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Société civile burkinabè : Une image catastrophique

Publié le vendredi 25 août 2006 à 07h47min

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Ousmane Nacro de la LIDEJEL

A la faveur des élections des représentants des composantes de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à savoir la majorité, l’opposition et la société civile, on s’attendait beaucoup plus à des déchirements entre des politiciens.

Mais, contre toute attente, c’est le groupe des associations de défense des droits humains et des libertés de la société civile qui s’est plutôt livré en spectacle. Depuis cette élection houleuse du représentant de cette composante en la personne de Moussa Michel Tapsoba, le 12 août, les déclarations, les contre-déclarations dans la presse, bref les passes d’armes sont légion. Des accusations mutuelles de toutes sortes allant de pratiques corruptives à des soutiens peu recommandables en passant par des tricheries, des achats de conscience sont étalées sur la place publique.

On croirait avoir affaire à des querelles intestines de politiciens ou en période de campagne électorale avec ce que cela comporte, sous nos tropiques, de pratiques de bas étage, de basses manoeuvres. C’est à ne plus reconnaître cette société civile burkinabè qui a ravi la vedette à la classe politique en matière de comportements malsains, d’appétits pour des postes (juteux ?) et de défense d’intérêts purement personnels. Ce qui s’est passé n’honore pas la société civile burkinabè. D’ailleurs, n’est-il pas temps de définir la notion de société civile et de dire qui devrait et qui ne devrait pas y être ?

L’évocation de la société civile nous fait chaque fois penser à la définition que lui avait donnée feu Norbert Zongo, à savoir un fourre-tout. Toutefois, notre société civile s’était bien gardée de poser des actes pouvant lui faire coller cette étiquette peu glorieuse. Hélas, les derniers événements ont mis à nu son vrai visage, un panier à crabes où les plus forts mangent les plus faibles. Pourtant, que d’espoirs placés en elle par les citoyens pour servir de contre-pouvoir et d’arme de combat et de force de propositions ! Finie donc la période où elle faisait preuve de combativité et arrachait des concessions au pouvoir ? Si elle n’y prend garde, la société civile burkinabè risque d’être discréditée comme l’est la classe politique, on le sait, qui fait feu de tout bois pour récupérer toute lutte, infiltrer tous les milieux. Ce serait dangereux pour le processus démocratique dans lequel la société civile a un grand rôle à jouer.

Faut-il donc craindre à la longue sa disparition du fait des querelles de chiffonniers, de sa récupération, de son infiltration par les politiciens ? Aucun démocrate ne souhaiterait une telle éventualité mais il y a lieu que les acteurs, plus précisément la composante défenseurs des droits humains et de la liberté, se ressaisissent. Les déchirements constatés proviennent effectivement jusque-là de ce groupe d’hommes. Les confessions religieuses par exemple ont élu leurs représentants à la CENI sans accrocs. Pourtant, elles font aussi partie de la société civile et sont des candidates potentielles à la présidence de la structure. C’est à ce titre que deux pasteurs l’ont déjà dirigée. Alors pourquoi ça coince chez les défenseurs des droits humains et des libertés ? Ce cirque est-il lié au nombre des associations ou, finalement, chacun s’est-il mis à l’idée qu’il y a à manger et à boire à la CENI ?

Avec le spectacle livré par la société civile, il est à redouter que l’image de la nouvelle CENI ne prenne, par ricochet, un coup. Il est aussi à craindre que la structure ne puisse pas très bien remplir sa mission. En effet, que pourrait-on penser d’une structure chargée de l’organisation, dans la transparence et la régularité, des élections dont le président lui-même est élu dans des conditions jugées douteuses ? Quelle leçon de transparence, de neutralité et quel gage d’indépendance peut-elle montrer s’il n’est un secret pour personne que des commissaires ont été pistonnés par des politiciens ? Tous ceux qui se sont battus pour l’avènement de la CENI ne doivent pas perdre de vue que le blocage de cette structure pourrait conduire à sa suppression pure et simple comme l’a demandé récemment le groupe parlementaire Convention des forces républicaines (CFR).

Qui sait si cette querelle autour de l’élection du représentant des droits humains ne participe pas de ce scénario ? Une question légitime lorsqu’on sait que la CENI est l’objet de vives critiques du fait des imperfections du fichier électoral informatisé. Gageons que les nouveaux commissaires sauront tirer les leçons de tout ce qui s’est passé, dépasser leurs égoïsmes et ne voir que l’ancrage de la démocratie, le seul combat qui vaille.

Le Pays

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