se faire qu’en faisant valoir la dynamique interne de gestion de ces entreprises qui permettrait un usage des plus efficients de ces subventions publiques. Il est connu de tous les Burkinabé que la SONABEL connaît de sérieux problèmes pas techniques mais surtout organisationnels, j’en veux pour preuve l’avis de consultation pour la réalisation d’un audit organisationnel de cette société d’Etat, paru dans la presse ces derniers mois. Vivement que cet audit puisse nous révéler de suite le coût supplémentaire que nous consommateurs, nous payons sur chaque kw consommé, du fait de cette insuffisance organisationnelle de la SONABEL qui engendre forcément ces surcoûts. Je ne suis pas convaincu que dans ces cas de figure, l’Etat providence, à travers sa « main invisible » déjà insuffisamment innocente, ne crée pas en sus, des effets socio-économiques pervers.

En effet, l’une des raisons avancées par les institutions de Bretton Woods pour exiger et obtenir les privatisations des entreprises publiques est que celles-ci ponctionnent parfois très énormément les ressources budgétaires déjà maigres des Etats à travers justement les subventions qui leur sont accordées. Alors, les subventions sont indésirables surtout quand celles-ci cachent, entretiennent et encouragent en réalité une certaine médiocrité. Si par nationalisme, je suis contre la privatisation d’entreprises publiques, parfois acquises et entretenues au prix d’énormes sacrifices collectifs pour un soi-disant intérêt public ou stratégique très discutable, je suis également par le réflexe de citoyen "homo œconomicus" pour une gestion modèle et moderne de ces entreprises.

Je suis convaincu que ces entreprises peuvent et doivent même mieux faire au regard du trop grand nombre d’avantages publics (monopoles, subventions, prêts financiers publics rétrocédés avantageux, la puissance publique...) dont elles bénéficient. L’autre société d’Etat, mise en vedette dans cette situation des hydrocarbures, est bien sûr la SONABHY. Nous avons été édifié d’apprendre que la Nationale des hydrocarbures a pu dépanner toute la sous-région en kérosène d’avions ces derniers temps. C’est alors dommage que la mission à lui assignée par l’Etat burkinabè se résume à une gestion en volume du stock national disponible, en omettant volontairement ou insoucieusement d’y associer une politique de prix pratiqués à la consommation.

La SONABHY pèche donc d’abord par la simplicité de sa mission et en se montrant à mon humble avis, piètre gestionnaire de stocks. En effet, sur l’évolution des cours mondiaux, elle a manqué de prévision et d’anticipation qui sont fondamentales en matière de gestion de stocks. Aujourd’hui, des outils et des mécanismes de finances modernes permettent de se « couvrir » et de se prémunir des variations des cours pour ne pas les subir à la lettre et au jour le jour comme le cas aujourd’hui du Burkina. La SONABHY n’ignore certainement pas tous ces mécanismes. Ces mêmes outils sont valables pour la Nationale du coton à qui il plaît aussi de répercuter chaque année les variations des cours du coton aux valeureux et pauvres paysans.

Quand nous sommes - rarement - producteurs, nous sommes sous la menace de baisses des cours mondiaux ; alors que quand nous sommes - toujours - consommateurs, nous sommes victimes des hausses incessantes des cours. D’aucuns pensent même que ce manque ou cette insuffisance de vision futuriste qui nous confine dans la gestion à vue, est l’un des vrais maux à notre développement. Au côté des mesures qui doivent être prises au plan intérieur des Etats, il est impératif et important que les instances de regroupements inter-Etats puissent s’en mêler de façon subsidiaire.

Au plan extérieur des Etats

Aucun pays, surtout pas comme le nôtre ne peut à lui seul influencer la conjoncture économique mondiale, d’où la nécessité de se retrouver dans les regroupements régionaux comme l’UEMOA et la CEDEAO. Pour ce faire, pourquoi n’envisage-t-on pas une « SONABHY », une « SOFITEX » à une échelle communautaire, des multinationales régionales ? C’est dans ce sens que le forum du 13/07/06 (Observateur n°6683 du 18/07/06) de la Fondation pour l’Unité africaine est louable.

D’ailleurs, comment se fait-il que la tarification des hydrocarbures échappe toujours au tarif extérieur commun (TEC) et au système d’harmonisation de la fiscalité intérieure de l’UEMOA et qui nous permettrait d’avoir le même niveau de taxes que le Mali, la Côte d’Ivoire ou le Bénin ? Parfois aussi, nos espoirs en certaines institutions de regroupements de pays sont vite déçus quand certains de leurs responsables tiennent à propos des hydrocarbures, des raisonnements du genre « il suffit que les gens revoient leur mode de vie, ceux qui se déplaçaient en véhicule reviennent aux mobylettes, ces dernières seront remplacées par des vélos, ainsi de suite ». Ceci n’est certainement pas à mon avis, une politique économique, c’est très simpliste et même très dangereux qu’un problème aussi sérieux et important que le pétrole soit perçu de la sorte. Je suis même convaincu que l’auteur de ces propos ne maîtrise pas toute la portée économique de ce qu’il a avancé. Nous préférons croire que ce sont des personnes distinctes de leurs institutions qui se sont ainsi exprimées.

Dans tout notre bavardage, nous avons voulu souligner avec insistance qu’une économie nationale bien que toujours dépendante des aléas extérieurs repose toujours sur les principes d’unicité et d’universalité, pour emprunter ces termes des financiers publics. En situation de crise donc, les aménagements à apporter doivent donc être d’abord internes cela permet de mieux accueillir ou refouler les facteurs externes. Il ne sert peut-être à rien d’aller décrier l’injustice du commerce mondial sur les tribunes internationales, si tous les mécanismes intérieurs ne sont pas préparés à accompagner ce courage politique.

Il faut également se rendre à l’évidence que le problème du pétrole n’est plus une simple crise (non durable et isolée mais un phénomène global qui s’inscrit désormais dans le long terme, alors toutes les thérapies à y apporter doivent nécessairement, pour être efficaces, prendre en compte cette dimension.

Ilyinga Antoine ilyinga@yahoo.fr

L’Observateur Paalga

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