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Dialogue intertogolais : "Que le pompier fasse gaffe !"

Publié le mercredi 16 août 2006 à 08h05min

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La classe politique togolaise, les autorités coutumières et religieuses, ont pris leurs quartiers à Ouaga depuis la semaine dernière pour le dialogue intertogolais dont le président burkinabè, Blaise Compaoré, assure la médiation.

Pour le président du Rassemblement patriotique du Faso (RPF), Abraham Nignan, cela est louable. Toutefois, le médiateur doit faire attention en évitant lui-même de provoquer une crise semblable à celle pour laquelle il est sollicité pour sa résolution. A cette fin, il doit commencer par favoriser l’alternance au pouvoir.

Blaise Compaoré vient d’être désigné comme médiateur de ce qu’on a nommé « dialogue intertogolais », ce fameux dialogue qui a pour ambition d’unir les frères ennemis togolais et de mettre le pays sur une nouvelle voie. C’est dans ce cadre que Ouagadougou a abrité les 8, 9 et 10 août 2006, une rencontre qui a battu le rappel des différents protagonistes et des sensibilités politiques concernées. C’est un honneur qui est fait à notre pays, et cet homme, qui est avant tout un compatriote, donc Burkinabè, mérite d’être félicité pour cela. Le président du Rassemblement patriotique du Faso (RPF) est ravi de la désignation de Blaise Compaoré pour la recherche de la paix dans le pays de feu Gnassingbé Eyadema. Nous avons contesté la légitimité de l’homme et continuons de rester ferme sur cette décision, mais le capitaine Blaise Compaoré reste quand même un compatriote. Nous saluons ce choix car il s’agit de préserver la paix dans un pays voisin. Il s’agit d’éteindre le feu dans un pays qui fait frontière avec le nôtre. Mais nous ne devons pas nous complaire dans cette position de pompier et oublier ce qui se passe à nos portes, dans nos quartiers, nos villes, nos villages, provinces, régions et dans notre pays. La situation togolaise doit nous amener à nous poser un certain nombre de questions. Qu’est-ce qui engendre ce genre de crises dans un pays ?

La grandeur ne se mesure pas comme une hauteur d’arbre

La plupart des conflits que nous connaissons sont orchestrés par le régime au pouvoir ou par des opposants malhonnêtes. Ils sont les corollaires du manque de transparence et de la monotonie au sein de la gestion du pays. Comme on aime à le dire, gouverner, c’est savoir prévenir, savoir prévoir. La grandeur d’un président ou d’un opposant ne se mesure pas comme la hauteur d’un arbre. Elle est liée à son savoir-faire, à son état d’esprit. Est grand, celui qui a une pensée positive pour son peuple, celui qui, après avoir montré ses preuves sur le terrain, pense à laisser la place aux autres ou à préparer la relève. Afin de parer à une

probable catastrophe dans le nôtre, le RPF propose dès maintenant que nous préparions l’après Blaise Compaoré. Une idée qui n’a jamais frôlé la pensée de nombreux hommes politiques et qui est aujourd’hui à la base de véritables crises dans leurs pays ou les entités qu’ils ont gérées.

Tout régime au pouvoir doit préparer son départ et lutter pour un futur meilleur de ses populations. L’essentiel n’est pas de s’accrocher pendant plusieurs décennies au pouvoir, mais plutôt de créer les conditions d’une vie paisible et prospère. Gouverner, c’est prévoir. Ce qui n’est pas le cas chez nous au Burkina.

Au fur et à mesure que le temps passe et pendant qu’il met en exergue ses tares, le parti au pouvoir continue de s’agripper à « sa chose ». Quand un régime s’accroche pendant plusieurs décennies au pouvoir, son départ doit être préparé. A force d’éviter de penser à ce fait, certains chefs d’Etat et leur suite ont fait place au chaos après leur départ. Nos frères sierra-leonais, ivoiriens, libériens et congolais ( ex-Zaïre) qui n’ont pas su agir à temps paient aujourd’hui le tribut de leur négligence. Il en est de même pour les Togolais qui n’avaient jamais pensé à un après Eyadema. Tout cela devrait nous servir d’expérience et nous amener à considérer avec attention la désignation de notre compatriote comme médiateur du dialogue intertogolais. Osons éviter de tomber dans les mêmes erreurs. 20 ans, c’est suffisant pour montrer son savoir-faire et ses tares. C’est aussi suffisant pour préparer sa relève et éviter les remous et autres risques de crises.

Si Blaise n’a pas pu, qui pourra ?

Cette question a frôlé de nombreuses lèvres et a montré quelque part le manque de maturité de nombreux Burkinabè qui, en plus de se sous-estimer, ont osé en faire de même pour leurs compatriotes. Elle rappelle aussi cette fameuse phrase de Hippolyte Taine qui disait qu’il existe « quatre sortes de personnes dans le monde : les amoureux, les ambitieux, les observateurs et les imbéciles. Les plus heureux sont les imbéciles. »

Blaise Compaoré n’est pas né président. Il n’est pas un surhomme et son procédé d’ accès au pouvoir ne fait nullement de lui un homme sortant de l’ordinaire ou une référence. Comme le disait Diderot, « dire que l’homme est un composé de force et de faiblesse, de lumière et d’aveuglement, de petitesse et de grandeur, ce n’est pas lui faire son procès, c’est le définir ». Les présidents ont toujours jailli du lot des populations, ils ont appris à vivre, à faire vivre, à gérer et gouverner. Nul n’est irremplaçable et il y a une espèce de honte d’être heureux à la vue de certaines misères. Que ceux qui n’ont plus rien à dire se taisent. Il existe au Burkina des milliers de personnes qui pourraient faire mieux que ceux qui gèrent le pouvoir en ce moment. Et le président du RPF s’est toujours classé dans le lot de ceux qui ont choisi d’offrir leurs services au peuple burkinabè afin de le conduire dans son voyage pour un futur glorieux et paisible.

L’incontournable affaire Norbert Zongo

Nous n’oserons terminer notre discours sans faire un clin d’ œil à l’affaire Norbert Zongo. Pour ce qui concerne cette question, nous ne sommes pas surpris de la décision injuste du pouvoir judiciaire de notre pays. Cela montre encore une fois le manque de transparence dans la gestion du pouvoir au Pays des hommes intègres. Cela met également en exergue la non séparation des pouvoirs en place (judiciaire, exécutif et législatif). Tôt ou tard, la vérité fera surface dans cette affaire. Tôt ou tard, les coupables seront punis.

Cette affaire est nationale et non individuelle. Elle concerne tous les Burkinabè et ne devrait pas être prise comme fonds de commerce par certains hommes politiques. Le mieux serait donc que vrais opposants, société civile et tous les hommes de bonne foi se réunissent et cheminent ensemble pour revendiquer toute la vérité et la justice pour Norbert Zongo et ses compagnons. Alors, très chers opposants et hommes politiques, mettez la balle à terre car cette affaire nous concerne tous.

Loin d’être une agression, ce message s’énonce comme un appel à la prise de conscience, une volonté de préserver la paix dans le pays qui nous est si cher.

C’est le sacerdoce de Abraham Nignan.

Abraham Nignan

Président du Rassemblement patriotique du Faso (RDF)

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