LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Dialogue intertogolais : Blaise Compaoré tient la vedette à Lomé

Publié le mardi 22 août 2006 à 08h10min

PARTAGER :                          

La salle Concorde de l’Hôtel Corinthia 2 Février, à Lomé, était devenue trop petite en cet après-midi du 20 août 2006. Tout le Togo des dignitaires politiques, traditionnels et religieux y avait convergé pour être le témoin d’un acte historique, la signature de l’accord politique arraché de haute lutte à Ouagadougou.

La sobriété du décor et du cérémonial tranchait beaucoup avec l’importance des enjeux : la signature d’un accord par le gouvernement, six partis politiques, deux associations de la société civile et le facilitateur Blaise Compaoré, en vue de sortir le Togo d’une longue période de crise. Une table sur le podium où siègent notamment les présidents togolais et burkinabè ; en face une autre pour la signature solennelle de l’accord, un grand public trié sur le volet et deux chorales religieuses.

Même les discours, dépouillés de tout verbiage creux, respiraient la simplicité d’acteurs pressés d’aller à l’essentiel, c’est-à-dire la mise en oeuvre pratique des bonnes intentions. On est bien loin des flonflons et du folklore qui entouraient de tels événements sous l’ère Eyadema.

Le pragmatisme semblait le leitmotiv chez tous, car on sait que cet accord est le 12e du genre que les frères ennemis togolais signent. Et comme pour donner le ton de ce que doit être le nouveau Togo, celui du respect des engagements pris, l’Union européenne a octroyé au pays, quelques minutes avant la signature de l’accord politique, 15,8 millions d’euros (soit plus de 10,3 milliards de F CFA) en guise de soutien aux filières café, cacao et coton. L’UE avait déjà consenti environ 25 milliards de F CFA au Togo, entre septembre 2005 et août 2006, après avoir fait le constat que le président Faure Gnassingbé était décidé à réconcilier les Togolais avec eux-mêmes.

Parmi les actes posés et qui incitaient l’Union européenne à l’optimisme, on note la mise en place d’un gouvernement ouvert à l’opposition en juin 2005, la création du Haut-commissariat aux rapatriés et à l’action humanitaire, l’installation d’une commission d’enquête indépendante sur les événements survenus entre février et avril 2005, la libération de détenus politiques, l’adoption d’un programme de réforme de la justice et de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication.

Faure prêt à jouer sa partition

Autant d’efforts que le représentant de la CEDEAO a salués, en félicitant le président Faure Gnassingbé d’avoir engagé ce dialogue national non pas seulement pour les beaux yeux de la communauté internationale, mais surtout, a-t-il dit, dans une démarche de réconciliation et de paix. L’intéressé lui-même a plutôt fait preuve de modestie, s’effaçant presque pour mettre au-devant de la scène le facilitateur, le président Blaise Compaoré, pour qui il a demandé une "standing ovation" en raison de "l’oeuvre immense et historique qu’il vient d’accomplir pour le peuple togolais". Il a salué l’attachement du président Compaoré aux "valeurs du dialogue, de la tolérance et de la paix sociale".

Poursuivant dans les éloges, il a ajouté : "Sa présence à nos côtés, pour donner un éclat solennel à cette cérémonie, après tout le temps qu’il a consacré à rapprocher les points de vue, traduit, si besoin est, sa volonté d’apporter sa contribution à l’édification de la nouvelle Afrique, digne, tolérante, paisible et prospère."

Tout en reconnaissant les efforts et les mérites des uns et des autres, le président togolais n’ignore cependant pas que l’après-accord est parsemé d’embûches, car "aucun processus politique n’est linéaire". "Il y aura des atermoiements, des hauts et des bas", prédit-il. L’essentiel, pour lui, c’est de "garder le cap, de respecter l’esprit et la lettre de cet accord et de ne pas créer des problèmes là où il n’y en a pas".

Le plus dur donc commence, selon le président togolais, qui a pris l’engagement de jouer sa partition en "tant que garant de la continuité de l’Etat, de la souveraineté du peuple togolais". Il a promis de tout mettre en oeuvre pour l’application de cet accord qui "vise le renouveau démocratique et la reconstruction démocratique" du pays.

Les défis à relever sont l’amélioration du cadre électoral, la formation d’un gouvernement d’union nationale, l’organisation d’élections législatives crédibles et la poursuite des réformes institutionnelles.

Blaise, un "récidiviste"

Le facilitateur, Blaise Compaoré, a précisé que la mise en oeuvre des décisions prises par le dialogue intertogolais incombait au prochain gouvernement d’union nationale ouvert à toutes les sensibilités. Il a émis le voeu que "le sens de la responsabilité qui a prévalu au moment de la conclusion de cet accord se manifeste dans sa phase d’application". Il a réaffirmé sa disponibilité et son engagement à toujours s’investir auprès des Togolais, afin que les accords de Ouaga ne connaissent pas un sort malheureux.

Le président Compaoré, qui dit avoir répondu à l’appel du devoir en entreprenant cette médiation, a véritablement été la star de la cérémonie de signature. Le Premier ministre togolais, Edem Kodjo, n’a pas eu de mots assez élogieux pour traduire cette reconnaissance de son pays au facilitateur.

Rappelant les médiations précédentes de Blaise Compaoré qui accouchèrent de Ouaga 1 , 2 et 3 en 1993, il a qualifié le président burkinabè de "récidiviste", un mot, dans le bon sens du terme, qui a fait sourire la salle. Tout en faisant confiance à la vigilance du facilitateur, qui est chargé de veiller à l’application de l’accord, Edem Kodjo a appelé ses compatriotes à faire preuve d’humilité, de compréhension réciproque et de bonne foi.

Toutes les forces sociopolitiques du Togo ont donc ouvert une nouvelle page de la vie de leur pays. Pourvu qu’elles fassent leur cette sagesse africaine citée par le président Compaoré : "Tu penses comme moi, tu es mon frère. Tu penses autrement, tu es deux fois mon frère, car, grâce à la richesse que tu m’apportes et à celle que je te donne, nous commençons à nous enrichir mutuellement."


Réactions après la signature de l’accord

Fambaré Ouattara Natchaba, député, membre du bureau politique du RPT, parti au pouvoir : "Notre parti, en signant cet accord, montre qu’il est prêt à faire des pas plus importants. Nous le sommes d’autant plus que nous avons un facilitateur en qui nous avons vraiment confiance. Ce qui nous a manqué par le passé, c’était des partenaires qui se sentent en sécurité pour travailler avec nous. Aujourd’hui, nous sommes autour d’un facilitateur qui fait l’unanimité. En ce qui concerne mon parti, comme l’a dit le président Faure Essoazina Gnassingbé, président national du parti, nous mettrons tout en oeuvre pour respecter notre signature. Le RPT est un parti de parole, et nous ferons tout pour respecter nos engagements."

Me Gahoun Hegbor, CAR, opposition : "L’application de ces accords est une question de volonté politique. Nous avons signé beaucoup d’accords au Togo sans les respecter. Mais cette fois-ci, nous pensons qu’un nouveau climat s’est instauré, un nouvel esprit est né. Nous comptons sur la bonne volonté de chacun pour qu’une fois, ce à quoi nous nous sommes engagés, nous le fassions. En ce qui concerne le gouvernement d’union nationale, nous faisons confiance au chef de l’Etat pour faire appel aux compétences nécessaires pour mettre en oeuvre la feuille de route du gouvernement."

Mgr Robert Dossey Anyroh, archevêque émérite de Lomé : "Tout a été dit, tout reste à vivre. Mon premier sentiment, c’est la joie et la reconnaissance. Joie parce que le Togo semble retrouver son unité. Un proverbe de chez nous dit que le bâton de la fraternité ne se casse jamais. Il peut se tordre, se plier, se redresser, mais il ne se casse jamais. Nous avons commencé à redresser ce bâton et je crois que la fraternité retrouvée, nous pourrons renouer avec le Togo profond de toujours, que nous aimons tous, que nous voulons bâtir dans l’unité, la fraternité, la solidarité et l’humanité."


Coulisses de l’accord du 20 août

. Hommes de l’ombre

Dans les négociations subtiles comme celle qui s’est engagée entre Togolais, le tact, la patience, le sens de l’écoute, la discrétion et la maîtrise des dossiers sont indispensables pour aboutir à des résultats satisfaisants. Côté burkinabè, le président Compaoré a mis à contribution cinq personnes que le représentant de l’Union européenne a tenu à saluer. Il s’agit des ministres Youssouf Ouédraogo, Djibrill Bassolé et Jean de Dieu Somda, et du Conseiller Lamine Sow.


. L’UE ouvre les vannes

L’une des décisions qui a le plus suscité les acclamations du public lors de la signature des accords est sans doute le retour du Togo dans le concert des nations fréquentables par l’UE et les financements qui s’annoncent déjà. Comme quoi, les Togolais sont, certes, sensibles aux accords politiques, mais ils le sont encore plus avec la perspective de la relance économique.


. Natchaba toujours populaire

L’ex-président de l’Assemblée nationale, Fambaré Natchaba Ouattara, jouit toujours d’une grande popularité. La salle l’a applaudi à tout rompre lorsque son tour arriva de signer l’accord au nom du RPT, le parti au pouvoir. Manifestement, l’homme, que certains appelaient affectueusement "ancien ", garde de solides assises au sein du parti présidentiel.


. Le Fokker de Faure

Le président Compaoré et sa suite, dont les ministres Youssouf Ouédraogo, Djibrill Bassolé et Jean De Dieu Somda, ont effectué le voyage aller-retour sur Lomé à bord d’un Fokker F28 de la présidence togolaise. Les échanges de bons procédés entre chefs d’Etat s’exercent aussi au niveau des moyens de transport.


. Sous la protection divine

La salle Concorde transpirait la spiritualité, à commencer par les deux chorales qui entonnaient à tour de rôle des chants religieux. Il y a eu aussi ce discours empreint de religiosité du président togolais. Prions donc pour que Dieu veille sur le reste du processus.

Par Mahorou KANAZOE (Envoyé spécial)

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Les Togolais sur la bonne voie
Ouagadougou et après ?
Dialogue inter-togolais : de Lomé à Ouagadougou
Propos des hommes politiques et des personnalités togolais
Des Togolais du Burkina Faso s’expriment
Togo : Kofi Annan salue la signature de l’accord global
Dialogue inter-Togolais : L’apothéose à Lomé