LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Retour d’Alain Juppé en politique : Une torpille chiraquienne anti-Sarkozy ?

Publié le jeudi 31 août 2006 à 07h54min

PARTAGER :                          

Alain Juppé et Nicolas Sarkozy

En principe, c’est aujourd’hui, jeudi 31 août 2006, que le Conseil municipal de la ville de Bordeaux (France), dominé par l’Union pour un mouvement populaire (UMP), devra démissionner. C’est ce qu’a annoncé lundi dernier le maire Hugues Martin.

En fait, il s’agit de permettre à Alain Juppé, ancien Premier ministre et ancien maire de Bordeaux (1995-2004), de se remettre politiquement en selle après avoir purgé une peine d’inéligibilité d’un an suite à une décision de justice concernant le traitement judiciaire de l’affaire dite des Emplois fictifs du Rassemblement pour la république (RPR), parti fondateur de l’actuelle UMP.

Pour se faire oublier un peu, l’homme de confiance de Jacques Chirac s’est retiré au Canada, où il a donné des cours à l’Ecole nationale d’administration publique (ENAP). Après ce purgatoire d’un an, cet homme qui a contracté le virus de la politique veut revenir aux affaires en commençant par la mairie qu’il avait été contraint de quitter en 2004.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cet « animal politique » a su garder intacte toute son influence sur ses anciens camarades de Bordeaux pour que ceux-ci acceptent de saborder le Conseil municipal, lui tendant ainsi la perche. Une perche qu’il doit saisir pour rebondir dans l’arène politique nationale.

En effet, Hugues Martin le dit très clairement : « Nous souhaitons tous le retour d’Alain Juppé pour Bordeaux et pour l’agglomération. Pourquoi pas aussi pour la France, puisqu’un grand débat va s’ouvrir et qu’il doit y avoir sa place (...), à son niveau, c’est-à-dire à un niveau d’homme d’Etat ».

Pour cela, il est un impérieux devoir pour l’UMP de remporter les élections partielles d’octobre 2006, sinon ce serait la mort politique annoncée d’Alain Juppé. Vu l’enjeu, on peut imaginer que la section locale de l’UMP a minutieusement préparé le terrain afin de ne pas répéter cette erreur stratégique commise par un certain Jacques Chirac, avec cette historique dissolution hasardeuse de l’Assemblée nationale en 1997.

Alors que le président français entendait remporter cette législative pour mieux gouverner, il a été surpris par les partis de gauche, qui ont raflé la mise en le contraignant à une longue et douloureuse cohabitation avec Lionel Jospin.

Mais s’il y a vraiment un seul homme dans l’Hexagone qui ne doit pas être particulièrement heureux de ce retour annoncé urbi et orbi de Juppé, c’est bien le sémillant, et populiste sur les bords, Nicolas Sarkozy, qui doit prier tous les dieux afin que le Bordelais ne se déclare pas candidat à la présidentielle.

En effet, si Juppé devait aussi prendre la ligne de départ, les choses se compliqueraient sérieusement pour le ministre de l’Intérieur.

Et il faut se dire qu’en réalité, si Alain Juppé avait été là, ce n’aurait pas été du tout évident que Sarkozy eût réussi aussi facilement son OPA (Offre publique d’achat) politique sur l’UMP.

En rentrant donc en France, et surtout en s’engageant politiquement, l’ex-Premier ministre semble être une vraie torpille lancée contre l’irrésistible ascension présidentielle du maître de la place Beauvau.

Un calcul d’équilibriste réalisé par Chirac qui, bien que voulant que son parti, l’UMP, remporte l’élection, voudrait bien brouiller le jeu de cartes pour tirer la couverture vers celui des siens qui est susceptible de manifester à son endroit de la reconnaissance, en le soustrayant autant que possible des poursuites judiciaires qui l’attendent à son départ de l’Elysée.

Souvenons-nous que l’affaire des Emplois fictifs du RPR à la mairie de Paris, c’était à l’époque où Chirac était maire de la capitale française.

Dans son for intérieur, le président sait que sauf tremblement de terre, De Villepin, malgré des succès dans la lutte contre le chômage et une fragile croissance économique retrouvée, n’a rien du bon joker à la course présidentielle, surtout qu’il n’a jamais joui d’un mandat électif.

Et ses multiples dérapages langagiers à l’Assemblée nationale, où il a souvent été hué, sont autant de points faibles qu’il traîne derrière lui, telles de vieilles casseroles, bonnes tout juste pour la poubelle.

Et la solution Sarkozy ? Elle doit effrayer un peu Chirac. C’est même une hantise pour l’ex-maire de Paris, surtout que ce n’est pas le grand amour entre eux. Et Sarkozy à la présidence, ce n’est pas une garantie de bonne retraite pour le mari de Bernadette.

Comme De Villepin, Sarkozy, bien que maître de la parole puisqu’avocat de formation, a fait étalage aussi de dérapages langagiers. En parlant comme on respire, c’est à dire sans mettre à contribution le choix de mots appropriés, on se trompe. Et grandement, Sarkozy a parlé un peu de trop, surtout lors de la crise des banlieues.

Et ils sont nombreux les Français d’origine étrangère qui donneraient de l’eau avec une fourchette si d’aventure Sarkozy leur demandait un bol d’eau fraîche pour se désaltérer.

En cas de second tour et au cas où Sarko se trouverait en ballotage favorable, il est fort possible que tous les banlieusards se liguent contre lui. Dans ces conditions, la victoire est loin d’être acquise d’avance avec l’actuel ministre de l’Intérieur.

Reste alors Alain Juppé, qui semble un homme neuf après son purgatoire, cette retraite canadienne. Brillant politique doublé d’un technicien, il n’a aucun réel différend politique en suspens.

Mieux, ceux de la Droite qui ne voudront pas élire un président d’origine étrangère (Ndlr : Sarkozy est fils d’immigrés hongrois) seront alors heureux de voter pour Juppé. Chose qui ne déplairait pas à Chirac puisque les deux se chouchoutent bien depuis et cela ne s’est jamais démenti.

L’os dans cette option pourra être la mémoire des Français. En effet, est-ce qu’ils vont accepter de donner l’Elysée à un homme qu’ils ont chassé de Matignon ?

Quoiqu’on dise, la prochaine présidentielle française sera un véritable cas d’école, un laboratoire pour les "politistes" et ceux qui s’intéressent à la science politique. Suivons-la alors pour l’avenir !

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique